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Minga, voix de résistance

Minga

militantisme, agriculture, Festival AlimenTerre, Amerique latine, résistance

publié le par Frédérique Muller

Comme annoncé dans le titre et dans le texte d’ouverture, le film est un véritable écho aux voix des communautés qui résistent à la destruction de leurs territoires en Amérique latine.

Les réalisateurs, Pauline Dutron et Damien Charles, sont allés à la rencontre de ces hommes et de ces femmes en lutte, avec la volonté de générer la plus petite empreinte écologique possible. Ils n’ont ainsi emprunté que des voies terrestres et maritimes pour leurs voyages, depuis la Patagonie des Mapuche aux collines des Zapatistes mexicains, en passant par l’Amazonie des Harakmbut et des Yanomamis, les campements brésiliens du Mouvement des sans-terre, les plages des Garífunas au Honduras, les Andes des Kichwas en Équateur et Aymaras en Bolivie, les lacs des paysannes et paysans du Pérou.

« Où les oiseaux pourront-ils désormais se poser » ?

De très nombreuses voix et de nombreux visages apparaissent à l’écran, à chaque fois situés sur une carte. Certains ont dû être masqués pour des raisons de sécurité. Tous racontent leur lutte, la violence dont ils sont victimes et le courage dont ils doivent faire preuve pour préserver leur territoire d’une exploitation mortifère opérée par de grandes multinationales. Ces dernières développent des plantations de canne à sucre ou de soja, des projets miniers, des forages pétroliers ou encore des activités touristiques. Ces « projets de mort » causent la destruction du milieu naturel et chassent les populations. En protégeant leurs terres, les communautés protègent aussi des cultures, ses savoir-faire et une biodiversité par ailleurs déjà très menacés.

« L’éducation a eu le même impact que la pollution ».

Le film s’ouvre avec de très belles images de paysages accompagnées d’une voix off qui raconte l’arrivée des premiers hommes blancs dans un village Yanomami, apportant avec eux de nouvelles maladies et un mépris terrible. Au-delà de l’exploitation économique du territoire, le film dénonce l’éradication de l’altérité et de la diversité, sous-tendue par un rapport de domination qui a débuté il y a près de 500 ans. Les réalisateurs interrogent ainsi les fondements de la culture occidentale qui a conduit à coloniser puis à asservir ou à détruire des terres considérées comme vierges et des hommes considérés comme inférieurs ou à éduquer. La colonisation, faisant peu de cas des pratiques et des croyances existantes, plaque brutalement sur ces paysages des valeurs nouvelles. Ainsi, certains territoires sont menacés par la construction de routes, là où auparavant, seule la rivière s’offrait en voie de circulation. Des procédures et des textes s’imposent en lieu et place d’occupation séculaire des terres. Des communautés qui vivaient jusque-là correctement se retrouvent plongées dans la violence et la pauvreté, considérées comme sans droits et menacées par des expulsions, des persécutions et des massacres : « …beaucoup de manques, de tristesse et de honte ». La douleur vient non seulement du quotidien mais aussi de la projection dans le futur : ce que les familles se préparaient à transmettre à leurs enfants n’est plus : « se faire expulser de son territoire, celui qui nous a été transmis et que l’on se préparait à transmettre à ses enfants, c’est douloureux ».

Ce que la colonisation détruit par ses activités d’exploitation, de destruction et d’expulsion, c’est aussi un certain rapport au monde. Certains témoignages racontent comment par exemple l’apprentissage de la langue a considérablement contribué à faire disparaitre les particularités culturelles de certaines communautés en modifiant certains mots, certains concepts et donc des modes de pensée.

«Nous sommes également porteurs de potentialités. Face au changement climatique qui est un enjeu mondial, par exemple. La cosmovision, la philosophie et le mode de vie des peuples indigènes ou des peuples originaires, indique que nous ne devons pas aller vers un monde de consumérisme et des commodités matérielles qui provoque des déséquilibres. » — -

En donnant du corps et des visages à ces voix, le film permet aussi de mettre en lumière de véritables alternatives pour un monde « où chacun peut avoir une place ». Dans la mise en pratique de leurs résistances, ces communautés adoptent des objectifs et des méthodes réfléchies : démocratie directe, défense territoriale non violente, agro-écologie, sacralisation de la nature, respect de la diversité des cultures et les Minga, outil d’aide à la résolution de problème de manière collective au cours desquelles chacun apporte ce qu’il peut dans un esprit de partage, cités à la fin du film et qui lui ont donné son nom.

Les idées, les communautés et les paysages sont intimement liés dans ce film qui restitue, voix après voix, un véritable potentiel de réflexion sur le monde tel qu’il est construit aujourd’hui, sans ses impasses et ses rapports de force.

Frédérique Muller



Le film sera présenté en octobre dans le cadre du festival Alimenterre 2019