Rencontre en images avec Nathalie Vande Velde
1. Vue d'ensemble
Suspendues au mur telles des peintures, les boîtes que nous présente Nathalie Vande Velde ressemblent à un joyeux festival d’objets en tout genre que l’on devine au loin, que l’on reconnait au premier coup d’œil ou, au contraire, que l’on découvre pour la première fois sans savoir leur utilité. C’est un ensemble aux allures de cabinet de curiosité (précurseurs des musées tels que nous les connaissons aujourd’hui).
Lorsqu’on s’approche, les objets se dévoilent. Usés, récupérés et assemblés avec d’autres, leur existence passée coexiste avec leur nouvelle vie qu’un changement de statut a rendu possible. D’objets fonctionnels, ils sont devenus objets d’art.
Parallèlement, c’est aussi le reflet d’un positionnement de l’artiste, de placer son travail dans une certaine écologie de la production au cœur d’un monde saturé d’images et d’objets.
Qu'il s'agisse des vestiges ou du corps d'autrui, la question est de savoir comment un objet dans l'espace peut devenir la trace parlante d'une existence, comment inversement une intention, une pensée, un projet peuvent se détacher du sujet personnel et devenir visibles hors de lui dans son corps, dans le milieu qu'il se construit. — Maurice Merleau-Ponty
2. L'objet et le sujet
Chaque boîte possède un univers qui lui est propre. Le mur qui les accueille rassemble pourtant des histoires nées d’une même réflexion qui pose la question du genre. Ici, le couple que l’on peut imaginer « jeunes mariés » s’inscrit dans la lignée d’un mode de pensée conventionnel. Difficile de passer entre les mailles du tamis de la tradition catholique...
La Vierge à l’enfant nous donne quelques indices sur le terreau dans lequel a grandi l’artiste. En effet, les objets ne sont jamais choisis au hasard. S’ils ont été sélectionnés, c’est parce qu’ils l'ont touchée. C’est sans doute l’essence du travail de Nathalie Vande Velde, cette rencontre entre un objet et un sujet pour ensuite, entamer un cheminement conduisant à révéler, à travers l’objet, quelque chose du sujet qui l’observe, que ce soit par rapport à son histoire personnelle ou plus largement, par rapport à la condition humaine.
3. Stéréotypes de genre
Une poupée, des gants, un thermomètre de bain, des rubans, de la dentelle et, submergée dans cet univers féminin, une photo d’une adolescente qui s’apparente déjà à une dame. Son regard est presque vide, il est tourné vers ce qui semble être un avenir, le sien. Peut-être se questionne-t-elle sur le moyen d’échapper à cet horizon tout tracé ? Pour le coup, le message est sans équivoque. Nathalie Vande Velde dresse un triste constat sur le destin des femmes au sein de la société occidentale.
Au centre, c’est une association d’objets aux connotations masculines cette fois, mais toujours profondément baignée dans une vision stéréotypée du genre. Coincé dans ce qui pourrait être son premier costume, le jeune communiant qui tient dans ses mains un missel n’est pourtant qu’un enfant. Le Christ est décrucifié, les clous attendent, la croix est libre, prête à accueillir un nouveau martyr.
4. La Sauvageonne
La Sauvageonne, c’est le titre de la boîte où ont été entreposés des éléments végétaux autour de la photographie d’une jeune femme en jupe, perchée dans un arbre. Le titre, qui n'est jamais bien loin, a la faculté d’orienter la lecture de l’œuvre. Le joyeux souvenir d’une photographie comme on pourrait en trouver dans le grenier de notre grand-mère est teinté d’une nouvelle coloration, moins douce, plus amère. La pomme de pin suspendue telle l’épée de Damoclès au-dessus d’une image qui évoque la liberté, rappelle aussi par sa forme phallique le poids que la société patriarcale fait reposer sur les épaules de chacune d’entre nous.
5. La beauté est un piège
Cette boite-valise est sublime par son côté esthétique et tout aussi effrayante par le souvenir qu’elle réveille. De fait, le titre La Loi du plus fort donne le ton. Un homme blanc parmi les hommes noirs, des statuettes religieuses à côté d’un chapelet, c’est l’histoire de la colonisation qui nous est ici racontée et si la beauté transparaît de prime abord, quelque chose dérange.
« La beauté est un piège », nous dit Nathalie Vande Velde. C’est la raison pour laquelle elle a choisi de travailler à partir de rebuts. Un défi que de rendre esthétique ce qui a été mis de côté et dévalorisé, bien que l’artiste s’intéresse moins à la beauté de ses assemblages qu’au pouvoir qu’ils ont de nous questionner.
Finalement, Nathalie Vande Velde nous propose une appréhension par l’intellect, tout comme elle nous laisse voyager vers une réception plus sensorielle de son travail. Après tout, comme elle le rappelle, « ces objets, ces photographies, sont des supports pour une rêverie ».
Texte et photographies : Alicia Hernandez-Dispaux
Site web de l’artiste : http://www.nathalievandevelde.net/