Musée de la Vie wallonne (Liège) : arbre à clous
Fondé en 1913, le musée ouvre
ses premières salles au public en 1930. Rapidement, un Service d’enquêtes
ethnographiques, permet de rassembler une collection de reportages et de
témoignages (photographies, films et sons). D’évolutions en rénovations, le
musée apparaît aujourd’hui comme le « musée de tous les Wallons, dans leur
diversité » et introduit des questions de société (racisme, questions de
genres, combats féministes, mouvements homosexuels, etc.) au sein de ses
expositions.
Cinq espaces thématiques proposent en effet un regard sur la Wallonie d’hier et d’aujourd’hui : Wallonie(s) propose une évocation géographique et dialectale de la région en plus de mettre en évidence l’histoire du Mouvement wallon, des prémices au fédéralisme actuel ; (R)évolutions aborde en parallèle l’évolution de la vie économique, de l’artisanat aux technologies modernes, et des modes de communications ; Vivre ensemble rythme le parcours de fêtes familiales et villageoises, de loisirs sportifs et conviviaux ainsi que de conscientisations citoyennes ; Jour après jour évoque la mutation de la société, laquelle apporte quotidiennement son lot de consommation passive et active, quand Vie de l’esprit rappelle les courants philosophiques et religieux présents sur le territoire… Une vue de l’esprit se construisant également par l’éducation et la transmission de savoir-faire.
L’arbre à clous de Soleilmont
Vers la fin de la visite, dans une sorte de rotule à l’articulation entre deux ailes de l’ancien couvent – et entre deux volets très différents de l’exposition permanente : l’un, très matérialiste, consacré à la consommation, au vêtement, à la publicité ; l’autre, plus spirituel, consacré aux philosophies, croyances et religions – est exposée une pièce maîtresse du musée, imposante par sa taille, mais mystérieuse dans sa façon de se soustraire à notre regard. L’arbre à clous est présenté dans une ambiance sonore de murmures (formules magiques, prières et imprécations) et dans un double clair-obscur (le noir de l’objet, la lumière forte des spots qui l’éclairent, le noir du cylindre de tulle qui l’entoure). On doit se rapprocher du tissu translucide – voile de protection et de secret – pour avoir petit à petit accès à l’objet : reconnaître l’arbre, son bois calciné par la foudre, tomber sur un premier clou, un second… puis des dizaines d’autres ! « Les visiteurs sont souvent d’abord surpris par la masse, la taille de l’objet. Puis, je leur demande d’identifier ce que c’est et ce n’est pas toujours évident pour eux qu’il s’agisse d’un arbre. » « Pourquoi un arbre ici au musée ? » « Que représente-t-il ? » raconte Alexandre Lambrette, animateur.
Comme les arbres à loques, les
arbres à clous servent d’intercesseurs aux requêtes que les hommes font aux
esprits. Ils existent dans de nombreuses cultures traditionnelles : en Sibérie,
au Japon, au Tibet, en Amérique du Nord, en Autriche, en France… et en Belgique
(surtout dans les provinces de Liège, de Namur et du Hainaut).
Un des remèdes populaires les plus usités dans le pays wallon contre le mal de dents consiste à faire toucher la dent malade par un guérisseur (sègneu) avec un clou de cercueil, puis à aller ficher à minuit ce clou dans un arbre. […] C’est au génie de l’arbre que s’adressent les hommages et les prières, c’est sur lui aussi qu’on cherche à se décharger de ses maux. — Jean Chalon, Les Arbres fétiches de la Belgique, 1912.Cette pratique, à l’origine païenne, s’est vue partiellement tolérée par le christianisme : les évangélistes ont détruit des arbres votifs, mais en ont récupéré d’autres en leur adjoignant une statue de la Vierge ou d’un saint. L’arbre à clous dont une section massive trône devant nous était un gigantesque tilleul de l’ancienne abbaye de Soleilmont, à Gilly près de Charleroi (où la croyance veut qu’ait été conservée depuis 1335 une relique du Saint-Clou, un des clous ayant crucifié Jésus) : les frontières entre religions et croyances populaires ont toujours été poreuses. Colossal, l’arbre vivant faisait 3,50 m de circonférence à 1,50 m du sol et on estime qu’il comportait environ 70.000 clous visibles – une masse de métal qui a surement favorisé son foudroiement en 1922. Des clous ont continué à être plantés dans son tronc mort, d’abord entreposé dans une cour de ferme de la région avant son transfert au musée.
Récemment, le Pôle étude
ethnographique – patrimoine oral et immatériel a prouvé que de nouveaux clous
apparaissent chaque année sur la dizaine d’arbres encore utilisés en Wallonie.
« Mais, en sept ans de visites, personne ne m’a jamais clairement dit -Oui,
j’ai déjà planté un clou-. Cela reste une pratique secrète. […] Généralement,
les visiteurs – en particulier les enfants – sont assez fascinés ; plus
rarement méfiants. Un jour cependant, une jeune fille glacée d’effroi n’a pas
pu rester à côté de l’arbre. Elle a dû attendre sa classe dans la salle
suivante » nous confie Alexandre Lambrette.
Philippe Delvosalle
- photos: (c) Céline Bataille
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Musée de la Vie wallonne
Cour des Mineurs
4000
Liège
info@viewallonne.be
32
(0)4 237 90 60
Gratuité : le 1er dimanche du mois
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Cet article fait partie du dossier L'Objet Nature | promenades musées.
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