Musique classique – les nouvelles programmations de saison (2)
Sommaire
Opéra Royal de Wallonie (ORW)
En 2020, l’ORW célébrait le bicentenaire du Théâtre Royal qui l’abrite au cœur de la Cité ardente. « Célébrait », c’est beaucoup dire quand on doit rester portes fermées, et les évènements durent être repoussés à plus tard. Depuis, l’institution a connu un nouveau revers : le décès en février de Stefano Mazzonis, metteur en scène et directeur général et artistique de l’ORW depuis 2007. La saison 2021-2022, en préparation depuis de nombreux mois, a été entièrement programmée par lui et s’annonce donc comme un vibrant hommage offert au public qui le suivait depuis 14 ans.
Dans sa présentation, le bourgmestre Willy Demeyer l'affirme :
« la programmation est suffisamment intéressante pour l’amateur éclairé et suffisamment accessible pour le néophyte. — "
Et en effet. Nous y retrouvons des opéras bien ancrés dans la grande tradition du répertoire lyrique, avec une prédominance d’œuvres italiennes, dont trois opéras de Verdi, compositeur qui garde indéfectiblement les faveurs du public de l’ORW : la Forza del Destino, Rigoletto et Simon Boccanegra. On épinglera aussi Eugène Onéguine de Tchaïkovski, Lucia di Lamermoor de Donizetti et Don Giovanni de Mozart. Mais le programme contient aussi quelques raretés à la scène, comme l’Otello de Rossini, Mese Mariano de Giordano (couplé à Suor Angelica prévu également à La Monnaie), et Mignon de Thomas. Notons que la maison d’opéras liégeoise propose sept nouvelles productions pour seulement deux reprises.
Du côté des cantatrices et des chanteurs, les habitués de l’ORW ne seront pas déçus de retrouver ceux qui ont déjà fait les beaux jours de la maison, comme Lionel Lhote, Jodie Devos, Maxime Melnik, Michele Pertusi, Laurent Kubla, Maria Grazia Schiavo, etc. Lors de la présentation de la saison, la cheffe d’orchestre et directrice intérimaire Speranza Scappucci – avant la prise de fonction de Stefano Pace – a fréquemment insisté sur l’attachement du public pour les artistes qu’il a déjà pu entendre les années précédentes, et l'accent est souvent mis sur la renommée nationale et internationale, comme Jaco Van Dormael (mise en scène de Don Giovanni), Christophe Rousset (Don Giovanni), Carlos Álvarez (un récital), Stéphanie d’Oustrac (Mignon) et bien d’autres encore, qui feront briller de mille feux les affiches de la saison.
À l'intention du jeune public, auquel l'ORW accorde une grande attention , trois opéras participatifs sont prévus : Ursule et Hirsute de Lionel Polis, Figaro, le barbier du Bois Joli d'après Rossini et Le Dernier Sorcier de Pauline Viardot.
Pour les amateurs de danse contemporaine, Sinfonia Eroica est une recréation avec orchestre – et non avec bande son comme à sa création en 1990 au Théâtre Varia – de la chorégraphie de Michèle Anne De Mey.
(extrait tiré de Charleroi danse, 2006)
Sont encore inscrits au calendrier plusieurs concerts et récital, dont un grand hommage à Stefano Mazzonis pour clôturer la saison, le Requiem de Mozart et, dans le cadre du bicentenaire de la naissance de César Franck, son opéra Hulda, en version de concert. Un agenda bien rempli et qui a de quoi satisfaire un public varié et curieux.
La Monnaie
Considérée comme une des maisons d’opéras les plus dynamiques d’Europe, la Monnaie fonde ses programmations sur des productions maison et des coproductions, misant le plus souvent sur des thématiques d’actualité par l’entremise de mises en scène entrant en résonance avec notre société. Si les mois « covid » ont pesé inévitablement sur la constitution de la saison, l’offre opéras 2021-2022 poursuit la même politique que celle des saisons précédentes, se partageant entre créations, coproductions et reprises, en s’axant cependant plus particulièrement sur le répertoire connu. Connu ? Quoique… Carmen de Bizet est revisitée par Dmitri Tcherniakov, qui mêle deux intrigues pour en réinventer le contexte narratif ; le Requiem de Mozart est traduit en lettre d’adieu à la nature par Romeo Castellucci, faisant écho au réchauffement climatique ; Christophe Coppens transpose l’action de la Norma de Bellini dans un monde identitaire et replié sur lui-même… C’est en partie cette capacité à réactualiser le répertoire qui fait la renommée de l’institution bruxelloise et fédérale.
Émotion, tragédie et humour seront réunis lors des représentations de Il Trittico de Puccini – Il Tabarro , Suor Angelica et Gianni Schicchi, dans une mise en scène de Tobias Kratzer. Deux reprises de productions maison sont également à l’affiche : Les Huguenots de Meyerbeer (Olivier Py, 2011) et Lulu de Berg (Warlikowski, 2012). Deux opéras en version concerts seront représentés à Bozar, dans la salle Henri Le Bœuf : Parsifal de Wagner et De Kinderen der Zee, du compositeur flamand Lodewijk Mortelmans, une œuvre méconnue datant de 1920.
Du côté des créations, deux grands rendez-vous en création mondiale : The Time of our Singing, de Kris Defoort, d’après le roman éponyme de Richard Powers, traitant des discriminations raciales aux États-Unis. Le livret et la mise en scène de Ted Huffman établissent un lien direct avec les récentes manifestations de Black Lives Matter . Également Is This the End ?, second volet du pop requiem de Jean-Luc Fafchamps se présentant comme un tableau animé sur plusieurs plateaux simultanés, faisant appel à des moyens numériques sonores et visuels inédits sur une scène lyrique. L’opéra de Fafchamps est une exploration des états de conscience modifiés, à travers le parcours d'une femme tentant de s'arracher à ses attaches terrestres.
Cette saison sera aussi celle de la célébration des 250 ans de l’Orchestre symphonique de la Monnaie, fondé en 1772 par le chef autrichien Ignaz Vitzthumb. À ce titre, de nombreux concerts dirigés par Alain Altinoglu sont prévus et parcourront la musique symphonique des XIXème et XXème siècles : Ravel, Grétry, Berlioz, Debussy, Benoît, Franck, Mahler, De Boeck et bien d'autres vous seront proposés dans ce cadre.
Parallèlement, la Monnaie s'investit beaucoup dans la pédagogie et l’éducation du jeune public : adaptation d’opéras, visite pour les familles, immersion dans une œuvre… Elle abrite aussi les Chœurs d'enfants et de jeunes de la Monnaie, une initiative de la Monnaie et de l'Académie d'Auderghem qui offrent la possibilité à de jeunes chanteurs d'approfondir leur formation musicale dans des conditions uniques.
D'autres rendez-vous musicaux vous attendent encore dans le domaine du récital, de la musique de chambre et de la danse, que nous ne pouvons pas tous vous énumérer. Un calendrier dense qui est à découvrir ici !
Nathalie Ronvaux