Philippe Katerine, un artiste complexe décomplexé
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L’auteur-compositeur-interprète aux multiples facettes (acteur, écrivain, réalisateur) voit le jour en 1968 en Vendée sous le nom de Philippe Blanchard. Á vingt trois ans, ce jeune homme mal dans sa peau et passionné de musique démarre sa carrière par un premier album intitulé « Les mariages chinois ». Le début des années nonante lui permet de prendre ses marques en dehors des courants commerciaux avec des chansonnettes simples, une pop anglo-saxonne et un look de dandy parisien très années soixante.
Sur «L’éducation», en 1994, mal à l’aise, presque gêné d’être chanteur, il préfère laisser sa compagne et sa sœur interpréter les morceaux à sa place.
Puis, un troisième album, « Mes mauvaises fréquentations », voit le jour en 1995, un tournant dans sa carrière. L’artiste se démarque grâce à des textes noirs, des mélodies bossa-nova, des arrangements subtils ainsi que des ambiances envoûtantes ou dérangeantes. On découvre un personnage à la voix douce et légère qui, sous des airs faussement naïfs, se dévoile comme un arrangeur et un compositeur de talent.
Dans ces premiers essais discographiques, cet éternel insatisfait enregistre la plupart du temps en retrait, chez lui, avec des moyens rudimentaires et un minimum d’intervenants. Ce grand timide cache en lui les blessures d’un souffre-douleur que l’on appelait « poubelle » au collège (ce qui expliquerait probablement ses futures obsessions pour le régressif et le scatologique).
Et pourtant, petit à petit, sa notoriété ne fait que grandir et, fin des années nonante, le bonhomme se lâche, se décomplexe, joue le jeu des médias à fond et y prend visiblement goût. Son célèbre titre « Je vous emmerde » tiré de l’album « Les créatures », amorce un nouveau virage dans sa carrière. Un renouveau où il s’ouvre davantage vers l’extérieur en enregistrant cette fois avec le groupe de jazz The Recyclers.
À partir de ce moment, il enchaine les participations et s’enrichit de rencontres avec des artistes reconnus comme les Sœurs Winchester, Etienne Daho, Dominique A, Julien Doré sans oublier The Recyclers avec qui il réalise un second disque, «Huitième ciel », en 2002.
Amuseur pour les uns, agaceur pour les autres, il continue de faire parler de lui en 2005 avec l’album « Robots après tout ». Loin de son personnage dandy des débuts, il se tourne vers une musique pop disco électro minimaliste et amusante. Un disque concept extravagant où règnent le second degré et les sonorités dissonantes.
En 2010, il choque encore avec un nouvel album éponyme. Plus minimaliste que jamais («Bla bla bla»), l’excentrique dépasse une fois de plus les limites au risque de lasser ou de choquer. Il bouscule les codes, chante à la limite du faux et semble se moquer du monde et de lui-même. Il divise, s’expose et montre son besoin de se faire remarquer ou de plaire. Tel un insupportable petit gamin, il se déguise, régresse au stade anal et prend un malin plaisir à nous narguer dans un florilège de textes faussement débiles, enfantins, rigolos et répétitifs mais néanmoins géniaux.
Philippe Katerine est aujourd’hui devenu une icône inclassable de la chanson française. Très médiatisé et actif, adepte de l’art but, du minimalisme et du dadaïsme, il poursuit gentiment sa route parsemée de courts-métrages, de films, de duos, de reprises et de plateaux télés. Provocateur de génie, nombriliste ou escroc, qui sait ? Peu importe, cet anticonformiste sait cultiver l’art de l’énigme comme peu, ne se prend jamais au sérieux et ne laisse jamais personne indifférent !
Céline Lépinois.