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Mon nom est clitoris

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documentaire, Genre, clitoris, Lisa Billuart Monet, Daphné Leblond,

publié le par Ysaline Parisis

Elles sont douze. On a vu leur prénom apparaître rapidement au générique : Marie, Loup, Océane, Gwendoline, Maja, Laïss, Elfée… Elles ont accepté de se faire filmer dans leur chambre, jusque sur leur oreiller. Le dispositif du tournage, ultra léger, les aura sans doute convaincues : deux jeunes réalisatrices, Lisa Billuart Monet et Daphné Leblond, la première à l’image, la seconde au son. Et c’est tout.

Saisies dans l’intimité de leur « chambre à elle », en chaussettes dans les plis des draps : elles sont les protagonistes d’un documentaire qui ne connaît d’autre mise en scène que celle de la parole. Une parole, en l’occurrence, des plus intime, autorisée et recueillie dans une atmosphère de confiance et de connivence, quasi sororale. Une parole libératrice pour celles qui la portent, mais aussi et surtout pour celles et ceux qui l’écouteront et s’y reconnaîtront. Car cela fait un moment qu’on le sait, maintenant : l’intime est politique.

Dessine-moi un clitoris

Seraient-elles capables de dessiner un clitoris sans l’aide de Google ? Et où en ont-elles entendu parler pour la première fois ? Le sexe était-il un sujet avec leurs parents ou pas du tout ? Comment ont-elles découvert la masturbation ? À quoi ressemblaient leurs premières fois ? Quelle a été l’influence des films, des séries dans leur imaginaire du plaisir ? Quelles sensations physiques ressentent-elles précisément quand elles ont un orgasme ?

Alternant avec quelques séquences plus illustratives (ce détournement parodique d’images d’actualité, cette revue de presse critique des guides sur la reproduction), c’est le face caméra qui domine. On ne connaît pas leur âge exact, si elles travaillent ou ce qu’elles étudient. Parfois pas leur orientation sexuelle, ni leur situation sentimentale du moment. Des regards se perdent de temps à autre dans le vague, certains rires un peu forts trahissent leur nervosité, ou l’agitation de leurs mains, mais le plus souvent les yeux francs fixent la caméra sans malaise, et c’est la plus belle réussite du film : le naturel de ces conversations pas si naturelles.

S’ouvrant sur quelques mises au point à propos du clitoris de son titre, encore trop souvent relégué au statut de grand « continent inconnu » des corps féminins, le documentaire s’étend ensuite rapidement plus largement au vécu de la sexualité au féminin pluriel. Préliminaires, coup d’un soir, usage du porno, orgasme « vaginal » versus « clitoridien », « perte de virginité », consentement ou simulation : rien ne va de soi pour ces jeunes femmes qui déconstruisent avec clairvoyance et honnêteté des couches et des couches patriarcales de discours, d’interdits et de préjugés. La sexualité des femmes a trop longtemps été celle que les hommes attendaient d’elles…

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Naturel confondant

Le casting est particulièrement soigné : pétillantes, drôles, malicieuses, directes, les jeunes femmes de Mon nom est clitoris ne donnent pas raison aux tabous qui ont figé et figent encore le discours sur la sexualité des femmes et des filles. Informées, assertives, parfois déjà expertes en déconstruction, faisant preuve d’un recul épatant sur leurs bonnes ou plus regrettables expériences, elles dédramatisent et donnent de l’air. Elles sont les jeunes femmes de 2020 qui sont parvenues à se frayer tant bien que mal un chemin au milieu du paradoxe qui a pesé de tout son poids sur leur entrée dans la sexualité : mépris pour le corps féminin et manque criant d’apprentissage (leurs descriptions de leurs supposés cours d’éducation sexuelle, édifiantes) mais injonction permanente à la performance. Sans oublier la dimension accumulative des oppressions et l’intersectionnalité inévitable à laquelle mène leur mise à nu : il est aussi question entre les lignes ici d’homophobie féminine, de racisme, de grossophobie...

À sa sortie en 2020, le film belge a reçu plusieurs récompenses saluant à raison son caractère engagé : Magritte du Meilleur documentaire, Prix France TV « Des images et des elles » ou encore Prix du public Documentaire du Calgary Underground Film Festival. Si ses « héroïnes » ne sont sans doute pas encore tout à fait représentatives de leur génération, leurs paroles, certainement empouvoirantes, contribueront peut-être à ce qu’elles le deviennent. Un film manifeste à diffuser largement, dès l’adolescence…

( Ysaline Parisis)

"Diffusion du film dans le cadre du Festival ImagéSanté, le mardi 23 mars à 13h40

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