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Noé Preszow, contre vents et marées | Rencontre

Noe Preszow - © Leila VDGL

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publié le par Jean-Jacques Goffinon

Il a quelques jours à peine, il n’y en avait plus, des marées. Il ne restait que les lignes de flottaison dormantes d’un monde culturel étranglé par le Covid, sanglé par les mesures. Mais voilà que, par surprise, un photophore explose à nouveau au bout de la jetée. Avec son dernier titre « Que tout s’danse », Noé Preszow confirme son talent.

Avec des paroles pareilles à des éclats, cassant l’opacité de cet océan sans horizon, il pose les questions, prévient doucement que toutes les incohérences que nous vivons nous font grogner à l’intrinsèque, attisant l’envie de mordre « et ça ne saurait tarder ».


Rencontre avec ce jeune chanteur prolifique belge que la France a eu la bonne idée de nous rafler sur le perron. Rencontre sans langue de bois avec un artiste dont le premier EP de quatre titres promet la sortie d’un album riche de contenus et de mots choisis. Rencontre avec ce monsieur de 25 ans seulement dont les textes subulés, empreints de grâce comme de révolte, indiquent, à tous ceux qui ne l’auraient toujours pas compris, qu’il faut changer le monde, et vite ! Bonjour Monsieur…

« Il me faut explorer mon époque et ce qu’elle provoque (...) mater le mystère et l’héroïsme de danser sous le capitalisme » / « Savoir qui vaut combien ? Qui se fout de nous ? À nous sans drapeau, sans étiquette… » / « À nous qui ne vendrons jamais nos vérités, à nous qui imploserons et ça ne saurait tarder » — Noé Preszow

- PointCulture : Ça sent beaucoup la révolte contenue tout ça, non ?

- J'allais dire « oui, contenue », parce que, dans un certain sens, je ne suis pas à l’aise avec les choses de la vie, parce que, au quotidien, même si je suis un grand nerveux, je ne hurle pas extérieurement autant que je hurle intérieurement… quoique…

Mais en fait, non, pas contenue, puisque, l’un dans l’autre, j’en fais des chansons qui disent précisément ce que je veux dire. Et que dès que je suis sur scène avec un groupe et que les amplis chauffent, ça explose. Donc, pas contenue.

D’un point de vue très naïf, je suis pour une restructuration globale du monde tel qu’il est. J’assume cette naïveté, je ne la démens pas, je la protège. Avec le temps, dans mes chansons, je me suis autorisé à être beaucoup plus clair face à ce qui me fait brûler intérieurement. L’indignation, la colère peuvent venir aussi bien en regardant certains de mes proches qui galèrent pour faire ce qu’ils veulent et d’autres qui ne galèrent pas, mais sont malheureux dans leur vie, qu’en regardant le système capitaliste dans sa globalité. Mais je préfère chanter tout ça que d’en parler. Mon truc, c’est de chanter.

- Dans « Je te parle encore », en filigrane, tu parles beaucoup de notre époque, de la difficulté de se sentir à sa place. C’est ça, le monde d’aujourd’hui, celui d’une société qui désincarne ?

- Il y a toujours cet « aujourd’hui » … On ne peut pas être nostalgique d’hier puisqu’on n’y était pas. Si je dois être nostalgique de quelque chose, ce serait de la préhistoire ! Ce n’est donc pas une question comparative. Non, la réponse tient plus à mon ressenti. J’ai toujours été l’autre. Celui qui n’écoute pas que des chansons à la mode, ne regarde que des films pas à la mode, qui a un corps pas à la mode, etc. Mais, en vrai, j’ai toujours su que cette absence de place était précisément ma place. Ensuite, il suffit de sortir dans la rue et de regarder le nombre de gens qui ont un quotidien qui ne leur ressemble pas, une réalité à l’opposé de ce qu’ils rêvaient enfant. Parfois, j’ai l’impression que je fais de la musique avec l’envie de vouloir venger tout le monde. Mes héros, quand j’étais gosse, c’était Zorro, Robin des Bois et Jeanne d’Arc – parce qu’elle entendait des voix, ça n’a rien à voir avec un parti politique, je précise. Je me sens assez proche de ces attitudes chevaleresques. Dans mes textes, je ne cherche pas à me divertir et me détourner du monde tel qu’il est.

Enfin, pour revenir à ta question, oui, on fait partie d’un système violent, mais je crois et à la responsabilité individuelle, et à la force du collectif. Et à l’art. Je me réjouis d’être sur la même Terre que Pomme, le Raoul Collectif, Laurence Vielle, Maïwenn, Lisette Lombé, Bob Dylan, Patti Smith, Ken Loach. C’est ça aussi, le monde d’aujourd’hui.

Et pour ce qui est de la convergence des luttes, je la souhaite, mais j’ai des doutes quant à la nature des êtres humains sur cette question.

La réelle difficulté va être de trouver la cohérence, ça va être le défi des dix prochaines années. Cohérence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait.

- Si on te dit : Bashung, Biolay, Murat, Manset, il y a une erreur ou ça te semble cohérent ?

- Biolay, j’aime particulièrement son album La Superbe, mais pour moi ce n’est pas la même famille que les trois autres.

Bashung, Murat, Manset, c’est trois mondes différents, mais il y a quelque chose d’indicible qui, pour moi, les relie. Une notion de bricolage, de griffes et de traces de doigts, peut-être. Et une forme de chanson-philosophie. On peut aussi rajouter Dominique A là-dedans. Un de mes regrets avec Murat, c’est le rejet qu’il fait de ses albums antérieurs. Il n’aime pas regarder en arrière et ses concerts se limitent à l’album qui vient de sortir. Parfois, j’aimerais réentendre les vieux morceaux. Après, c’est quelqu’un qui s’embarrasse de peu de choses, c’est quelqu’un qui tient un discours sincère en dehors du positivisme obligatoire de l’époque. Il dit ce qu’il pense. Mon album préféré de Murat, c’est Toboggan, je l’écoute très souvent.

C’est une face de ma personnalité musicale, une autre ce sont les Chœurs de l’Armée rouge, ou Nirvana tout autant que Goldman ou Johnny Hallyday.

- Johnny ?

- Oui, Johnny aussi. Johnny ne s’écoutait pas vraiment chez moi et c’est comme ça que la Médiathèque a joué un rôle important dans ma vie. C’était un peu mon refuge, parce que je n’étais pas obligé de me justifier sur ce que j’écoutais et ce que je n’écoutais pas. PointCulture, c’est comme un lieu secret où tout ce qu’on te demande, c’est d’avoir quelques euros pour louer ce que tu veux. J’ai découvert Johnny par la Médiathèque, Indochine aussi, Ribeiro, Patti Smith, Placebo et plein d’autres artistes, en piochant un peu par hasard. Je suis très sensible à l’énergie, notamment sur scène. Donc je louais souvent des albums live, ceux d’Hallyday, d’Higelin, de Balavoine.

- Et le rap ?

J’ai beaucoup écouté Eminen, et MC Solaar quand j’étais enfant, via mon frère. J’écoute encore régulièrement Abd al Malik et Kery James. Diam’s aussi.

C’est peut-être grâce au rap qu’il y a un retour des maisons de disque vers la chanson à texte, la colère, l’intimité et le rapport à la langue. Damso, IAM ou Abd al Malik, c’est très différent, mais il y a un « rapport à la langue », à comment faire vibrer et claquer la langue.

- L'album sort quand ?

Avec la période, rien n’est sûr, normalement pour début 2021.

Interview : Jean-Jacques Goffinon - photo de bannière © LeilaVDGL


En attendant impatiemment cet album, Noé nous a fait sa playlist :

Albums

Bob Dylan - Oh Mercy

Soko - I Thought I Was an Alien

Hania Rani - Esja

Antony and the Johnsons - I Am a Bird Now

Nirvana - MTV Unplugged in New York

Films

Ken Loach - I, Daniel Blake

Chantal Akerman – Je, tu, il, elle

Les frères Dardenne - La Promesse

Maïwenn - Polisse

Ingmar Bergman - Scènes de la vie conjugale

Livres

Philip Roth - Patrimoine

Anna Akhmatova – Requiem : Poème sans héros et autres poèmes

George Perec - Un homme qui dort

Sylvia Plath - Arbres d’hiver

Marina Tsvétaïéva - Le Ciel brûle