Les sculptures de douilles de Freddy Tsimba: après le malheur, l'espoir
Focus sur Au-delà de l'espoir ou Après la vie, l'espoir.
C’est le titre de cette œuvre tridimensionnelle située à la jonction de la rue Longue Vie et de la Chaussée de Wavre, dans le quartier de Matonge, au cœur d’Ixelles. Elle est signée Freddy Tsimba et a été intégrée au quartier en 2007, embellissant ses rues telle la fresque de Chéri Samba située quant à elle Porte de Namur. Par sa présence, c’est la République démocratique du Congo (pays d’origine de l’artiste) qui s’invite à Bruxelles mais pas seulement. La portée des œuvres de Freddy Tsimba dépasse l’africanité pour nous parler de l’humanité de manière plus large. Sur le site officiel du sculpteur congolais, on est d’ailleurs troublé par son message sans détour, à travers lequel il parvient, en décrivant sa démarche, à nous rendre lucide sur notre degré d’implication dans l’évolution globale de notre société.
Nous sommes concernés par les choses du monde. Le malheur du monde est aussi le nôtre. — Freddy Tsimba
Si vous croisez le chemin de Au-delà de l’espoir, vous trouverez deux corps faits de douilles et de vide. Il s’agit d’une femme protégeant l’enfant qu’elle porte à bout de bras. L’image est poignante. Sont-ce les traits du visage, dont le rendu rappelle la texture d’une peau brulée, qui interpellent ? Est-ce la bouche figée en un « O » dont on imagine sortir des sons de détresse qui intensifie notre émotion ? Est-ce le matériau utilisé (les douilles et morceaux d’armes de guerres soudés ensemble) qui participe à l’âpreté de l’œuvre ?
Quoi qu’il en soit, le propos dénonce les misères engendrées par les conflits armés et le message exprimé est, lui, investi d’un pouvoir de compréhension universelle puisque l’attitude de cette mère tentant désespérément de sauver sa progéniture menacée par l’humanité même, s’exprime sans laisser de place à l’ambiguïté.
La femme est un des sujets favoris de Freddy Tsimba. Il l’associe à la douceur et à la maternité. Elle vient contrecarrer la dureté qui émane de son travail, soulignant la tension qui existe entre douleur et espoir, violence et vie. Car les femmes de Tsimba ont souvent le ventre arrondi, ainsi élevées dans leur statut de créatrices et de porteuses de vie et d’espoir. De même, la figure féminine est source d’inspiration pour l’artiste. Elle a joué un rôle majeur dans son éducation et c’est la raison pour laquelle il choisit de lui rendre hommage « pour leur beauté, leurs qualités de résistance face à un quotidien parfois difficile et leur mental de battante dans une société où elles cherchent à affirmer encore leur statut ».
Le travail de Freddy Tsimba s’inscrit également dans une dynamique de commémoration. Rendre hommage et ancrer le souvenir des morts causées par la guerre est un leitmotiv dans sa démarche. La situation politique de son pays natal vient nourrir ses créations mais la portée de son œuvre tend vers un message de paix et d’humanité où se dessine une sorte de solidarité avec la souffrance humaine.
Freddy Tsimba a été récompensé à plusieurs reprises et a exposé un peu partout dans le monde. Ce qui rend son statut d’artiste contemporain légitime est sans nul doute le regard impartial qu’il porte sur son temps, l’authenticité de son message et l’équilibre entre sa technique et ce dernier.
Alicia Hernandez-Dispaux
photo de bannière: freddytsimba.com
photo de la sculpture: Ludo Everts (standbeelden.be)
autre site: freddytsimba.wordpress.com
Cet article fait partie du dossier Kinshasa.
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