Les métiers cachés de l’art du numérique : Florent Marloye, décorateur trait
Le studio d’animation belge Waooh!, fondé en 2010 et implanté au sein du Pôle Image de Liège, est aussi une pépinière à jeunes talents en offrant un espace de formation pour jeunes créatifs. Quelques questions à Florent Marloye, décorateur trait.
.
Thierry Moutoy (PointCulture) > Tu es décorateur trait en quoi consiste exactement ton travail ?
Florent Marloye (Décorateur Trait) > Mon travail sur Tobie Lolness consiste à tracer les décors de chaque scène en respectant le style de la série. Nous recevons donc des images de références couplées à une animatique afin de nous guider. La production nous envoie un pack de plans à traiter. Notre cheffe trait, Nayla, les répartit entre chaque background liner. Chacun doit, généralement, traiter des « zones » spécifiques de l’environnement, de l’univers avec lequel interagissent les personnages.
Afin d’avoir un trait similaire entre chaque image, nous retraçons les éléments du décor avec un brush prédéfini et commun à chaque dessinateur. Nous leur apportons une masse, afin de les préparer pour les artistes-couleurs qui vont les traiter après la validation. C’est-à-dire lorsque que nous sommes certains d’être dans le ton, le style et l’univers de la série.
Nous devons également veiller à respecter au maximum la perspective et l’intention narrative qui nous est indiquée par le story-board. En adoptant un style identique au sein de l’équipe, nous évitons les fautes de raccord, par exemple.
> As-tu une marge artistique/créatrice ?
> Oui, bien sûr. Nous sommes guidés par des références et nous nous devons de suivre un style imposé. Cependant, tout en nous inspirant de ce que nous recevons des réalisateurs et des concepts artistiques, nous avons une belle marge de créativité.
Cela dépend également de chaque plan et de ce que le storyboarder va nous apporter comme informations dans l’animatique. On peut aussi bien partir d’un plan comportant une unique grille de perspective que d’un plan très fourni en éléments. La marge laissée à l’imagination sera évidemment beaucoup plus importante dans le premier cas que dans le second.
L’important pour nous est de trouver l’équilibre entre tous ces éléments… Retrouver le Faucon Millenium au milieu des lichens du chêne de Tobie Lolness risquerait de faire désordre et de ne pas être du goût de la production.
> Est-ce que le travail de préparation est plus poussé en Europe ou au Japon ?
> Je n’ai jamais travaillé au Japon ni dans une des phases de préparation. Je suppose que tout cela dépend du budget fourni pour la création du projet, la « cuisine » étant différente dans chaque production et dans chaque studio.
Tout ce dont je peux parler, avec ma courte expérience, c’est du travail effectué chez Waooh!. Grâce à la qualité du travail de préparation fait en amont par d’autres équipes, nous pouvons plus facilement gérer la pression et donc dessiner dans de très bonnes conditions afin de mener à bien le projet. Même si je ne suis peut-être pas objectif, ces bonnes conditions sont également amenées par un super esprit d’équipe et par la pizza du vendredi.
> Tu es aussi tatoueur, est-ce que ta technique est la même ?
> J’étais précédemment apprenti tatoueur. On est sur deux mondes complètement différents. Là où le tatouage est plutôt solitaire au niveau de la création artistique et technique, le design de décors est principalement basé sur le travail d’équipe : chacun de nous est un rouage au service du fonctionnement d’un moteur entier.
Ensuite, sur un aspect plus technique, la pression est moindre lorsque l’on est assis devant une Cintiq (tablette ou écran de création à stylet) ou en utilisant Photoshop que lorsque l’on travaille sur la peau de quelqu’un — il n’existe pas encore de « control + Z » en tatouage. En effet à partir du moment où l’encre et les aiguilles pénètrent sous la peau, le retour en arrière n’est plus possible, ce qui implique une tout autre façon de travailler. L’aspect artistique est surtout présent au moment du dessin, beaucoup moins lors de la séance de tattoo en elle-même.
Néanmoins, le tatouage m’a permis, dans mon travail de background artiste, d’aller plus vite à l’essentiel et de chercher l’efficacité et la lisibilité dans les formes et les tracés. Ce sont deux disciplines aussi différentes que stimulantes.
Interview de Thierry Moutoy
Lien vers sa page Facebook de tatouage : Jaune Mamba
Lien vers le site du studio Waooh !