Playlist et discographie: « Country Music » – Ken Burns (2019). Épisode 6 - Will the circle be unbroken ? (1968-1972)
Sommaire
En 1968, les combats s’intensifient au Vietnam et les États-Unis sont de plus en plus divisés, le fossé entre générations s’agrandissant de jour en jour. Le monde de la country n’est pas épargné par ces divisions. Certains chanteurs poursuivent la tradition, d’autres empruntent des voies inédites, et de nouvelles personnalités apparaissent, créant un style moins commercial.
George Jones et Tammy Wynette, duo de choc de la country commerciale
« Les épreuves et les peines que George a traversées transpiraient dans sa musique. Quand il était blessé, ça se ressentait dans ses chansons. J’ai pour habitude de dire que George ne chantait pas des chansons country, mais qu’il était une chanson country. » — Brenda Lee dans « Country Music »
Né en 1931 dans une cabane en rondins du sud-est du Texas, George Jones a vécu une enfance difficile à cause d’un père alcoolique et violent. Il chante dès son plus jeune âge et, après un second divorce, il déménage en 1968 du Texas à Nashville, où il fait carrière et ouvre son propre club, le Possum Holler. À 37 ans, il est devenu une immense star.
Il y rencontre la chanteuse Tammy Wynette, dont la vie est tout aussi fragile et tumultueuse. Née au Mississippi dans une ferme de coton, et élevée par ses grands-parents, elle se marie à 17 ans et a déjà trois enfants à 23 ans, moment où elle demande le divorce. Elle chantait à la télévision locale et travaillait dans un salon de beauté. En 1966, elle déménage à Nashville avec ses enfants, espérant enregistrer un disque. Elle obtient un contrat chez Epic Records, sous la houlette du producteur Billy Sherrill. Son premier morceau, « Apartment #9 » n’est pas un succès mais avec « D I V O R C E », elle atteint le sommet des hit-parades.
George Jones et Tammy Wynette divorcent de leurs époux respectifs et se marient début 1969. Ils font dès lors carrière ensemble, égrenant les duos.
Kris Kristofferson, un vent nouveau souffle sur Nashville
Un nouveau vent souffle bientôt sur Nashville, avec l’arrivée d’un jeune compositeur dont le style est fort différent de la country commerciale qui règne à l’époque. Né au Texas, Kris Kristofferson s’intéresse très tôt à la poésie et la musique, il aimait Hank Williams et les chansons mexicaines. Après avoir obtenu un diplôme en littérature anglaise, ainsi qu’une spécialisation dans les poètes romantiques anglais à l’université d’Oxford en Grande-Bretagne, il se destinait à une carrière militaire comme son père. Il était pilote d’hélicoptère et s’était porté volontaire pour partir au Vietnam, mais il a été affecté à West Point comme instructeur. En 1965, avant de prendre son poste, il décide de passer quelques jours à Nashville. Il voit Johnny Cash sur scène et quitte l’armée, électrifié.
Les premières années sont difficiles ; il travaille comme concierge dans un studio d’enregistrement, et c’est finalement par cette voie qu’il se fera remarquer par le producteur Fred Foster. Celui-ci lui propose en 1969 d’enregistrer un premier album, qui n’aura aucun succès. Mais Foster persévère, lui suggérant le thème et le titre d’une nouvelle chanson. Ce sera « Me and Bobbie McGee » qui deviendra un tube, notamment dans la version interprétée par Janis Joplin, version qui sortira de manière posthume en 1970 après son décès par overdose.
« Kris Kristofferson est sans doute le meilleur compositeur qui soit. Pour moi, il est du niveau de Gershwin ou de n’importe quel génie. » — Willie Nelson dans « Country Music »
Kristofferson se fait un nom en tant que compositeur, mais aussi en tant que chanteur. Il attire notamment l’attention de Johnny Cash avec « Sunday Morning Coming Down », une chanson dressant le portrait d’un homme seul et malheureux qui se réveille un dimanche matin avec la gueule de bois. Cash s’identifie totalement au personnage décrit et est hanté par les paroles.
« C’est une chanson remplie de tristesse et de désolation, mais qui, étrangement, a aussi un côté plein d’espoir. » — Rodney Crowell dans « Country Music »
Au début des années 1970, les disques de Johnny Cash passent en boucle sur les radios country mais il devient aussi un héros de la contreculture. Il n’a jamais critiqué publiquement le président Nixon mais avait des idées très affirmées sur la guerre. Il a joué au Vietnam pour les soldats mais clamait aussi son opposition au conflit.
« Will the Circle Be Unbroken » du Nitty Gritty Dirt Band
Pendant l’été 1971, les soldats américains sont progressivement rappelés du Vietnam. À la même période, le Nitty Gritty Dirt Band, un groupe de musiciens chevelus californiens, s’installe à Nashville, dans un quartier à l’opposé de Music Row où est produite la country la plus commerciale. Ils ont un hit pop avec « Mr. Bojangles » mais ils cherchaient encore leur propre son. Ils jouent une musique s’apparentant au bluegrass mais qui intègre diverses influences, notamment du folk rock. Ils décident d’enregistrer un disque avec le joueur de banjo légendaire Earl Scruggs et attirent d’autres stars de la country et du bluegrass dans leur projet : Merle Travis, Doc Watson, Jimmy Martin et Vassar Clements ainsi que Maybelle Carter et Roy Acuff.
« On s’est installés dans un grand studio en cercle. Tout le monde se faisait face. La magie a opéré tout de suite. Je crois que l’idée, c’était recréer l’atmosphère d’un salon ou d’un porche. » — Jeff Hanna dans « Country Music »
Le triple album a été peu diffusé sur les radios country mais le magazine Rolling Stone l’a encensé. Des radios avant-gardistes ont commencé à le passer, et il a eu un succès certain sur les campus à travers le pays. Il sera finalement reconnu comme un des albums iconiques de l’histoire de la country.
Texte: Anne-Sophie De Sutter
Image: Kris Kristofferson, une photo de Hobie Caldwell (via flickr)