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Questions à Nicolas Stetenfeld de la BiLA

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La Bibliothèque des Littératures d’Aventures de la Commune de Chaudfontaine est un centre de conservation et de valorisation des littératures de genre (aventure, fantastique, fantasy, policier, science-fiction, sentimental) subsidié par le Service de la Lecture publique de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

La BiLA est spécialisée dans la conservation et la valorisation des littératures populaires et des littératures de genre : la science-fiction, le fantastique, la littérature sentimentale, le roman d’aventures et l’heroic fantasy. Elle s’articule autour de deux pôles : un de conservation, avec une nombreuse collection exposée sur place ou présente dans des réserves – car, contrairement aux autres bibliothèques, la BiLA conserve tous ses titres – et un pôle de valorisation.

À l’origine, la BiLA a été créée par un bibliothécaire passionné de la commune de Beaufays, jusqu’à sa reconnaissance par la Communauté française. Elle s’est alors vu fixer pour mission de rayonner sur l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle est également la seule dans le monde francophone, et pas uniquement belge, à assurer une mission de conservation de cette portée. Une de ses autres missions est de concevoir des expositions, qui sont ensuite gracieusement mises à disposition pour différentes institutions.

La BiLA propose aussi un copieux programme d’activités, allant d’ateliers d’animation à des soirées discussions autour d’un thème spécifique, en passant par des séances d’initiation à des pratiques ludiques, jusqu’au format plus conventionnel de conférences ! Le champ d’étude va même jusqu’à s’étendre au domaine des jeux vidéo car, à la BiLA, ceux-ci sont envisagés comme un des prolongements médiatiques des littératures de genre.

Nous avons posé nos questions à Nicolas Stetenfeld, attaché scientifique chargé de la partie événementielle de la BiLA, sur l’impact de la crise du Covid sur leurs activités


PointCulture - Comment se déroule la vie d'une bibliothèque pendant un confinement ? Qu'est-ce qui a changé dans vos projets ?

Nicolas Stetenfeld - Pour la majorité des bibliothèques, il y a eu deux temps dans cette crise.

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Tout d'abord, lors du premier confinement, notre commune, comme presque toutes les communes par ailleurs, a décidé de fermer la bibliothèque. Cependant, assez rapidement, nous avons pu ouvrir à nouveau via un système de réservation de livres et enlèvement de colis. Malgré quelques règles sanitaires élémentaires, nous sommes aujourd'hui ouverts avec nos horaires habituels, et ce depuis plusieurs mois. Le réseau des bibliothèques, par son maillage territorial et sa dimension démocratique, a un rôle social important et le fait que nos services soient considérés comme prioritaires à la population est, à mon avis, une excellente nouvelle.

Concernant les événements culturels que nous organisons, il en est tout autrement. L'immense majorité de notre programmation depuis près d'un an est tombée à l'eau. Ce sont principalement les événements organisés en collaboration avec des partenaires extérieurs qui ont le plus souffert. Car si les bibliothèques ont eu la chance de pouvoir continuer à travailler, une part importante du secteur culturel est tout bonnement à l'arrêt. Nous nous sommes donc recentrés sur deux formats d'activités : les activités dans nos locaux, rares lieux culturels encore autorisés à recevoir du public, et les activités en ligne. Nous avons ainsi pu maintenir une exposition consacrée au créateur de Bob Morane, l'auteur belge Henri Vernes. Moyennant une jauge limitée, le public a pu découvrir cette exposition à la BiLA. Par ailleurs, après une période de tâtonnement, nous proposons depuis quelques mois des rencontres et conférences en ligne qui connaissent, à notre très agréable surprise, un beau succès et touchent un public que nous ne touchions, pour des raisons géographiques, jamais, comme des spectateurs français et même canadiens.

As-tu senti un regain d'intérêt pour les littératures de l'imaginaire ?

On ne peut pas dire que l'on a ressenti un regain particulier pour les littératures de l'imaginaire. Si ce n'est La Peste de Camus, mais qui ne relève pas des littératures de l'imaginaire, et la tentative hasardeuse et surtout commerciale de remettre en avant un vieux thriller de Dean Koontz, qui avait soit-disant anticipé la crise (Les Yeux des ténèbres), aucun livre n'a vraiment incarné cette étrange période. Il y a par contre eu un regain d'intérêt pour la littérature en général. La majorité des bibliothèques ont vu leur fréquentation augmenter lors de leur réouverture, grâce notamment à des lecteurs qui dévalisaient les rayons afin d'être certains d'avoir de quoi lire chez eux en cas de reconfinement strict. Aujourd'hui, la fréquentation est, dans l'ensemble, revenue à la normale. Par contre, le vrai changement s'est fait au niveau de la lecture numérique. De nombreux lecteurs se sont tournés vers cette solution, notamment vers Lirtuel, la plateforme de prêt de livres numériques du réseau des bibliothèques de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Celle-ci a connu un réel succès, qui semble durable alors même que les bibliothèques sont de nouveau ouvertes. Il y donc eu un glissement d'une partie des lecteurs vers les solutions numériques. Ce constat doit évidemment être mis en parallèle avec le regain des autres pratiques culturelles solitaires ou, du moins, domestiques. Si les gens, confinés chez eux, ont fait bondir le cours de l'action de Netflix, ils ont également lu plus. Cela reste pour nous une bonne nouvelle.


Quels seront vos projets pour la saison prochaine ?

À l'automne prochain, nous organisons la cinquième édition de notre Festival des Littératures d'Aventures. Elle sera consacrée, cette fois-ci, à la littérature policière. Ce festival fonctionne à la manière de la Fureur de Lire. Nous fédérons les bibliothèques du réseau de Lecture publique dans toute la Wallonie et à Bruxelles, ainsi que différentes institutions culturelles qui nous rejoignent pour l'occasion. En plus de la programmation de la BiLA, nos partenaires proposeront, entre octobre et novembre 2021, une série d'événements visant à célébrer les littératures de genre en général et la littérature policière en particulier. Le programme complet sera présenté sur notre site internet.


Quelle est ta révolte du moment (pour faire écho à notre thématique annuelle) ?

Non seulement pour faire écho à votre thématique de l'année mais pour annoncer celle de l'année prochaine, plus qu'une révolte personnelle, j'aimerais mettre la lumière sur le travail de révolte collectif de quelques auteurs français de science-fiction qui ont activement pris en main la question des imaginaires et, plus précisément des imaginaires du futur. La question des imaginaires est de plus en plus mise en avant comme une nécessité pour faire changer la marche du monde et sortir de l'impasse mortifère dans laquelle notre vision du futur semble engluée. Pour prendre un exemple, plus de 30 ans de discours catastrophistes sur le changement climatique n'ont toujours pas permis de faire bouger les choses et tous les spécialistes du climat s'accordent à dire que les efforts mis en place aux quatre coins du monde sont largement insuffisants pour modifier la trajectoire climatique. Peut-être que les arguments uniquement scientifiques et la logique de la peur ne suffisent pas à faire désirer de manière suffisamment puissante un modèle de société différent. Un désir qui, pour de plus en plus de personnes, doit passer par un changement des imaginaires. C'est à cette révolte des imaginaires que des auteurs et des chercheurs s'attaquent. Je pense notamment aux auteurs de science-fiction qui se rassemblent dans le collectif informel Zanzibar (Catherine Dufour, luvan, Alain Damasio, Sabrina Calvo et d'autres) dont le slogan est « désincarcérer le futur ». Le travail de l'essayiste Ariel Kyrou dans son dernier ouvrage Dans les imaginaires du futur (éditions ActuSF) est également éclairant. Il y analyse les futurs imaginés dans la production de science-fiction et montre comment certains auteurs proposent des visions de l'avenir alternatives, originales, aptes à élargir le spectre des imaginaires.

Enfin, mais nous pourrions multiplier les exemples, la maison d'édition Les Moutons Électriques change depuis environ une année sa politique éditoriale pour participer à la vision d'un monde meilleur, à travers des romans inspirants à l'imaginaire progressiste. À l'heure où toute volonté de changement est écartée d'un revers de la main par la menace d'un retour à la lampe à huile ou à la barbarie, il me semble temps de réinvestir les imaginaires afin de faire advenir, à nouveau, un avenir désirable pour la majorité d'entre nous.

Propos recueillis par Thierry Moutoy