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Migration et musiques (5) - les États-Unis, le pays rêvé

L'arrivée des migrants à Ellis Island aux Etats-Unis en 1915
Les États-Unis sont un pays de migrants. Cet article propose de raconter cette histoire et d'ouvrir des pistes vers les musiques apportées par ceux-ci.

Sommaire

Une courte histoire de l’immigration américaine

Les États-Unis sont un pays d’immigrants : dès le 16e siècle, des colons anglais, français, espagnols, néerlandais… s’y installent, pensant arriver dans une terre vierge, un pays de cocagne à conquérir. Au fil des années, le nombre d’Européens augmente. Ils quittent le Vieux Continent pour diverses raisons : pauvreté, famine, condamnation suite à divers délits. Une grande partie fuit également l’intolérance religieuse, tout particulièrement chez les protestants. Le mouvement s’accélère au 19e siècle, – entre 1840 et 1860, quatre millions d’Européens arrivent aux États-Unis, dont 75% d’Irlandais et d’Allemands. Ce n’est plus tellement la question religieuse qui pousse l’essentiel de ces migrants, mais la recherche d’une vie meilleure et la possibilité de faire fortune. En 1862, la loi connue sous le nom de Homestead Act joue un rôle important dans le nombre de nouveaux arrivants : il offre la propriété privée du terrain à chaque famille qui peut justifier qu’elle l’occupe depuis cinq ans.

Entre 1880 et 1920, plus de 23 millions de personnes arrivent sur le territoire. Il y a un glissement dans les origines : à la place des Européens du nord et de l’ouest, ce sont les Slaves et les Méditerranéens qui arrivent en masse. En 1892 s’ouvre le complexe d’Ellis Island qui accueille les immigrés, les soumettant à divers contrôles avant de les accepter dans le pays. Dans la première décennie du 20e siècle, plus d’un million de personnes par an passent par là. Mais face à cet afflux, de nouvelles lois sont votées, imposant de fortes restrictions. L’immigration se réduit fortement dès 1915, puis encore plus du fait de la Grande Dépression en 1929.

Une nouvelle loi de 1965 permet à nouveau l’arrivée plus importante de personnes étrangères mais leurs origines ont changé : plutôt Européens dans le passé, ils sont aujourd’hui Mexicains, Chinois (après une première vague datant de la seconde moitié du 19e siècle), Indiens, Vietnamiens ou Philippins.

À ces populations arrivées de leur plein gré, il faut évidemment ajouter les nombreux Africains qui ont été transportés là de force, comme esclaves.

Des musiques ethniques venues d’Europe

L’immigration massive au tournant du 20e siècle a une forte influence sur la scène musicale américaine, que ce soit dans le show-business, la chanson populaire ou traditionnelle. Les diverses communautés qui arrivent aux États-Unis apportent avec elles leurs coutumes, leurs mélodies, souvent même leurs instruments de musique. Le début du 20e siècle est une période de grands changements et d’innovations. La technique de l’enregistrement audio a été développée par Thomas Edison à partir de 1877 et s’est développée au cours des années. À partir des années 1890, il devient possible de dupliquer les cylindres, puis les disques, à grande échelle, ce qui a lancé la production commerciale des enregistrements sonores. Des compagnies de phonographes (Victor, Columbia…) se créent et développent un catalogue de disques en 78 tours qu’ils souhaitent diffuser le plus largement possible. Pour elles, les immigrants sont une aubaine et ils s’intéressent à leurs musiques. C’est en effet un moyen pour ces personnes de rester en contact avec leur culture d’origine, et le marché est florissant.

Ces nouveaux arrivants forment, au début, des communautés fort centrées sur elles-mêmes, des enclaves qui perpétuent les traditions du Vieux Monde qu’ils ont dû abandonner. On peut citer les Grecs d’Asie Mineure qui importent le rébétiko, les Polonais, Allemands et Hongrois et les danses comme la polka, la mazurka ou la valse, les Serbo-Croates et la tamburitza, les Syriens et la musique classique arabe… Le répertoire enregistré est passionnant et très utile encore aujourd’hui pour connaître les musiques de certains pays, tout particulièrement lorsque peu d’enregistrements ont eu lieu dans la région d’origine. En Finlande, au Danemark, en Norvège, en Irlande par exemple, il n’existait pas d’industrie du disque avant la fin des années 1930 et ce sont les enregistrements d’artistes émigrés aux États-Unis qui donnent une image de la musique à cette époque.

Plus tard, à partir des années 1950, mais surtout au moment du folk revival des années 1960 et 1970, des collecteurs comme Alan Lomax s’intéressent à nouveau aux populations d’origines diverses qui habitent le territoire américain. Ils découvrent des régions dans lesquelles les traditions ont été étonnamment bien préservées, comme au Wisconsin où des communautés finlandaises côtoient des Polonais ou des Wallons, parmi tant d’autres, et enregistrent ces musiques pour les diffuser sur disque.

De nouvelles stars du show business

De nombreux compositeurs de musique classique, de musiques de films ou de comédies musicales ont également des origines européennes ; souvent, ce sont des Juifs de Russie comme Aaron Copland (à l’origine Kaplan), George Gershwin (à l’origine Gershovitz), ou le Juif viennois Max Steiner, ou encore le Russe Dimitri Tiomkin. Ces deux derniers sont des compositeurs de musiques de films de l’âge d’or du cinéma américain, aux côtés d’autres immigrés comme Erich Wolfgang Korngold, Franz Waxman, Miklós Rózsa et Kurt Weill, qui arrivent aux États-Unis dans la seconde moitié des années 1930, fuyant le nazisme.

Influences hispaniques

Parallèlement à cette immigration venue d’Europe, il faut aussi parler de celle venant du Mexique : de nombreuses chansons et musiques ont passé la frontière et se sont disséminées du Texas à la Californie. Un des types les plus anciens de chansons qui s’est le plus répandu dans la région est le corrido, une sorte de ballade narrative qui décrit les événements du moment, par exemple le passage de la frontière ou la vie d’immigrant, ou encore le trafic de drogue. La musique tex-mex est aujourd’hui aussi bien vivante et est le résultat de la rencontre des conjuntos hispaniques et des danses traditionnelles comme la polka ou la mazurka amenées par les Allemands, Tchèques et Polonais qui se sont établis dans la région dans les années 1840.

D’autres populations d’origine hispanique, venant des Caraïbes (Cuba, Porto-Rico…) et installées à New York, sont à la base d’une nouvelle musique : la salsa. Dans les années 1960, les Portoricains Joe Bataan et les Lebrón Brothers transforment les arrangements des orchestres cubains qui jouaient le mambo dans les années 1940 et 1950, y ajoutant des influences du rock, du funk et de diverses musiques latines. Ils créent un nouveau genre qui est difficile à circonscrire, tant il mélange diverses inspirations. New York devient le centre de cette nouvelle musique et de nombreux disques sont édités sur le légendaire label Fania.

La musique américaine n’est pas monolithique, elle a été marquée par des influences diverses, venant du monde entier, qui se sont mélangées pour créer de nouveaux styles. Certaines ont par contre été conservées telles quelles dans des régions plus isolées. Quelques-unes de ces traditions feront l’objet d’articles futurs.


Texte: Anne-Sophie De Sutter

Images dans le domaine public, obtenues via le site de la Library of Congress

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