Rencontre en images avec Dany Danino
La main qui est ralentie chez moi ne fait pas la virtuosité. La main qui est ralentie chez moi, choisit des sujets qui ralentissent, qui compliquent, qui amènent la tension et la distension. — Dany Danino
PointCulture est allé à la rencontre de Dany Danino, artiste plasticien, graveur, dessinateur et professeur de gravure à l’Académie Constantin Meunier. Il présentera prochainement sa série des gueules cassées à la Maison des Arts de Schaerbeek. L’exposition rassemblera plusieurs artistes belges autour de la question de la réparation, une thématique liée à l’histoire récente de la Maison des Arts qui réouvre ses portes après une année de rénovation.
Image 1. Les gueules cassées
Ils sont là, posés sur une ancienne cheminée, subtil rappel d’un jalon de l’histoire de celui qui les a dessiné (il y a plusieurs années, Dany Danino a été brûlé aux deuxième et troisième degrés au visage et aux mains lors d’un incendie). Ce sont des visages meurtris, encrés sur des chutes de passe-partout qui ont jauni avec le temps. Ils sont là, placés devant un grand miroir et nous observent..
Image 2. Lignes/formes
Tout comme les traits au Bic bleu qui, s’ils ont façonné ce visage, l’ont également fait disparaître, on ne sait si les ciseaux chirurgicaux plantés dans la face achèvent le massacre ou commencent tout juste le travail de reconstruction ? Tandis que la forme devient informe, le regard tente vainement de redonner une cohérence à cette surcharge de lignes entremêlées. Et lorsqu’on croit l’avoir saisi, ce visage nous échappe, comme celui qui nous appartient finalement, nous voilà plongé à nouveau dans la densité du tracé, à la recherche d’un semblant.
La naissance et la disparition ont quelque chose de similaire dans la constitution et dans la désagrégation des formes, même si l’une part d’une essence vitale, et que l’autre va plutôt vers une dévitalisation. — Dany Danino
Image 3. Identité
Du grec « prosôpon » - ce que l’on représente à la vue d’autrui -, le visage est vraisemblablement nécessaire d’un point de vue social, il nous met en relation avec les autres. Quand le visage s’additionne de traits nouveaux ou se voit dépourvu de ceux qui le singularisaient, lorsqu’il perd sa ressemblance, c’est toute notre identité qui est ébranlée. Parallèlement, les gueules cassées viennent secouer l’être humain dans sa dimension universelle. Face à la barbarie humaine, de nouvelles préoccupations apparaissent, entrainant inévitablement des répercussions dans l’histoire de l’art. Comment représenter un visage et, plus largement, une humanité dans lesquels les artistes ne se reconnaissent plus ?
Ici, Dany Danino fait le choix de représenter leur visage dans le moindre détail, allant jusqu’à le faire disparaître par saturation. Est-ce la technique, le format ou encore la couleur qui nous permettent de prendre de la distance et rendent ces visages regardables et presque beaux ?
Image 4. Réparation
Dany Danino n’a pas choisi son sujet au hasard. Son œuvre est parsemée de visages et de crânes qui évoquent la vanité et révèlent un questionnement permanent sur la vie et la mort, le côté fugace et dérisoire de l’existence.
Finalement, dans la mesure où il se définit comme un artiste plasticien (au sens où il s’intéresse à la notion du beau) et grâce à une sensibilité attachée à son vécu, Dany Danino, à travers cette série, répare en quelque sorte la mémoire des soldats qu'il dessine en parvenant à extraire leur beauté et en réaffirmant leur identité.
Texte et photographies : Alicia Hernandez-Dispaux
Photographie de bannière : Dany Danino, Les gueules cassées. ©Alicia Hernandez-Dispaux
Site Web de l’artiste : http://www.danydanino.be/
Dany Danino expose au sein de l’exposition
Réparation
Jusqu'au dimanche 28 avril
(du lundi au vendredi de 9h à 17h)
Maison des Arts
147 Chaussée de Haecht
1030 Schaerbeek