Le ciel moelleux de STACE
Des siècles de ritournelles. Des siècles de chansons dont les refrains rituels cherchent à entretenir les relations entre les émotions intérieures, les lieux, les âmes, les bêtes, les plantes. Presque trois quarts de siècle que Boris Vian a inventé le mot « tube ». Et des décennies que l’industrie manie dans tous les sens les ingrédients qui font qu’une mélodie marque les esprits. On croit avoir tout entendu. Et puis, un jour, tous ces éléments trop connus, rabâchés, congestionnés, se remettent en mouvement, comme au premier jour. Quelqu’un a trouvé une nouvelle combinaison. Comme un paysage routinier auquel un élément inhabituel – une lumière magique, la visite d’une biche, le vol d’oiseaux migrateurs – confère le statut de nouvel horizon. Voici une chanson qui éveille de multiples réminiscences de « déjà entendus » et qui pourtant a quelque chose de vierge. De l’inconnu aérien se glisse et miroite au creux des références aux répertoires connus. En bonne intelligence, en échanges mélancoliques avec un héritage soul.
C’est une chanson d’éveil, au bord de. C’est une chanson attentionnée sur l’entre-deux moelleux des choses et des vies. Une foulée mélodique entre ciel et terre, amortie de nuages, lovée sur ses ténèbres, habitée par la syncope hésitante entre ce que l’on reçoit de l’autre et le don fragile de soi, ce que l’on retient, ce qui échappe. La chanson d’une aube incertaine, étourdie. Des promesses sont dans l’air, labiles. C’est la chanson d’un début. 1’’49’’ pour installer toute la fragilité qui va nourrir un nouveau récit chanté, un nouveau regard sur le monde. La force vocale intangible de STACE, familière et neuve, fraîche et immémoriale, pose les éléments épars et interpellant de quelque chose qui vient, attendu et imprévisible, réconforte et désarçonne.
Forcément, on attend la suite.
Pierre Hemptinne
Photo : STACE © Diana Vos