Playlist et discographie : « Country Music » – Ken Burns (2019). Épisode 5 - Les enfants de l’Amérique (1964-1968)
Sommaire
Au début des années 1960, le centre de la musique country est toujours à Nashville, au Grand Ole Opry, d’où est diffusée une émission live tous les samedis. Elle est suivie par des milliers de personnes, à la radio mais aussi sur place. Cette période est celle de grands changements dans la société américaine, avec le vote du Civil Rights Act et le début de la libération sexuelle. Divers artistes marqueront ces quatre années, entre 1964 et 1968.
« Bob Wills et ses musiciens ont amené la western music, Hank Williams, le son des honky tonks du Sud, Johnny Cash, l’esprit des campagnes de l’Arkansas, Bill Monroe, le bluegrass du Kentucky, Willie Nelson, la poésie du Texas, Patsy Cline, ses complaintes de Virginie. C’était le plus beau défilé des enfants de l’Amérique. Ils se donnaient corps et âme et chantaient leurs épreuves. C’était l’âge d’or de la country. » — Marty Stuart, dans « Country Music »
Johnny Cash, les débuts de son autodestruction
En 1964, Johnny Cash continuait ses tournées incessantes dans tout le pays, tout particulièrement dans les grandes villes, où il remplissait sans peine d’immenses salles. Toujours intéressé par divers styles de musique, il se rapproche de Bob Dylan et les deux artistes deviennent amis ; l’époque est marquée par le revival folk né à Greenwich Village à New York et par de nouvelles compositions véhiculant souvent des messages de protestation.
Du côté personnel, rien ne va : Johnny Cash prend de plus en plus d’amphétamines. Il perd du poids, devient agité et nerveux. Des concerts sont annulés et il arrive en retard aux sessions d’enregistrement. En 1966, son épouse Vivian demande le divorce mais June Carter, qui vient également de divorcer, refuse ses demandes en mariage malgré l’amour qu’elle lui porte. Il est en pleine autodestruction.
Loretta Lynn et le féminisme
Loretta Lynn devient de plus en plus populaire à Nashville et écrit de nouvelles chansons, abordant des thèmes liés à la vie des femmes et à sa propre vie, y compris son mariage houleux.
« On n’invente pas ce qu’on écrit. On écrit sur la vie. Sur ce qui se passe le jour même. C’est ce que j’ai fait. J’ai écrit sur la vie. Les chansons reflètent la vie. » — Loretta Lynn, dans « Country Music »
« Don’t Come Home a-Drinkin’ » parle de ces femmes mariées qui refusent des relations sexuelles avec leur mari s’ils ont passé la soirée à boire et qu’ils rentrent ivres. C’est son premier hit et les femmes trouvent enfin une chanteuse qui parle pour elles. Peu après, elle compose un morceau qui sera controversé, « The Pill », mais qui deviendra malgré tout un hit. Cette chanson parle d’une femme qui se sent comme une poule d’élevage et dont la seule tâche est de pondre enfant sur enfant, mais si elle peut prendre la pilule, ce cycle infernal s’arrête.
Elle sort ensuite le morceau qui deviendra son plus grand succès, « Coal Miner’s Daughter », racontant son enfance pauvre.
Charley Pride, une voix noire dans un monde de Blancs
Le monde de la country était jusqu’alors très blanc, à part quelques exceptions au tout début du Grand Ole Opry. Mais à l’automne 1964, peu après la signature du Civil Rights Act interdisant la ségrégation, arrive à Nashville un artiste afro-américain à la voix profonde, Charley Pride.
« S’il a réussi dans la country, c’est grâce à sa voix. Finalement peu importait la couleur de sa peau. Il chantait tellement bien. » — Darius Rucker, dans « Country Music »
Au départ, peu de labels voulaient le signer, mais RCA prend le risque, publiant son premier disque sans mentionner sa couleur de peau. Lors de ses premiers concerts, le public est d’abord surpris mais très vite subjugué par sa voix. Il sera le premier artiste noir à atteindre la première place dans le hit-parade country.
Le son de Bakersfield, Californie, et les débuts de Merle Haggard
En Californie apparaît un nouveau son qui sera nommé « Bakersfield Sound », en réaction au « Nashville Sound ». Merle Haggard sera une des stars de ce style. Après un passage en prison (il était à San Quentin lorsque Johnny Cash y a joué), le jeune homme décide de faire carrière dans la musique plutôt que du côté du crime. Soutenu par Buck Owens, un autre musicien du Bakersfield Sound, il commence une carrière solo et séduit les auditeurs avec ses compositions (et son physique).
« Si vous me demandez ce qu’est la country, je vous dirai d’aller acheter un de ses disques. Peu importe lequel. Écoutez n’importe quelle chanson et vous saurez ce que c’est. » — Emmylou Harris, dans « Country Music »
« Sa voix était envoûtante. Ce qui interpelle le plus, c’est qu’elle chante comme on parle d’où elle vient. Dans le Tennessee de l’Est, ils parlent comme ça. » — Vince Gill, dans « Country Music »
Les débuts de Dolly Parton
Le milieu des années 1960 marque également le début de la carrière d’une autre légende de la country, Dolly Parton. Issue d’une famille pauvre qui vivait dans une masure du Tennessee sans eau courante ni électricité, elle est pleine d’ambition et décide qu’elle fera carrière à Nashville, où elle arrive en 1964. Repérée par le chanteur Porter Wagoner, elle part en tournée avec lui et enregistre des duos. Mais Wagoner veut garder le contrôle sur elle alors qu’elle est très indépendante et sait ce qu’elle veut. Elle compose alors « Just Because I’m a Woman » pour revendiquer son indépendance.
« Il pensait que j’étais une gentille fille mais je ne me laissais pas faire. Il n’était pas habitué à ça. J’avais un cerveau, moi aussi. Et je n’allais pas laisser quelqu’un décider pour moi ou faire la plante verte. » — Dolly Parton, dans « Country Music »
Johnny Cash et le concert à la prison de Folsom
Pendant ce temps, l’addiction aux amphétamines de Johnny Cash avait atteint son paroxysme. Il n’avait plus eu de succès depuis quatre ans et il était impératif qu’il trouve de l’aide. Il se soigne, avec le soutien de la famille Carter, et une fois désintoxiqué, il souhaite remettre sa carrière sur les rails. Il propose alors de jouer à la prison de Folsom, et d’enregistrer le concert. Ce sera un immense succès et June Carter acceptera enfin de l’épouser.
« Greystone Chapel », écrit par un prisonnier et traitant de rédemption
Mais un nouveau chapitre de l’histoire de la country music s’annonce.
Texte : Anne-Sophie De Sutter
Image : Porter Wagoner et Dolly Parton en 1969 (via wikicommons)