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Mars - Mons arts de la scène 21/22 : entretien avec Philippe Kauffmann, coordinateur artistique

Mons Arts de la Scène
A l’annonce de la saison 21/22 de Mars - Mons arts de la scène, PointCulture a rencontré son coordinateur artistique, Philippe Kauffmann, par ailleurs rédacteur-en-chef invité du nouveau numéro du Magazine. Une occasion de (re)découvrir l’institution, ses missions et sa nouvelle programmation pour le moins éclectique.

> PointCulture : Peux-tu présenter succinctement Mars en tant qu'institution et nous décrire vos missions ?

> Philippe Kauffmann : Mars - Mons arts de la scène, nouveau nom du Manège.Mons, est une structure assez particulière en Fédération Wallonie-Bruxelles : c’est la fusion entre un centre d’arts dramatiques, une maison de la culture et l'ensemble Musiques Nouvelles.

Sur Mars, on a six salles de spectacles : Arsonic, le Théâtre Royal, l’Auditorium Abel Dubois, le Manège et la Maison Folie. On gère l’ensemble des missions liées à la création, l’accueil d’artistes et l’éducation permanente dans une optique de proximité avec le territoire.

On propose une grande diversité de programmation : de la musique classique au hip-hop, en passant par la danse contemporaine, le théâtre, le cirque et même de l’animation d’espaces publics. On est une grosse machine de septante employés qui a les qualités de ses défauts, c’est-à-dire à la fois la diversité et la difficulté pour les gens de capter qui on est exactement : des généralistes !

« Si on a choisi le slogan « Cette saison, votre coeur va faire boom », c’est parce que j’ai eu l’impression que ça parlait avant tout des émotions. » — Philippe Kauffmann


> PC : Le volet théâtre de la programmation est, de part en part, traversé par le champ lexical de la lutte et de la protestation (« se battre pour se réapproprier un monde », « Désobéir », « Le champ de bataille », « Une guérilla poétique : luttes raciales, sexuelles et de genre » …). On pourrait y voir le simple reflet d'un climat social tel que les expressions artistiques s'en ressentent... Mais dans quelle mesure cela procède-t-il d'un parti pris assumé, d'un positionnement à travers lequel Mars est clairement identifié ?

> P.K. : C’est marrant que tu fasses ressortir ça parce que ça ne m’avait pas frappé. Tu sais, les éditos, tous les bons directeurs les font dans un second temps, on fait toujours les malins après en disant « On avait une vision du monde » mais, en fait, on finit toujours par ça, on regarde ce qu’on a fait et on se demande « Qu’est-ce que ça raconte ? ». Si on a choisi le slogan « Cette saison, votre coeur va faire boom », c’est parce que j’ai eu l’impression que ça parlait avant tout des émotions. Mais c’est sans doute parce que la révolte, le poing levé, c’est une émotion comme une autre.

Cela dit, on est en phase avec l’air du temps et on a une sensibilité particulière à l’égard des projets incarnés, qui font écho au quotidien des gens et au territoire. Comme le projet autour d’Édouard Louis, par exemple, qui est une icône du combat contre l’injustice sociale, la violence de la classe dominante, mais ce n’est pas tellement ça qui m’intéressait chez lui, c’est plutôt comment les publics vont s’identifier à son histoire. Grâce à cet effet « miroir », on entend mieux et on trouve des outils pour s’émanciper. Quand le Raoul Collectif fait une cérémonie, c’est complètement incarné par des personnes d’ici, on retrouve un côté foutraque de mecs qui boivent des coups avec une fanfare sur le plateau : des personnes à la hauteur de tous, dans la peau desquelles il est facile de se glisser. Mais tu as sans doute raison, on est clairement traversé par des questions politiques, à ceci près que ça passe par une manière humaine de le raconter et via la fiction.

> PC : Je pense que c’est aussi un réflexe de médiateur culturel/journaliste de faire des liens là où il n y’avait pas spécialement d’intentions à la base, a posteriori.

> PK : Oui, mais je trouve que c’est bien, c’est important, ça fait apparaître des ponts, des liens, c’est le boulot des éditorialistes !

Raoul Collectif

Le Raoul Collectif

> PC : Le programme contient des créations, que vous définissez comme des « premières inédites ». En quoi Mars intervient-elle dans le processus de conception ? S'agit-il, pour l'essentiel, d'agir en tant qu'opérateur d'appui, en accueillant les artistes en résidence, en leur offrant un soutien technique et logistique?

> P.K. : Ça fait vraiment partie de l’ADN de Mars puisque nous étions un centre dramatique, à la base, et ses missions sont vraiment centrées sur l’aide à la création. Donc c’est clair que c’est mon premier métier. Aider des créateurs, ce n’est pas seulement donner des sous, apporter des parts de coproductions, organiser des représentations, c’est, comme tu l’as dit, toutes les phases intermédiaires : les résidences, de l’appui sur l’écriture des dossiers, la recherche de partenaires ailleurs, des « crash-tests » pour les équipes en résidence, … Chaque projet artistique a son propre rythme et a des besoins spécifiques. On a la chance d’avoir de supers équipes techniques, beaucoup d’espace… On diversifie tout ce qui est possible pour aider un artiste dans sa progression, on essaie de donner du temps, d’accompagner sur le long terme plutôt que contribuer à des « one shots ». Ainsi sont nés des artistes avec une vraie identité, comme Simon Thomas, qui est aujourd’hui repéré pour son style, une écriture, une patte, un humour. Pour Clément Thirion, Axel Cornil, c’est la même chose. Ce sont des gens qu’on a pris la peine d’accompagner sur deux, trois, voire quatre ans.

« Je pense que pour changer le monde, il faut changer sa manière de travailler ensemble, sur l’horizontalité, la responsabilité collective, la démocratie directe, le partage des moyens de production… Les processus me semblent tout aussi importants que les discours et les objectifs ! » — Philippe Kauffmann


> PC : Parmi les créations, vous annoncez la tenue du festival Demain. Cela fait écho au festival Maintenant à Louvain-La-Neuve. En quoi consiste la contribution de Mars au projet ?

> P.K. : On aimerait bien travailler avec Maintenant. Je trouverais intéressant de fusionner les deux. Le festival Demain, à la base, c’est une initiative des tous petits centres culturels locaux du borinage qui avaient envie de monter une tournée de projections de « Demain », l’année où il est sorti en salles. Et de faire un écho aux initiatives locales telles que celles qui sont montrées dans le film. C’est de là qu’est née l’idée d’un festival. Les centres culturels nous ont proposé de coordonner ce travail avec eux, on l’a fait avec plaisir. Après quatre éditions, on essaie toujours de co-construire avec des initiatives associatives, un grand melting-pot qui va de Vie féminine aux Femmes Prévoyantes Socialistes, en passant par la Critical Mass, Extinction Rébellion, … L’idée est d’essayer de construire avec eux un temps où on réfléchit à comment créer un monde meilleur, donc comment on fait demain.

A titre personnel, mon rôle est d’amener une parole artistique qui vient alimenter le débat, en évitant le théâtre documentaire qui fait qu’on se tape dessus : certes, il y’a plein de spectacles sur la situation de l’agriculture, sur la collapsologie, sur le dérèglement climatique, … mais je me positionne plutôt sur des choses à la marge qui viennent bousculer le ronron des débats de l’entre soi associatif… Cette année les spectacles ne tournent pas tous autour des enjeux en eux-mêmes, mais aussi sur la manière de travailler. Je pense que pour changer le monde, il faut changer sa manière de travailler ensemble, sur l’horizontalité, la responsabilité collective, la démocratie directe, le partage des moyens de production… Les processus me semblent tout aussi importants que les discours et les objectifs !


Propos recueillis par Simon Delwart.

> Programmation 21/22 de Mars - Mons arts de la scène

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