Pouvoirs de l'horreur au féminin : 3 questions à Muriel Andrin
Muriel Andrin est
présidente de filière et enseigne au sein du Master en Écriture et analyse
cinématographiques de l’Université Libre de Bruxelles. Elle est membre des
Centres de recherches MuCiA (Musique,
Cinéma et Arts de la scène) et STRIGES (Structure de recherche
interdisciplinaire sur le genre). Sa recherche porte notamment sur la
représentation des femmes au cinéma, sur le travail des réalisatrices ainsi que
sur les variations syncrétiques entre le cinéma et l’art contemporain.
1 - Peut-on parler d’une spécificité propre au cinéma fantastique dans sa façon d’envisager et de mettre en scène des personnages féminins. Par ailleurs, distingue-t-on une typologie de rôles féminins particulièrement représentés dans ce cinéma ?
Tout dépend de la période de l'Histoire du cinéma dans laquelle on se situe. Pendant très longtemps, les personnages féminins ont été les victimes idéales (notamment au travers des "screaming queens" à la formule évocatrice) des monstres et autres tueurs des films fantastiques et d'horreur, de King Kong à Frankenstein en passant par Norman Bates. Ce stéréotype continue à être véhiculé aujourd'hui, mais entre en concurrence avec bien d'autres représentations plus combatives et transgressives».
2 - Quelles sont les évolutions les plus marquantes que l’on peut constater dans la représentation et le traitement des personnages féminins dans le cinéma fantastique et d’horreur de ces dernières années?
L'évolution de ces représentations tient à la fois à une évolution du genre cinématographique, mais aussi de la société dans laquelle il s'inscrit. Difficile de n'offrir que la vision de femmes-victimes après l'avènement des mouvements féministes dans les années 70 ou encore aujourd'hui, en pleine période post-féministe. Certaines "final girls" survivent donc à leurs agresseurs (permettant aussi les épisodes successifs de certaines franchises, comme "Halloween", "Scream" ou "Night on Elm Street") et les réalisatrices s'emparent enfin d'un genre et d'une vision de genre jusque-là très masculins...
3 - Existe-t-il des films, filmographies ou cinéastes dont le propos articule étroitement féminisme et fantastique ?
Ce n'est pas forcément le fantastique qui
articule de nouvelles représentations féminines, mais plus l'horreur.
"Grave" de Julia Ducournau sorti l'année dernière sur les écrans,
mais aussi "Prevenge" d'Aline Lowe ou "A Girl Walks Home Alone
at Night" d'Ana Lily Amirpour, un film de vampires iranien, marquent un
tournant indéniable dans le détournement des clichés et la prise de pouvoir des
personnages féminins. Le renouveau du genre d'horreur opéré aujourd'hui par les
réalisatrices offre en effet des personnages féminins mais aussi des discours
clairement ancrés dans une pensée féministe... même s'il faut parfois
confronter les intentions à ce qui est effectivement représenté !
Yannick Hustache
28/11 > 05/12 le mardi de 17h30 à 19h | PointCulture ULB Ixelles
Cet article fait partie du dossier 3 questions à....
Dans le même dossier :