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Processus créatifs et formation universitaire: les résidences d’artistes à l’UCL

Artistes en résidence à l'Université catholique de Louvain
En octobre dernier, l’Université catholique de Louvain célébrait le dixième anniversaire des résidences d’artistes et par là, rappelait l’importance d’insérer solidement la culture au sein de la formation universitaire.

Entretien avec le Pr. Ralph Dekoninck - ancien responsable de la "mineure en culture et création" et membre du conseil pour la culture à l’UCL.

La culture comme interface interdisciplinaire

Il y a un peu plus de dix ans, l’Université catholique de Louvain instaure en son sein les mineures destinées au programme de bachelier et conçues comme un ensemble de cours pensés afin que l’étudiant puisse venir compléter sa formation ou élargir son champ disciplinaire en choisissant un tout autre domaine. La mineure en culture et création est créée dans la foulée et le séminaire d’artistes en résidence, dans laquelle il s’insère, est mis en place.

Selon le Pr. Dekoninck, cette aspiration à une plus grande ouverture d’esprit prend racine dans la noble idée, fondatrice de l’Université comme institution depuis le 18ème siècle, qui conçoit avant tout la formation comme généraliste (selon laquelle le savoir dispensé doit garder une visée générale). L’Universitas, entend ainsi transcender les spécialités pour porter un discours sur l’humain et les grandes valeurs qui l’oriente. En se référant à la conception de l’Université du siècle des Lumières, la culture peut apparaître comme ciment des savoirs constitués en disciplines. L’ancien responsable de la mineure en culture et création rappelle ainsi le caractère fédérateur de la culture, dans un univers qui se dirige de plus en plus vers les niches de spécialisations en perdant de vue la formation de base. Une fenêtre ouverte sur une dimension moins conventionnelle par rapport au cadre académique, dimension qui paraît essentielle dans l’identité même de l’Université, voilà une des raisons qui a animé les fondateurs de cette mineure.

Le séminaire est un moyen pensé pour implanter cette culture au cœur du système académique. L’idée mère étant que l’étudiant, sans être forcément un artiste, puisse comprendre la démarche artistique bien distincte de celle de l’universitaire et qu’il puisse, malgré tout, en saisir les interfaces possibles. La pierre angulaire de cette approche intervient précisément au niveau du processus de création. Le séminaire permet à l’étudiant d’adopter d’autres logiques en engendrant une discussion sur la dimension universelle de la création mise à l’œuvre autant dans la démarche artistique, que dans toutes applications des savoirs. Cette vision tend à rapprocher deux secteurs souvent enfermés dans leur binarité.

La fonction éducative de l’artiste

Dans cette perspective d’insertion de la création artistique au sein de la formation des étudiants-citoyens, proposée par le séminaire, le statut de l’artiste est voué à évoluer. Plus que comme un simple acteur de notre société, il devient un référent capital, capable de toucher directement le public et de le sensibiliser à certaines problématiques fondamentales de notre société, tout en luttant contre les idées reçues d’inaccessibilité et d’incompréhension que l’art à tendance à véhiculer.

De sa position relativement isolée, l’artiste est alors investi du rôle d’éducateur. Il interroge les étudiants par un autre biais que ne le font les scientifiques, en posant une construction du savoir et une vision du monde bien distinctes, pas seulement sur des questions esthétiques ou de beauté, mais également sur des questions de positionnement vis-à-vis des débats actuels par lesquels l’artiste est forcément mobilisé. En ce sens, Ralph Dekoninck parle de la résidence comme « d’un regard décalé que les élèves peuvent nourrir de leurs questionnements plus classiquement universitaires ». Le séminaire a en vue d’ « en faire de meilleurs citoyens et peut-être aussi de meilleurs professionnels, capables de développer une palette plus riche de réponses à des enjeux contemporains ».

La Ministre Alda Greoli a, elle aussi, mis en lumière cette nécessité de propager la culture à tous les niveaux de la formation en développant un parcours d’éducation culturelle et artistique. Selon Ralph Dekoninck, cette initiative est du pain béni pour l’évolution de la dimension culturelle au sein de l’Université. Plus tôt l’étudiant bénéficie d’une formation culturelle, au mieux l’Université peut capitaliser sur cette culture que l’étudiant acquiert au contact des artistes et de l’œuvre d’art sous toutes ses formes.

Cependant, le Pr. Dekoninck relève la baisse de régime qui se fait sentir depuis quelques années au sein de la mineure en culture et création. Selon lui, il se pourrait que ce genre de programme soit menacé, dans un système de pensée qui privilégie la spécialisation à la généralisation des savoirs.

Un renversement des schémas mentaux selon lequel on considèrerait le processus créatif et donc pratique, comme base de tout développement individuel et collectif est-il encore possible ? Si tant est que cela soit avéré et au prétexte que la culture est un luxe, on pourrait ainsi rétorquer que l’apport culturel, nécessité sociétale vitale, est constitutif de tout savoir vivre ensemble.


Alicia Hernandez-Dispaux

photo: (c) site UCL

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