Musiques du Congo | Soukous, SAPE et concours d’élégance
Dans les années 1980 et 1990, de nouveaux grands noms du soukous apparaissent sur le devant de la scène. Comme avec la génération précédente de l’African Jazz et de l’OK Jazz, c’est autour de plusieurs orchestres que va se développer la nouvelle musique du pays. Quelques grandes formations vont servir de tremplin pour de nombreuses carrières, et leur arbre généalogique complexe va marquer les décennies à venir. Le groupe Zaiko Langa Langa, encore actif aujourd’hui, a ainsi vu, depuis sa création dans les années 1970, passer dans ses rangs de très nombreuses grandes figures, comme celle de Papa Wemba.
Cofondateur de l’ensemble, il quittera le groupe pour lancer en 1974 Isifi Lokole, puis Yoka Lokole en 1975, et enfin Viva la Musica en 1976. Cette formation accompagnera à son tour les débuts de Koffi Olomidé et King Kester Emeneya. D’autres figures importantes seront l’Empire Bakuba de Pépé Kallé, Kanda Bongo Man ou encore Ray Lema qui passera toutefois sa carrière en exil, suite à un désaccord avec le régime du président Mobutu. C’est aux États-Unis puis en France qu’il sera, avec d’autres comme Papa Wemba, l’ambassadeur de la musique congolaise.
La musique africaine a commencé à cette époque à connaître un succès populaire croissant sur les scènes internationales avec le grand mouvement de la world music. Les musiciens commencent à enregistrer leurs disques à Paris et leur son devient plus propre, plus lisse. Les contacts entre le Congo et la diaspora en France et en Belgique vont s’intensifier. Papa Wemba maintiendra en parallèle deux groupes Viva la Musica (parfois sous d’autres noms), l’un à Kinshasa, l’autre à Paris.
Cette nouvelle vague de soukous s’accompagne d’un autre phénomène : les concerts deviennent des concours d’élégance. En effet, Papa Wemba crée en 1979 le mouvement SAPE (Société des Ambianceurs et Personnes Élégantes). Artistes et public se lancent dans une surenchère vestimentaire, adoptant un look parfois criard mettant en avant les vêtements de marques, souvent occidentales, italiennes et anglaises notamment. Lancé en réaction aux diktats d’authenticité du régime mobutiste, qui interdisait toute référence aux costumes de l’ancien occupant colonial, ce mouvement possède ses grandes figures, comme Christian Loubaki ou Stervos Niarcos. S’il a causé la ruine financière de nombreux sapeurs, engloutissant leur maigre salaire dans leur garde-robe, il a aussi progressivement favorisé l’éclosion d’une mode africaine, avec des créateurs locaux.
La génération des années 1990 sera figurée par l'ascension des groupes Wenge Musica et Quartier Latin International (formé par Koffi Olomidé). C’est la grande époque du ndombolo. Style de danse fortement décrié par les conservateurs, il met l’accent sur les mouvements giratoires de la taille et des fesses. Les disques et surtout les vidéos sont régulièrement censurés. Se produisant avec succès autant avec son groupe qu’en solo, Koffi Olomidé se présente comme un personnage hyper sophistiqué et la nouvelle idole des jeunes, tentant de charmer son public avec ses chansons autant qu’avec son style, revendiquant le « bling bling » et la réussite matérielle.
De nombreux artistes seront issus de cette nouvelle scène, comme Fally Ipupa (ex-musicien de Quartier Latin International), Ferré Gola (ex-Wenge Musica), JB Mpiana et Werrason, et des groupes comme Wenge Musica Maison Mère ou Extra Musica.
Toutes les musiques congolaises sont expliquées plus en détail sur les pages suivantes:
> Une multitude d’ethnies de la forêt et de la savane
> Jeux de guitares
> Rumbas congolaises, entre Brazzaville et Léopoldville
> Soukous, une musique qui « secoue »
> Soukous, SAPE et concours d’élégance
> Congotronics et Tradi-Mods, une nouvelle musique congolaise ?
> Le système K, les shégués et le Congo futuriste
Texte: Anne-Sophie De Sutter & Benoit Deuxant
Crédit photo: Ilja Smets (flickr)
Cet article fait partie du dossier Congo 1960-2020.
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