Musée Macan (Jakarta) : le tigre se cache dans les détails
Macan est le mot indonésien qui signifie tigre. C’est aussi l’acronyme que forme le nom du tout nouveau Musée d’Art contemporain et moderne à Nusantara qui ouvrira ses portes en novembre 2017, Nusantara étant le terme sous lequel les Indonésiens désignent leur pays. Tout comme le Leeum Samsung Museum of Art à Séoul, le Macan doit son existence à une initiative privée. Son fondateur est l’homme d’affaires Haryanto Adikoesoemo, directeur général d’une entreprise logistique d’énergie et de produits chimiques. Acteur incontournable dans le secteur de l’immobilier de luxe, il occupe également un siège au conseil d’administration du Hirshhorn Museum and Sculpture Garden à Washington. Sa collection personnelle est évaluée à plus de huit cents œuvres d’art provenant d’Indonésie et du monde entier.
Logé dans le quartier de Kebon Jeruk à l’ouest de la ville, le musée s’inscrit dans un projet immobilier plus vaste comprenant bureaux, appartements, hôtel et magasins. Il est prévu que les revenus engrangés par les espaces commerciaux soient reversés aux salles d’exposition. Aussi, quelles que soient les questions que pose (ou devrait poser, car on ne lit aucune critique à ce sujet) l’accumulation de tant de richesses aux mains d’un seul homme, Adikoesoemo apparaît aujourd’hui comme le bienfaiteur de son pays, un homme capable de galvaniser le tourisme sur l’archipel en mettant à disposition du public un nombre d’œuvres appréciable, connues et moins connues.
On verra donc figurer, à côté des stars du marché que sont Gerhard Richter, Anish Kapoor, Jeff Koons et Frank Stella, les artistes indonésiens FXHarsono, Raden Saleh et Affandi qui ont tout à gagner d’un tel voisinage. L’idée d’opérer de tels rapprochements géographiques et culturels n’est pas neuve. Le Leeum cité plus haut ne s’y prend pas autrement pour valoriser les productions coréennes. Plus généralement, à moins d’une offre exceptionnellement abondante, les villes évitent de compartimenter leurs biens culturels, productions locales et étrangères, ayant tout intérêt à mettre en évidence leur propre inscription dans l’histoire mondiale de l’art. Il y a bien, à Saint-Pétersbourg, un musée Russe détaché de l’Ermitage, mais l’ampleur des collections tend à justifier un tel choix, lequel n’en est pas moins préjudiciable à la visibilité de l’art russe. Adikoesoemo a donc toutes les raisons de promouvoir son propre éclectisme en réunissant sous un même toit des œuvres qui, réparties en plusieurs lieux, n’attireraient pas autant de monde. C’est l’occasion de mettre en lumière les œuvres du passé en même temps que de susciter de nouveaux talents. Dans le but d’encourager les vocations, le musée s’engage à développer des programmes spécifiques d’aide à la création. Les objectifs sont clairs : travailler à la diffusion de l’art moderne et contemporain dans l’archipel, encourager les échanges culturels entre l’Indonésie et le reste du monde, et enfin, amener les conditions nécessaires à l’éclosion de talents locaux.
Dans le cadre de la campagne de teasing précédant l’ouverture, les conférences, installations, concerts et expositions ont laissé entrevoir l’étendue des ambitions du Macan. Avec le Louvre Abou Dabi, le Design Society à Shenzen, le musée Yves Saint Laurent à Marrakech et le Zeitz MOCAA au Cap, le tigre de Jakarta mérite sans aucun doute sa place sur la liste des ouvertures de musées les plus attendues à en 2017.
Catherine De Poortere
Museum Macan
AKR Tower Level MM
Jalan Panjang No. 5 Kebon Jeruk
Jakarta Barat 11530
Indonesia
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