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Malagne - Archéoparc de Rochefort: le vallus

Malagne - Archéoparc de Rochefort - vallus - (c) Céline Bataille
Aujourd’hui, les moissonneuses batteuses sont des monstres qui usinent les champs. On les voit passer, on ne pense même plus à l’agriculture, la terre, les graines, le paysan. Je viens ici pour rencontrer une moissonneuse de proximité.

C’est avant tout un paysage, sur les reliefs de la vallée de la Lomme, une large plaine doucement vallonnée, aérée, bordée par un promontoire. L’ensemble est accueillant. Ce n’est pas pour rien qu’une grande ferme gallo-romaine s’était installée là. On y cultivait et élevait sur une grande superficie. Les fruits de cette activité n’étaient pas destinés à une vie chiche en autarcie. Le lieu était situé sur un réseau de routes et chemins où les marchandises circulaient et s’échangeaient. Les fouilles ont prouvé qu’on y consommait des produits de la mer. Le bâtiment principal, d’une centaine de mètres de longueur, s’étendait sur la partie la plus élevée. Il était doté de thermes privés confortables, on savait vivre. C’est là qu’émergent, dès que le regard embrasse l’ensemble, les restes de murs, le tracé sombre d’un logis imposant. Il est bien placé pour superviser le domaine et les autres bâtiments fonctionnels. Ces traces d’une activité agricole intense posent la question des outils utilisés et des techniques de travail.

Malagne est un site archéologique. On entend souvent par là une fonction de conservation de vieilles pierres, d’études de choses inertes. Ce qui se pratique ici est, en quelque sorte, une archéologie du paysage global, de la place de l’homme y a prise à travers ses relations avec la nature et la production de connaissances qui en découle. Selon quelles modalités ? D’un côté l’étude scientifique des documents d’époque. Ensuite, sur base de ces informations parcellaires, des interrogations. Il faut pallier les manques grâce à l’interprétation. La sienne, celle d’une équipe, celle d’autres chercheurs. Ensuite, il faut reconstituer, pas uniquement de manière théorique. Mais réellement, en recréant l’outil et en incarnant les gestes supposés être exécutés à l’époque gallo-romaine. Ce sont les gestes qui diront si l’hypothèse tient la route ou non. C’est une façon de reproduire la manière dont l’outil a été inventé et mis au point à l’époque. Par essais et erreurs, améliorations successives. C’est une archéologie des gestes et de leurs sens.

 

Ici, le vallus était utilisé pour moissonner. Il était adapté à ce genre de terrain, l’outil se marie avec le paysage. Il convenait pour moissonner certaines céréales et pas d’autres. Quand on a l’outil, on finit par mieux connaître l’agriculture. Le vallus est tiré par un animal de trait. Oui mais lequel ? Les quelques vestiges figuratifs ne sont pas explicites. Les textes ne permettent pas de trancher. Essayons un cheval. Trop rapide. Un bœuf. Compliqué à dresser. Un âne. Une fois dressé, ça marche. Il faut du temps pour en arriver là, reconstituer le bon attelage. Et comment l’arrimer à la machine ? Il a fallu d’autres fouilles, ailleurs, pour dénicher, par hasard, la pièce manquante. Il faut s’investir, être curieux, étudier les mouvements, leur efficacité, la relation humaine avec le bétail, la complémentarité corps et prothèse. Il faut de la passion. Investigations et enquêtes conduisent à la construction de l’outil et aux essais. Il faut éduquer un âne. Il faut cultiver de l’épeautre. Un outil ne vient pas seul, c’est un tout. C’est tout le domaine qui reprend vie. Le vallus a une belle gueule, esthétique archaïque, simple, efficace, intrigante. Ce n’est pas une pièce de musée, c’est du vrai. Il est dans sa grange, parmi les gerbes de céréales, la poussière de farine, les oiseaux. C’est une caisse, avec des dents à l’avant. Les tiges cassent dans le peigne, poussées par un ouvrier. Les épis glissent sur le plan, tombent dans un réservoir. Derrière la caisse, deux brancards entre lesquels se trouve l’âne. Bien que placé derrière, il tire l’engin. Il faut encore une personne pour tenir les brancards, maintenir la bonne direction. Il faut de la poigne. L’ensemble abat en quelques heures la besogne d’une journée de travail à la faucille. C’est ingénieux, tellement simple et bien pensé, exaltant.

 

Il dort dans sa grange. À chaque moisson, il reprend du service. Il n’est pas tout seul. Il y a les jardins avec les légumes anciens et les plantes médicinales. Il y a les fours où l’on cuit le pain à la mode gallo-romaine. Un autre four où l’on a expérimenté la cuisson de poteries. Plus loin il y a la forge, car le sol était riche en minéraux exploités. On mène aussi des expériences sur les fours à chaux. La région étant riche en calcaire, la chaux a été utilisée dans les constructions découvertes sur ce site. Autant de foyers d’activités qui ne sont pas là pour le folklore mais pour interpréter le vivant, passé et présent, mieux comprendre comment l’homme a fait son chemin dans la nature, comment il (se) façonne au fil des techniques qu’il invente. J’ai planté le décor. Film, panneaux, audioguide, maquettes, livrets pédagogiques, animateurs vous accueilleront, assureront la transmission des savoirs pratiqués sur ce site et vous éveilleront à cette archéologie expérimentale.

 

L'Objet nature - couverture (c) Balthazar Delepierre




Pierre Hemptinne
- photos: Céline Bataille

La publication L'Objet nature (15 musées de Wallonie, 15 objets nature - 96 pages, 30 photos)
est en vente au prix de 5€ dans tous les PointCulture et musées participants.



Malagne - Archéoparc de Rochefort
85 rue du Corbois
5580 Rochefort

32 (0) 84.22.21.03.


Découverte dans la région :

Château de Lavaux Sainte-Anne - logoLe château de Lavaux Sainte-Anne, symbole de la Famenne, est un des plus célèbres édifices de Wallonie. Vous pourrez revisiter les paysages de Famenne à travers la forteresse, le parc à daims longé par ses douves ou encore la zone humide composée d’un étang, d’un marais et d’une prairie.  Au premier étage vous découvrirez le Musée de la Nature et de la Chasse, exposant une impressionnante collection d’animaux naturalisés. Ce petit havre de paix vous dévoile, à travers cette visite, un véritable refuge naturel pour les oiseaux, plantes et insectes


8 Rue du Château
5580 Lavaux-Sainte-Anne (Rochefort)

084 38.83.62.

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