Paroles de femmes – Paroles de Ginette Matagne

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publié le 5 mars 2020 par Daniel Mousquet

Attention, spectacle impertinent ! Émotion, dérision, chant, moments forts et… des femmes !

Depuis longtemps, Ginette Matagne met en scène des représentations qui mêlent poésie et chant, centrées sur les paroles : citations d’écrivains, vers, aphorismes, propos de personnalités, extraits de chansons qu’elle a glanés patiemment déjà lorsqu’elle éveillait ses élèves à la déclamation et à l’interprétation.

Mais ce 8 mars 2020, son spectacle 100% femmes fera circuler leurs paroles. Je l’ai suppliée de m’en dire plus…

Paroles de femmes 06 — « Paroles de femmes » dernières répétitions. (Page Facebook - Les Aquoibonistes)

Qui verrons-nous sur scène ? Des comédiennes-chanteuses de 17 à 63 ans, qui restent toujours jeunes. Les ainsi soient-ELLES émanent des Aquoibonistes, un groupe créé au début des années 2000. Neuf artistes avec un regard neuf pour chanter des mots-hommages tandis qu’un trio les accompagnera au piano, au violon ou à la batterie.

Ancienne élève, prof de déclamation, étudiante en humanités artistiques, …, elles ont toutes une occupation, un métier, une personnalité et un parcours différents. Ginette les connaît toutes, elle les a déjà fait jouer ou les a mises en scène. Elles n’ont pourtant encore jamais travaillé toutes ensemble. Mais la soif de jouer et la volonté d’y arriver soudent l’équipe.

Ce choix de casting féminin, Ginette l’assume. « Elles travaillent comme des pros. Nous donnerons vraiment un spectacle de qualité. »

Mais quel est ce nouveau spectacle, Paroles de femmes ? Ce divertissement, qui lorgne du côté de la comédie musicale et parfois du cabaret, permet de s’interroger et de réfléchir sur la situation des femmes, mais se présente surtout comme un hommage aux féministes d’antan et aux femmes qui ont décidé de se battre pour leurs droits. « Bravo à ces femmes, quelles qu’elles soient, toutes. Parce qu’il a fallu combattre ! Regardez, on est au XXIe siècle, on voit les femmes, on leur dit encore reste dans ta cuisine, tu n’as rien à dire, on les viole toujours, on les tabasse, … »

Encore aujourd’hui la femme passe son temps à s’excuser. Elle s’excuse d’être mère, elle s’excuse de ne pas l’être. Elle s’excuse de ne pas travailler. Elle s’excuse d’avoir compris son indépendance, elle s’excuse d’exister. Cette attitude trouve sa source dans le regard de la société, qui, quelle que soit la position de la femme, ne la valorise jamais . — Yasmina Khadra

Les textes sérieux – nous savons que Simone Veil ou Yasmina Khadra seront citées –, qui traitent des droits ou de sujets graves, comme l’excision, côtoient d’autres plus légers. « Même s’il y en a deux ou trois où il faut s’accrocher, nous explique Ginette, dans Paroles de femmes, vous verrez, c’est très très drôle ! ». Ainsi cultive-t-elle l’humour et la dérision comme pédagogie afin que le public soit touché par les mots et les idées véhiculées.

Sur scène, les comédiennes-chanteuses interagissent entre elles mais aussi avec le public, qu’elles considèrent comme le partenaire principal : « Il faut le toucher, le convaincre. Il faut qu’il y croie aussi. Il fait partie intégrante du plateau (même s’il est en dehors). »

Plus qu’une simple caricature ou parodie purement gratuite ou haineuse sur les hommes, le spectacle propose des enjeux véritables, une réelle interrogation sur la place et les droits des femmes. « Ce n’est pas un spectacle moralisateur contre les hommes qui démontrerait que les femmes sont seulement des victimes et qu’elles ont LA vérité ! Mais les femmes sont des êtres humains à part entière. »

Pourquoi y a-t-il une journée des Droits de la femme ? Cela devrait être tous les jours. Est-ce qu’on fête la journée de l’homme ? Moi, ça me gonfle ! — Ginette Matagne

Ça fait maintenant des années que Ginette Matagne est passée du métier de professeure de déclamation de l’Académie Marcel Désiron d’Amay à la mise en scène de spectacles dédiés aux grands auteurs. Des années à donner la parole, à permettre l’expression, à faire découvrir les poésies, les histoires et les textes de la littérature française. Le travail du rythme, de la voix et de l’interprétation, elle a pu l’expérimenter elle-même comme comédienne dans ses propres réalisations.

Du Théâtre de l’Étuve à Liège, en passant par Amay, Stavelot, Tourcoing, Mons et Avignon, ses spectacles tournent autour des écrivains et des poètes qu’elle admire : Baudelaire, Apollinaire, Vian, Mac Orlan, Cocteau, Couté... Les chanteurs à textes, qui véhiculent un message ou sont « habités », offrent également un beau répertoire à ses comédien·ne·s, tels Brel, Brassens, Gainsbourg, Tachan ou… Aristide Bruant.

Et quand nous lui demandons quels sont les auteurs qu’elle chérit, viennent les noms de Baudelaire, Victor Hugo, Raymond Devos, Bruant et Norge. Elle aime leur poésie, les émotions qu’ils suscitent, la subtilité de leurs jeux de mots, les phrases ou les vers qui l’enchantent… Elle apprécie les chansons de Juliette (Noureddine) et, bien qu’elle ait déjà mis en scène quelques chansons d’interprètes féminines, dont Edith Piaf, elle se verrait bien créer un spectacle qui établit le lien entre Barbara et Aragon.

Alors qu’elle a déjà travaillé avec plusieurs musiciens, tous de grand talent, elle est aussi découvreuse de talents, comme Arnaud Anson ou Manon Lepomme. Elle se souvient d’ailleurs que cette dernière a intégré son cours de déclamation et y est resté pendant dix années. À la fin de son cursus, après avoir réussi son examen à Bruxelles, Ginette et Manon montent Je vous fais un dessin ?, qui tournera durant quelques années avec beaucoup de succès.

Parallèlement à ces représentations remplies d’humour, Ginette Matagne met en scène des spectacles aux sujets plus graves autour de la guerre 14-18 ou des droits humains. Elle atteste une certaine marginalité dans ses choix de sujets ou de thèmes pour ses réalisations. Dans le jeu de ses comédiens, elle est davantage impressionnée par ceux qui se battent pour y arriver et pour toucher le public que par ceux pour qui tout est déjà acquis.

« Le théâtre, c’est un acte politique. » — Ginette Matagne

Son dynamisme et son enthousiasme pour le théâtre, la comédie et la chanson sont communicatifs. Dans le groupe, Ginette Matagne laisse la place à la discussion et au partage. Puis, à un moment donné, la metteuse en scène se fait maîtresse en scène afin de prendre les bonnes décisions pour avancer.

Pour elle et ses comédiennes, il y a un travail de recréation, de recherche à l’intérieur d’elles-mêmes pour pouvoir interpréter avec justesse un texte qui ne leur appartient pas mais qui va, à un moment donné, faire partie d’elles-mêmes et qu’elles vont habiter.

Se faire plaisir et offrir du plaisir, c’est son choix depuis le début. C’est vraiment son but.

Au bout, quand on aura terminé toutes les répétitions, avant de monter sur scène, je vais leur dire : Maintenant, vous vous lâchez, vous prenez du plaisir et vous allez nous en donner. C’est vous qui êtes sur scène. Là, ce sont les maîtres, mais la place dominante est ici, sur le plateau. Vous y allez, vous foncez, vous oubliez tout ce que j’ai raconté, et vous vous sentez libérées de toutes les contraintes ! Ce lâcher-prise, quand on l’a sur scène, c’est bon. Et quand elles ont eu du plaisir, alors j’ai gagné ! — Ginette Matagne