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Les Grignoux : entretien avec Adeline Margueron et Marie Lekane

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Si l’ASBL Les Grignoux est un centre culturel multidisciplinaire, elle est néanmoins essentiellement axée sur le cinéma, médium à travers lequel elle est devenue une actrice majeure de l’éducation permanente en Belgique francophone. PointCulture a rencontré Adeline Margueron, responsable de la gestion journalière, ainsi que Marie Lekane, coordinatrice du dispositif « Écran Large sur Tableau Noir ».

> PointCulture : Organisation protéiforme, Les Grignoux diffuse des films mais ne se résume pas au cinéma. Vous programmez également des expositions d’arts plastiques et des concerts. Pouvez-vous revenir sur l’émergence de l’ASBL et la façon dont ces différentes formes d’expression s’y sont articulées au fil du temps ?

> Adeline Margueron : Historiquement, l’ASBL est issue d’un regroupement de militants politiques actifs dans les années septante, lequel s’est ensuite fondé en ASBL. A la base, il s’agissait d’un centre culturel qui proposait un service d’impression, une bibliothèque, etc. Ils se sont alors mis à organiser des projections de films, de façon ponctuelle. Au début des années 80, s’est présentée l’opportunité d’investir régulièrement notre salle historique située dans le quartier liégeois de Droixhe : Le Parc. A partir de là, une véritable programmation cinéma a vu le jour. Le nom des Grignoux a été choisi en tant que réponse à la culture dominante, dans une optique très alternative. A la base, le cinéma était donc l’activité principale, à travers laquelle la notion d’éducation permanente s’est éveillée. A côté des projections suivies de rencontres, de débats, etc., on a développé le volet pédagogique avec « Écran Large sur Tableau Noir », les séances scolaires, les dossiers à destination des enseignants, … On a constitué tout un réseau de partenaires – salles de cinéma et centres culturels – qui proposent peu ou prou le même programme que le nôtre, ainsi que les dossiers pédagogiques produits par nos soins. Parallèlement à cela, on publie aussi des analyses et des études en éducation permanente.

Mais l’idée était de promouvoir la culture au sens large, ce qui implique des collaborations avec d’autres formes d’expressions. Dans le cas des arts plastiques, on a la galerie Satellite, au cinéma Churchill, qui est gérée par le centre culturel Chiroux. Il y a l’ASBL Wégimont Culture, centre de gravure, qui y expose aussi fréquemment. En termes de concerts, on a une programmation musicale depuis les années 80 : Le Parc s’y prête puisqu’il y a une très grande scène et un rideau qui permet d’accueillir des groupes, comme une vraie salle de spectacle. On a développé tout ça dans une optique d’animation de notre brasserie et de nos cafés. Tout ça a besoin d’être coordonné et les activités se renforcent l’une l’autre.

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Crédits : Les Grignoux


> PC : Aux Grignoux, vous revendiquez une mission d’éducation permanente à travers la production d’analyses de films ou d’études observant la façon dont le cinéma interroge divers enjeux de société. Quelle a été l’impulsion qui a motivé ce positionnement et, dans une approche introspective, comment mesurez-vous l’impact de votre travail sur les publics visés ?

> A.D. : Notre reconnaissance en tant qu’acteur d’éducation permanente vient du fait que, en tant que centre culturel multi-activités, on a toujours considéré le cinéma comme un moyen d’action afin de porter des thématiques de société auprès des publics. C’est dans notre ADN depuis les années septante. Je ne sais pas s’il y a eu une impulsion à un moment précis ou bien si ça a simplement toujours été là. Depuis les débuts, on nourrit une réflexion sur la société, on s’empare des grands enjeux, et ce au service des gens. Le cinéma a toujours été considéré comme un outil pour approcher les publics en défendant un point de vue, une vision du monde, etc.

> Marie Lekane : On vient justement d’avoir une réunion autour de la mesure de l’impact de nos activités. On dresse le constat que cette partie nous fait défaut, en termes de chiffres. Quand on invite un réalisateur ou quelqu’un de spécialisé dans une thématique (sociétale, politique, environnementale, etc.), on parvient assez facilement à jauger la manière dont les personnes vont recevoir ce qui est présenté et dont celles-ci vont évoluer dans leur réflexion. Par contre, on n’a pas d’outil d’analyse précis. C’est vraiment quelque chose vers lequel on aimerait aller, à travers ce pôle éducation permanente. Au niveau des analyses et des études, on demande systématiquement à leurs destinataires de nous faire un retour. Jusqu’ici, ça nous a permis d’aller vers plus d’efficience dans ce qu’on écrit. On travaille vraiment nos études en collaboration avec les animateurs socio-culturels, c’est-à-dire qu’on regarde les films ensemble, après quoi on en dégage les grands axes. Et on rédige les analyses en concomitance avec les rencontres publiques liées aux films. Ça nous permet de garder une trace des interrogations qui ont été soulevées lors de ces rencontres, ainsi que de l’impact du visionnage d’un film sur le public.

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Crédits : Les Grignoux


> PC : Vous proposez des dossiers pédagogiques à destination des enseignants. Mais il est également possible, pour leurs élèves, d’assister à des projections dans le cadre du dispositif « Écran Large sur Tableau Noir », ainsi que de suivre des animations directement en classe. Selon vous, de quelles spécificités doit être dotée l’éducation à l’image quand elle vise des publics jeunes ?

> M.L. : Déjà, le choix des films ne va pas du tout être le même en fonction des publics. De même que l’outil pédagogique que l’on propose, qui est d’abord à destination des professeurs. Ceux-ci peuvent y trouver des tableaux, des éléments dont ils peuvent s’emparer pour le partager à leurs élèves.

On choisit des films dont on considère qu’ils font partie du bon cinéma. On ne va pas programmer quelque chose qu’on n’aime pas, sous prétexte que ça fonctionnerait bien. L’idée est d’offrir aux jeunes une ouverture, en termes cinématographiques, c’est-à-dire des films qu’ils n’auraient pas l’habitude d’aller voir à la télévision ou dans un contexte de divertissement pur et simple. Malgré tout, on n’est pas non plus dans du cinéma rébarbatif, on a vraiment envie de leur montrer qu’un autre cinéma peut être beau, gai, susciter des émotions, des réflexions, …

Au niveau des dossiers pédagogiques, on englobe vraiment tous les aspects d’un film. Ce ne sont pas strictement des dossiers thématiques, dans le sens où on va traiter le cinéma dans son entièreté : le son, l’image, le montage, le point de vue du réalisateur. L’idée est de faire se rendre compte aux jeunes que le film est une proposition qu’on peut interroger, critiquer, etc. Ce qui est vraiment spécifique aux jeunes publics, c’est la participation qu’on va tenter de susciter. Avec un public adulte, on ne peut pas obliger les gens à prendre la parole, contrairement au cadre scolaire où on peut au moins inciter les participants à s’exprimer, en mettant en place un climat propice à la création d’un débat. On est d’ailleurs souvent impressionnés par la qualité de l’argumentation qui émane de la jeunesse !


Propos recueillis par Simon Delwart.

> Site web des Grignoux

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