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Le Raoul Collectif | La Cérémonie du vivant

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publié le par Jean-Jacques Goffinon

Les voilà donc tous réunis pour se réchauffer le cœur. Un rendez-vous prévu de longue date avec le bonheur de revoir ses amis tant aimés. Les robes et les queues de pies sont de sortie, le vin qui enivre aussi puisque, tour à tour, chacun lève son verre pour célébrer quelque chose, mais… Qu’est-ce que le Raoul Collectif a donc à honorer dans cette « Cérémonie » ? Chacun y va de son discours, l’énergie prend vite le pas, le rythme et les fantaisies s’accélèrent. La musique n’est pas en reste. Finalement, la raison de ces retrouvailles est aussi simple que compliquée, c’est la vie telle qu’elle est aujourd’hui et c’est peu dire…

De la Grèce antique à Shakespeare en passant par l’Ukraine

« N’y a-t-il pas une providence spéciale à la chute d’un moineau ? » - déclare David Murgia. Par cette phrase d’une poétique véritable et d’une évocation menaçante, on sait que la cérémonie à laquelle nous allons assister ne sera pas que retrouvailles et feux de joie. Ainsi, vont se mélanger, tour à tour, les registres aux citations, les rêveries à la réalité. En détournant quelques mots de Shakespeare, Romain David aborde la chute de notre monde. On parle de l’Europe qui nous a tant déçu et de son capitalisme que l’on a envie de voir brûler. On aborde la covid. Don Quichotte fait des apparitions fugaces entre les lignes. Une phrase rappelle l’Ukraine. Anne-Marie Loop, symbolisant notre refus de capituler, se fait Antigone moderne face à un Créon, caricature d’un despote arrogant et stupide. Même si l’on en rit, même si le « Ô ta gueule ! » d‘Anne-Marie provoque l’hilarité générale, on sait tous de quoi on parle. Jérôme de Falloise est, quant à lui, incroyable en centaure déluré dont les fers fougueux claquent le sol avant d’attaquer la scène comme le public. On est désespéré mais on ne va pas se laisser faire. On est désespéré et pourtant, la fête doit continuer, car la vie et l’amour sont toujours là. Présents. L’énergie bienveillante des acteurs aussi. Contagieuse. Nous ne mourrons pas ce soir, c’est certain.

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Ce fou de Platonov

A les voir ainsi faire dans ce décor de printemps, il est difficile de ne pas penser à Partition inachevée pour piano mécanique de Nikita Mikhalkov, ou plutôt à la manière dont le réalisateur a adapté Platonov de Tchekhov en gardant toujours la comédie débordante de l’auteur au premier plan. Une comédie dans laquelle se révèlent et se noient les peines du présent, le regard vers un ailleurs incertain et la nostalgie dont on ne sait faire fi. Pareille au travail du réalisateur russe, cette fine partie de campagne ramène toujours ses personnages au réel quelles que soient ses digressions fantasques et ses démesures. Sans jamais tomber dans les écueils de la tragédie de notre dure réalité, les mots sont dits avec résonance sans que la célébration ne s’entache. Chaque personnage montre ses plaies dans le bonheur des retrouvailles, des cavalcades lunaires ou poétiques. Une œuvre subulée à l’équilibre parfait.

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A la fois foutraque, baroque et comique, « Une Cérémonie » est un écrit juste, inspiré. C’est aussi une mise en scène parfaitement équilibrée menée tambour battant. C’est enfin, une troupe d’acteurs époustouflants qui ne peut pas rester lettre morte devant le monde qui périclite de toute part. Avec joie et bonne humeur, musique et fracas, le Raoul Collectif nous emporte avec générosité. Il nous touche l’âme, nous oblige à rester vivant et courageux. Nécessaire, ce spectacle est une médication dont il faut abuser. Absolument.

Jean-Jacques Goffinon



Une Cérémonie | Raoul Collectif
Théâtre National
08 > 12.03.2022


Crédit Photo : Céline Chariot

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