Le Festival d'Art de Huy
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Un festival au cœur de la ville
Né il y a plus de trente ans à l'initiative d'Anne-Marie Lizin, la bourgmestre de l'époque, le Festival d'Art de Huy avait pour objectif de mettre en valeur, entre autre, le patrimoine local. A l'origine, il présentait tous les genres scéniques, du théâtre à la musique. En 1996, sous l'impulsion de Jean-Pierre Depaire et de Philippe Content, il prend sa forme actuelle et se focalise sur la diversité des musiques et voix du monde. Le festival est une ASBL indépendante du Centre Culturel et se concentre sur deux lieux importants: le couvent des Frères Mineurs, où se déroulent les concerts payants, et l'espace Saint-Mengold, une ancienne église désacralisée, pour les concerts gratuits.
Depuis trois ans, suite à la fragilisation du site du couvent, les activités se déroulent uniquement dans l'église, ce qui a provoqué une diminution de la jauge disponible. Mais tout n'est pas négatif: le bâtiment au charme certain et à l'identité très particulière offre une excellente acoustique et une plus grande proximité entre l'artiste et le public. A tel point que de nombreux musiciens demandent à venir jouer là ! L'église est par ailleurs située sur une place ouverte au passage, qui devient le centre du festival et le lieu de nombreuses animations – fanfares et bals – attirant un public diversifié, des touristes de passage aux Hutois curieux.
Une programmation très diverse
Les dernières éditions du festival ont connu une nouvelle dynamique et une ouverture vers d'autres lieux, en collaboration avec les opérateurs locaux. Le Musée de Huy accueille au Fort une journée des familles pour un parcours musical. Centré sur les réfugiés et la migration, puis sur l'Afrique, il proposera cette année une découverte de la voix (le dimanche 19 août). Le public pourra déambuler dans les différentes salles et assister à de mini-concerts des chanteuses belgo-galiciennes d'Ialma, mais aussi de Laïla Amezian (chant arabo-andalou), Manou Gallo (Côte d'Ivoire) et Lucilla Galeazzi (Italie). A la fin de la journée, elles se réuniront pour un concert en compagnie de Didier Laloy et Quentin Dujardin. Cette déambulation permettra de découvrir le site du fort, des ateliers de fabrication d'instruments et proposera des dégustations de produits de Galice.
Le dimanche matin, le festival propose une croisière musicale sur la Meuse, avec apéritif et chansons de Nisia, un duo qui perpétue les riches traditions siciliennes avec une fraîcheur incomparable. Emanuela Lodato est une chanteuse talentueuse et excelle dans l'art de raconter des histoires qui touchent petits et grands, accompagnée à la guitare et à la contrebasse par Vincent Noiret.
Continuant la tradition des cartes blanches données à un
artiste ou une association, le festival propose cette année (le samedi 18 août)
une soirée Muziekpublique. Institution culturelle bruxelloise et académie de
musique ouverte sur la diversité culturelle, elle invite deux projets créés par
quelques-uns des professeurs vivants en Belgique. Nebras est un ensemble de
musique arabe, associant huit musiciens passionnés par les traditions
moyen-orientales, des montagnes turques aux plateaux de Syrie, en passant par
les rivières irakiennes. Quant à City Blues, il propose un voyage dans les
musiques urbaines du monde entier, du tango argentin au rebetiko grec, du choro
brésilien au flamenco espagnol.
Ces rencontres interculturelles sont l'essence de la programmation de l'édition 2018. À une époque où le mot diversité est sur toutes les lèvres, il est important pour le festival de faire découvrir les musiques du monde sous toutes leurs facettes, qu'il s'agisse de styles traditionnels ou de croisements issus de la rencontre entre différentes cultures. Pianiste de tradition occidentale, Jean-Philippe Collard Neven partagera la scène le dimanche 19 août avec Nasser Houari, un musicien marocain qui joue l'oud dans la tradition arabe. Le lendemain, le lundi 20 août, ce seront les traditions du saz turc d'Emre Gültekin qui seront confrontées et mélangées à la culture baul du Bengale, avec le duo indien BrahmaKhyapa.
Il est impossible de détailler toute la programmation ici mais n'oublions pas la soirée de clôture qui prolonge cet esprit de découverte. Le trio Lopéz / Petrakis / Chemirani invite à un voyage qui ouvre de nouveaux horizons. Nourris par les traditions de leurs pays respectifs – Espagne, Crète et Iran – les trois musiciens créent une musique contemporaine, ancrée dans le monde actuel. Enfin, pour clôturer le festival, le trio Tamala propose une exploration des univers musicaux des différents membres du groupe, entre l'Afrique et l'Europe, entre tradition et innovation.
Les belles perspectives d'avenir du festival
L'élaboration de cette programmation n'a pas été aisée, comme l'explique Emmanuelle Greindl, responsable du festival. Celui-ci était subsidié depuis longtemps par des conventions bisannuelles mais a lancé l'année passée une demande de contrat programme à la Fédération Wallonie Bruxelles. Fin novembre, au moment où le choix des musiciens devait être arrêté, la nouvelle d'un refus de contrat programme et une diminution des subsides ont amené à une programmation plus restreinte en termes de visibilité d'artistes étrangers mais amenant une intéressante opportunité de faire la part belle aux artistes de la Fédération Wallonie Bruxelles. Au mois de mars, un contrat programme a enfin été signé, avec une augmentation de la somme attribuée au festival, ce qui augure un beau futur pour celui-ci.
Le festival d'Art de Huy est unique en Wallonie: il est le seul à programmer uniquement des musiques du monde, à être autant ancré dans la tradition tout en s'ouvrant à de nouveaux projets. Il a cet autre avantage de se dérouler dans un lieu unique. L'espace Saint-Mengold est un endroit qui laisse la place à la méditation; la réverbération du lieu accorde au son des instruments le pouvoir d'emporter l'auditeur dans un autre monde. Parmi ses plus belles expériences, Emmanuelle Greindl cite, entre autres, les concerts de l'iranien Kayan Kalhor ou des artistes comme le groupe Violons Barbares ou Mathias Duplessy et les Violons du Monde, des musiciens qui ont réussi à faire vibrer le Couvent ou l'ancienne église. Il est certain que l'édition 2018 sera également l'occasion de faire de belles découvertes et de se laisser porter par les musiques du monde entier.
Un texte d'Anne-Sophie De Sutter
suite à un entretien avec Emmanuelle Greindl, programmatrice du Festival d'Art de Huy.
Photos de Jean-Luc Goffinet
Rendez-vous entre le 17 et le 22 août 2018.
Cet article fait partie du dossier Huy.
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