Reynols / Alan Courtis: trisomiques de tous les pays, unissez vous ! (par la musique)
Du moins c’est comme ça que Miguel Tomasin s’est présenté à Alan Courtis en 1993. Sautant sur cette rencontre inespérée – et accompagnés de Roberto et Patricio Conlazo – ils créent The Burt Reynolds Assembly. Ce « meilleur batteur du monde » qui s’autoproclamera également « gourou d’une secte sans adeptes », deviendra non seulement le batteur, mais aussi le chanteur et le leader du groupe.
En 1996 Le quatuor change de nom pour des questions juridiques et s’appellera désormais Reynols.
La créativité et la totale liberté d’expression du groupe donnèrent naissance à des cassettes vierges, une symphonie pour 10.000 poulets, de la musique dématérialisée sous la forme d’un boitier vide, un concert pour les insectes et les plantes d’un parc de Buenos Aires... — -
Sans oublier une action de guérilla urbaine sous la forme d’un concert improvisé dans la rue avec des guitares branchées dans des citrouilles… – ainsi qu’une impressionnante discographie. Les Reynols traineront leur imaginaire sonore et cosmique aux États-Unis, en Europe et en Asie et croiseront le chemin de l’accordéoniste Pauline Oliveros et du guitariste Thurston Moore (Sonic Youth) par exemple.
Il ne s’agit pas – absolument pas – d’un atelier protégé qui aurait trouvé un filon ou mieux marché que les autres. Alan Courtis et Roberto Conlazo étaient à l’affut de chacune des idées de Miguel et font partie de ceux qui ne considèrent pas une personne atteinte du syndrome de Down comme une personne handicapée mais, au contraire, comme une personne libre au niveau de ses émotions, sa franchise et de sa créativité.
En 2005 le groupe considèrera avoir fait le tour de la question et splittera. Les quatre musiciens se retrouveront néanmoins pour l’une ou l’autre intervention sous d’autres noms.Alan Courtis quant à lui, continuera d’animer un atelier de pratiques sonores avec des personnes handicapées à Buenos Aires et partout dans le monde. Même s’il a étudié la guitare classique, le piano et la composition, les artistes issus du monde du handicap mental resteront pour lui une source d’inspiration constante et l’occasion de se confronter à un imaginaire créatif spontané et sans limite. Lorsque le PointCulture de Liège organisa une rencontre entre Alan Courtis et l’atelier musical du Créahm , il parla des participants comme des musiciens à part entière – avec leur sensibilité, leur technique et leur touché.
Buenos Aires comme toute les métropoles, regorge d’artistes évoluant dans une subculture qui échappe aux codes et à la logique du marché. Alan Courtis et Reynols ne sont que quelques individus parmi tant d’autres qui font résonner la ville depuis ces lieux qui défendent la transversalité artistique. L’identité d’une ville passe aussi par là.
Henri Gonay
Le documentaire Buscando a Reynols en entier (72 min) :
Cet article fait partie du dossier Buenos Aires.
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