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Représentation de la nature dans la musique médiévale

Représentation de la nature dans la musique médiévale
Dans la musique médiévale, la nature revient au galop, mais pas seulement... Une analyse de Jacques Ledune.

Sommaire

Ayant fait sien l’héritage antique  au travers de Boèce et Saint-Augustin, la musique du Moyen-Âge nourrit avec la nature un rapport plus théorique qu’imitatif. Le christianisme, de surcroit, n’encourage guère tout ce qui pourrait rappeler les pratiques incantatoires païennes. Pendant cette longue période médiévale, la nature n’en réussira pas moins à féconder l’inspiration musicale, soit par le biais de la poésie, soit par l’universalité de ses modèles rythmiques et mélodiques.

Gaston Phébus, Livre de chasse, France, début du XVème siècle, Paris, BNF, Département des Manuscrits, Français 616, fol.24v

Au milieu du 12ème siècle et quelques décennies avant Saint-François d’Assise, l’abbesse Hildegard Von Bingen lève la méfiance envers une nature encore associée au paganisme; en musique comme en médecine, ses deux domaines d’excellence, elle prend la nature pour modèle en se fondant sur des relations analogiques. La musique et la nature permettent de retrouver l’unité paradisiaque originelle. A la suite de Plotin et Saint-Augustin, Hildegarde Von Bingen revendique ainsi une conception non dualiste du monde.


Qu’elle soit profane ou religieuse, la musique du Moyen-Âge ne cherche pas à imiter les grands phénomènes de la nature; l’orchestre, avec sa puissante palette d’expression, n’a pas encore vu le jour.  L’évocation de la nature n’est pas absente pour autant ; elle passe par le thème, le texte poétique, des fragments mélodiques imitatifs, proche de l’onomatopée, le tout soumis à des rythmes et répétitions qui renvoient aux sons cycliques de la nature.


Au Moyen-Âge,  les animaux sont souvent des représentations allégoriques des qualités ou défauts humains. Sous cet aspect, le Roman de Fauvel, véritable dénonciation politique au 14ème siècle, demeure l’exemple le plus célèbre,  mais sur le plan de l’imitation musicale, c’est la chanson « Par mentes foys », du même 14ème siècle,  qui retient l’attention; l’allégorie et la description se combinent dans un dialogue entre le rossignol, symbole de pureté et d’amour,  et le coucou, symbole de la trahison.


Le premier canon composé, et qui nous soit parvenu, est une imitation du coucou. Le chant s'intitule "Sumer in Icumen in" et fut composé au 13ème siècle en Angleterre. Plus qu'un simple canon, c'est-à-dire répétition d'un même thème en décalage, ce chant présente une complexité harmonique et polyphonique surprenante pour l'époque ; le chant du coucou fait plus ici qu'intermeller la sensibilité, il est générateur de créativité.


Chez les troubadours, la puissance évocatrice est portée par le texte poétique, la musique servant surtout à créer un fond atmosphérique. Le chant « En ma forest » par exemple, n’est que vaguement imitatif mais, par le ressenti, le calme et quelques allusions champêtres, il nous installe au cœur de la nature.   La quête du lieu paradisiaque, le « locus amoenus » de l’Antiquité,  hante la poésie du Moyen-Âge. L’expression « locus amoenus » signifie « lieu agréable » ; elle est le plus souvent associée à l’Eden biblique. Au 7ème siècle, Isidore de Séville, dans son Encyclopédie Etymologique, définit le Locus Amoenus comme « un lieu naturel non exploité économiquement, servant au seul plaisir et à l’amour ».

 

Jacques Ledune