Playlist et discographie : « Country Music » – Ken Burns (2019). Épisode 2 - Hard times (1933-1945)
Sommaire
La Grande Dépression
Le second épisode de la série sur la musique country commence quatre ans après le début de la Grande Dépression. Entre 1933 et 1945, presque tous les aspects de la vie américaine sont marqués par la pauvreté et le déracinement, puis par l’entrée dans la guerre. Ces deux crises provoquent les plus grandes migrations internes dans l’histoire du pays. Mais cette période est également rythmée par des chansons country, souvent tristes. Elles véhiculent un message et créent une sorte d’unité : tout le monde est dans le même bateau, comme l’exprime Emmylou Harris au début de l’épisode.
Pendant cette période, la country music gagne en popularité. De nouvelles stars émergent et la radio prend une place prépondérante dans la diffusion des musiques.
« L’adversité et la country sont faits l’un pour l’autre. La country est faite de foi et d’espoir, même dans des chansons qui n’ont rien à voir avec ça. » — Marty Stuart dans « Country Music »
Bob Wills et le western swing
Dans les années 1930, un nouveau style qui fait danser Blancs et Noirs déferle sur le pays : le swing. Il était joué sur des cuivres, saxophones, clarinettes ou trompettes du jazz, mais dans certaines régions, la musique hillbilly prédominait et ce swing va se transformer en utilisant les instruments de la country, les violons et guitares, et en intégrant des influences locales.
Un des principaux acteurs de ce renouveau est Bob Wills, qui est né en 1905 au Texas, dans une région où vivaient beaucoup d’immigrants allemands et est-européens, des peuples ayant une grande tradition du violon. Mais la région est aussi connue pour ses musiques hispano-mexicaines. Combinant ces influences, ainsi que celles des musiques afro-américaines, Wills crée un nouveau style, le western swing.
« Il y a le style cajun, le style old-time de la Nouvelle-Angleterre, et le style canadien-français. Bob était un iconoclaste. Il avait son propre style. C’est magnifique, c’est authentique. C’est une façon de jouer purement texane qui est allée piocher un peu partout. Et c’est Bob qui l’a inventée. » — Ray Benson dans « Country Music »
Après avoir joué au sein des Light Crust Doughboys, il forme les Texas Playboys et c’est avec ce groupe qu’il crée sa marque de fabrique : chaque chanson est ponctuée d’une interjection en falsetto qui marquera les esprits. Il sera également le premier à électrifier certains instruments, comme la steel guitar, qui deviendra intimement liée au son country. La chanson « New San Antonio Rose » devient un hit, et sera suivie par bon nombre de morceaux, tous très dansants.
Roy Acuff et la country de Nashville
À la même époque, WSM, la radio de Nashville émettant chaque samedi soir le Grand Ole Opry, devient une des plus grandes du pays. Ses locaux devenant trop exigus pour enregistrer les émissions en live, elle déménage dans une salle plus grande, un auditorium construit par Thomas Ryman en 1892 et qui pouvait accueillir plus de 3000 personnes. Cet endroit marquera l’histoire de la country pour les décennies à venir. Une des premières stars à y jouer est Roy Acuff, né en 1903 dans le Tennessee. Il devient un habitué de l’émission avec son groupe, The Smoky Mountain Boys.
« Il était unique. Il savait toucher les gens. Ce n’était pas le meilleur chanteur de tous les temps, mais il savait raconter des histoires. Il savait faire passer des sentiments, et on croyait à ce qu’il chantait. À 100% » — Bill Anderson dans « Country Music »
Bill Monroe et les origines du bluegrass
Pendant les années 1930, de nombreux groupes familiaux sont apparus, des Dixon Brothers aux Callahan Brothers mais ce sont les Monroe Brothers, Charlie à la guitare et au chant et Bill aux harmonies et à la mandoline, qui marqueront le plus l’histoire. Ils forment en effet un duo au début de leur carrière, mais ayant tous les deux un caractère fort et déterminé, ils se séparent et suivent chacun leur voie. Bill forme les Blue Grass Boys avec trois autres musiciens et commence à expérimenter avec des chansons chantées plus haut pour atteindre ce qu’il appelait « un son aigu et solitaire », teinté de blues. En 1939, Monroe et son groupe jouent pour la première fois au Grand Ole Opry et étonnent par leur jeu très rapide et par leur look qui ne renvoie pas aux caricatures hillbilly. Un nouveau style est né ; il sera nommé plus tard « bluegrass ».
Les années de guerre
La Carter Family est toujours aussi populaire, et au printemps 1941, RCA Victor invite la formation à New York pour une nouvelle session d’enregistrements. La configuration du groupe a changé : Sara est partie, préférant s’occuper de sa famille et de son mari, et Maybelle a décidé d’inclure ses trois filles, Helen, June et Anita. La guerre approche, et la Carter Family enregistre « Why Do You Cry, Little Darling », une chanson qui parle d’une jeune fille triste de voir son amoureux partir à la guerre.
Pendant la guerre, de nombreux musiciens s’enrôlent, d’autres écrivent des chansons reflétant les réalités de celle-ci.
Les temps changent, des révolutions techniques donnent une autre image à la country : les radios commencent à passer des disques plutôt que de la musique live, et la télévision fait ses premiers pas. Jusqu’à la fin des années 1930, le Grand Ole Opry n’était qu’une émission parmi d’autres mais pendant la Seconde Guerre mondiale, son succès n’a fait que grandir, laissant loin derrière lui ses concurrents. Avec la fin de la guerre, de nouvelles stars apparaissent sur cette scène et le Grand Ole Opry devient l’émission phare de la musique country.
Texte : Anne-Sophie De Sutter
Crédit photo : Camp de travailleurs migrants, près de Prague, Oklahoma (1939), une photo de Russell Lee (via Library of Congress)