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Portrait : Marie-Claire Blaimont et ses ateliers d’écriture

Ateliers d'écriture - Marie Claire Blaimont
À l’heure où nos modes de vie nous éloignent des plaisirs de l'écriture, Marie-Claire Blaimont tâche de faire couler l’encre sur nos feuilles devenues trop blanches, faire circuler dans la fibre du papier la sève de nos imaginaires, voir éclore notre créativité.

C’est dans un café de la gare de Charleroi qu’elle m’a donné rendez-vous. Sans jamais l’avoir vue, je la repère en un coup d’œil, assise à une petite table ronde sur laquelle repose un café fumant. Son regard bleu est celui d’une personne attentive, sondant les alentours …

On ne peut le contester, nous sommes à Charleroi. C’est vrai, partout la gare est un endroit de passage, souvent populaire, mais ici, les gens se parlent, ils se saluent, certains stagnent sur leur chaise en attendant on ne sait pas trop quoi... Il émane une énergie difficile à décrire, pourtant propre au Pays de Charleroi. On la décèle d’ailleurs chez Marie-Claire Blaimont qui, par son allure, son franc-parler, sa personnalité attachante, semble s’être enracinée ici depuis un bout de temps. Je sens que le moment que je m’apprête à passer avec elle sera prenant.

Marie-Claire Blaimont n’est pas Carolo, elle est née au Congo belge. À quatorze ans, elle atterrit en Belgique et s’installe ensuite dans le Hainaut, par amour pour un homme de la région. Lorsqu’elle me décrit son arrivée à Charleroi, c’est comme si elle me lisait un extrait de roman. Marie-Claire Blaimont s’exprime avec aisance, ses paroles convoquent le visuel et lorsqu’elle raconte, on a envie de l’écouter.

« Je suis arrivée à 23 ans à Charleroi. J’ai eu un choc devant toutes ces usines. Mon mari m’a fait découvrir la ville en m’emmenant à la gare où nous voyions tous les ouvriers qui sortaient, des flots d’hommes et de femmes (…). Nous sommes allés au marché du dimanche et là, j’ai compris que j’étais dans une ville particulière qui ne ressemblait pas du tout à ce que j’avais connu avant. Il y avait une âme puissante et une espèce de solidarité entre les gens (…). C’est une ville qui a une âme et qui a une histoire, un passé que l’on ne peut pas nier, car même si tu n’es pas fils d’ouvrier, tu es dans ce terreau-là. ».

Depuis toute jeune, Marie-Claire Blaimont écrit. Elle s’amuse à imaginer des livres pour enfants, des nouvelles, puis se dirige naturellement vers un choix d’études qui lui permet de poursuivre dans cette voie. Elle s’inscrit à l’IHECS en option éducation permanente, avec la ferme intention de faire du journalisme culturel et social (plus que politique). Marie-Claire Blaimont s’intéresse à l’Homme...

L’humain est au cœur de son travail, il s’immisce dans chaque recoin d’une écriture pourtant variée. Dans le journal pour lequel elle travaille, il est à la base du style qu’elle a choisi (le journalisme social), elle trouve le moyen de l’aborder de diverses manières, notamment à travers une série de portraits grâce auxquels elle dit avoir trouvé son écriture.

Cette dimension sociale se retrouve également dans son premier roman « Black Lola ». L’histoire s’inspire de sa vie et décrit le tiraillement d’une jeune fille entre ses deux pays d’origine : le Congo et le Pays noir de Charleroi.

En fait, Marie-Claire Blaimont choisit l’écriture du cœur plus que celle de l’intellect. Et lorsque je lui demande l’influence qu’a pu avoir Charleroi sur ses écrits, elle répond instinctivement : « On porte tous l’âme de l’endroit où on est né. Le lieu où tu vis et les gens qui y habitent apparaissent toujours dans ton écriture. ». Là, on prend toute la mesure du lien qui l’unit à sa ville, celui qui la nourrit.

Maximilien Luce

Maximilien Luce, Hauts fourneaux à Charleroi, 1858-1941. 

À cinquante ans, Marie-Claire Blaimont se retrouve libre comme l’air, le journal pour lequel elle a tant donné vient de subir une restructuration. Le chapitre journalistique se referme mais elle n’a pas écrit son dernier mot. C’est l’occasion d’entamer une nouvelle aventure, inattendue.

L’idée de créer des ateliers d’écriture arrive avec les murmures de la ville. Rien de très enthousiasmant aux yeux de Marie-Claire Blaimont qui, à l’époque, ne connait pas grand-chose à cet univers. Au fil des formations et des expériences, cette réorientation professionnelle s’avère fructueuse et pleine de sens. L’atelier d’écriture tel que Marie-Claire Blaimont le conçoit est un outil, « une sorte de clé, qui permet d’ouvrir des portes sur qui je suis, comment je ressens les choses, comment je peux les dire et faire apparaître chez moi des dons ». Dans cette perspective, l’écriture « est un outil de prise de conscience de ce que l’on est, un outil de communication puissant pour le groupe, un moyen de laisser une trace. ».

Pour cette passionnée du mot, l’atelier a véritablement une utilité lorsque la personne entreprend une démarche introspective. Ce n’est pas simplement prendre un stylo, écrire quelques banalités sans discernement. Lorsqu’on s’inscrit aux ateliers de Marie-Claire Blaimont, il faut avoir l’envie de donner quelque chose de soi, pour soi, mais aussi pour le groupe dont l’énergie créatrice rend possible le dépassement de soi.

Ce surpassement, Marie-Claire Blaimont le propose à tout un chacun puisqu’elle dispense ses ateliers à des publics très différents. En effet, sa démarche s’inscrit souvent dans un contexte associatif,  lorsqu’elle ne reçoit pas ses participants chez elle, l’écrivaine s’associe avec des acteurs de la ville comme la bibliothèque de l’Université du Travail ou encore différentes Maisons de Quartier.

La question sociale et politique n’est jamais bien loin de ses ateliers ou de l’acte d’écriture même, tant par le contexte et la ville dans laquelle se déroule l’expérience (Marie-Claire Blaimont a longtemps travaillé en parallèle avec le milieu carcéral et en réinsertion sociale), que par les contenus qu'elle aborde. Si l’écriture peut paraître effrayante pour certain, elle devient un jeu au contact de cette Carolo d’adoption qui est capable d’adapter ses pratiques scripturales afin de les transmettre et de les faire germer dans d’autres terreaux.


Alicia Hernandez-Dispaux


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