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Orient-Express, une exposition à Train World

Orient-Express (c) Lola Hakimian
A une époque où les trains de nuit reprennent du service, l’Orient-Express fait d’autant plus rêver. Europalia Arts Festival propose cette saison une thématique « Tracks & Trains » et présente une exposition sur ce fabuleux voyage à Train World, hébergé dans la gare de Schaerbeek.

À l’origine de l’histoire des chemins de fer, dans la première moitié du 19e siècle, le voyage était fort inconfortable et la vitesse des véhicules assez limitée, mais au fil du temps, les conditions s’améliorent. Au début des années 1860, l’inventeur américain George Pullman aménage des wagons en y installant des couchettes pour les longs voyages et fait construire une voiture-restaurant avec cuisine. Il conçoit ainsi le premier « hôtel sur roues ». L’Europe est en retard mais se rattrape grâce à l’initiative de l’ingénieur belge Georges Nagelmackers qui fonde la Compagnie Internationale des Wagons-Lits en 1872, avec comme but premier de rallier Paris à Constantinople (aujourd’hui Istanbul). L’Orient-Express était né, en tous cas sur papier. Le roi Léopold II apporte son soutien financier et le premier départ a lieu en 1883. Les cinq premières années, le voyage s’interrompait à Giurgiu en Roumanie où les passagers devaient prendre un bac, puis un train local puis un ferry mais en six jours, ils avaient atteint la porte de l’Orient. Ce voyage était bien plus rapide que les alternatives passant par la mer Méditerranée ou le Danube. Dès 1888, le voyage devient direct et prend un peu plus de cinq jours.

Après une introduction dans l’ancienne salle des guichets de la gare de Schaerbeek, le premier espace d’exposition présente les origines de l’Orient-Express en reconstituant la bibliothèque de Georges Nagelmackers, qui accueille d’ailleurs les visiteurs sous forme de réalité virtuelle. Ce cabinet de curiosités rassemble maquettes, cartes postales, tickets ainsi que des œuvres témoignant du courant orientaliste de l’époque.

Dès le départ, l’Orient-Express a attiré l’attention du public et très vite, de nombreuses personnalités ont emprunté ce train pour se rendre au Proche-Orient. C’était une région qui fascinait les esprits à l’époque, et les voyages – en tous cas pour une frange de la population qui en avait les moyens – se développaient de plus en plus, avec un désir de voir l’Europe, l’Asie et l’Afrique du Nord, tout particulièrement l’Egypte et ses pyramides. Le réseau s’est donc développé en conséquence au fil des ans et de nombreux embranchements ont été créés, ainsi que de nouvelles lignes qui prenaient le relais pour aller plus loin en Asie ou en Afrique. Les deux guerres mondiales ont modifié certains des trajets. Après 1918, l’Orient-Express n’a plus pu circuler en Allemagne pour éviter que le pays ne se rapproche de son allié turc. Il a donc été dévié par la Suisse où il empruntait le tout nouveau tunnel du Simplon puis par l’Italie.

Différentes cartes interactives montrent ces itinéraires qui traversent toute l’Europe. Sont également exposés divers guides, almanachs avec les horaires et affiches publicitaires. Celles-ci étaient conçues par des artistes de l’époque et traduisaient différents courants artistiques, de l’Art nouveau à l’Art déco. Ces objets et œuvres d’art se mélangent à l’exposition permanente, et dans les salles suivantes, ce sont les divers wagons et locomotives qui attirent surtout le regard et qui fascinent les plus petits mais aussi les adultes par leur taille gigantesque.

Le voyage était extrêmement confortable : les wagons avaient été aménagés avec les matériaux les plus luxueux, les panneaux de bois étaient fabriqués avec des inserts en bois de rose et d’acajou, chaque couchette et salle de réception était délicieusement chauffée et éclairée, divers artistes de l’époque avaient créé les peintures et esquisses qui décoraient les parois des wagons. L’avantage d’un musée comme Train World, c’est qu’il ne faut pas se contenter de photos pour apprécier cette beauté mais qu’il y a des wagons entiers à visiter. En effet, deux voitures originales restaurées par la SNCF au début des années 2010 permettent au visiteur de ressentir l’ambiance et le luxe de ce train. La première voiture « Côte d’Azur » est un magnifique salon, dont les fauteuils sont recouverts de tissus Art déco et les parois de boiseries aux fines marqueteries. La seconde, « Riviera », permet de déambuler entre les tables dressées du restaurant, parsemées de divers objets évoquant la vie à bord, cartes à jouer ou lettres par exemple.

Les repas étaient somptueux et préparés par les meilleurs chefs d’Europe malgré de minuscules cuisines. Ils comptaient de nombreux services, alternant homards, huîtres, caviar, poissons et gibiers divers, salades et légumes, desserts et sorbets, ainsi que du fromage et des fruits, et le vin coulait à flots. Divers menus sont exposés.

Ce luxe avait évidemment un prix : un aller-retour coûtait aussi cher que le quart du salaire annuel du Français moyen. Seuls les plus riches pouvaient se permettre le voyage et le train a attiré de nombreuses personnalités, de Marlene Dietrich à Joséphine Baker, en passant par le roi Ferdinand de Bulgarie. Le train a également inspiré des écrivains, de John dos Passos (Orient-Express, 1922) à Graham Greene (Stamboul Train ou Orient-Express, 1935). Il est emprunté par Van Helsing dans Dracula de Bram Stoker et par James Bond dans Bons baisers de Russie de Ian Fleming (c’est également un film de Terence Young datant de 1964). Il ne faut évidemment pas oublier le très célèbre Crime de l’Orient-Express d’Agatha Christie (1934) qui à son tour a inspiré les (télé)films de Sidney Lumet en 1974, Philip Martin en 2010 et de Kenneth Branagh en 2017.

La visite se termine par diverses affiches et photos rappelant tout ce passé littéraire et cinématographique. C’est une exposition tout public qui nous plonge dans une époque révolue de manière très vivante. Elle est fascinante et présente les différentes facettes de l’histoire de l’Orient-Express et plus largement des chemins de fer dans les immenses halls d’exposition dont la scénographie a été réalisée par François Schuiten. Et peut-être qu’elle poussera certains visiteurs à changer leurs habitudes en abandonnant l’avion au profit du train pour leurs prochains voyages européens ?

Texte : Anne-Sophie De Sutter

Photos : dossier de presse Train World / Falshbackx ; photo de bannière : Lola Hakimian


Affiche Orient-Express

Exposition Orient-Express. Mythique, luxueux, belge !

Du 26 octobre 2021 au 17 avril 2022, dans le cadre d’Europalia Arts Festival, Trains & Tracks

Train World, Place Princesse Elisabeth 5, 1030 Schaerbeek

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h.