Roots & Roses 2019 ! Culture et dépendances !
Sommaire
Putain ! 10 ans !
Organisateur du Roots & Roses et directeur du Centre culturel René Magritte à Lessines, Fred Maréchal (bien épaulé depuis les tout débuts par sa compagne Myriam) résume en quelques phrases la philosophie de la programmation musicale du festival :
Le fil rouge des groupes et artistes présents au R&R est dans le lien qu’ils entretiennent avec le blues. On fait rarement du blues pur et dur, sauf, par exemple, Tony Joe White, tête d’affiche l’an dernier, mais plutôt dans les dérivés du blues : rock garage, bluegrass, americana. On doit bien reconnaitre que le blues n’existe plus trop et qu’on a aussi l’envie de proposer des choses qui sont en lien avec l’actualité. » — Fred Maréchal
Dix ans de Roots & Roses donc, fixé par tradition un premier mai – « une date bien pratique parce qu’il y a d’autres festivals similaires en Europe à cette période, et pas mal de musiciens en tournée », selon Fred – qui donne le « la » de début de la saison des grands rendez-vous musicaux, tout en ne dérogeant pas à sa formule : un jour/ deux scènes. Petit détail historique : avant le Roots & Roses, Fred Maréchal avait éprouvé, dix années durant et jusqu’en 2003, une formule relativement similaire dans le Brabant wallon, à Louvain-la-Neuve puis à Court-Saint-Étienne, sous le nom de Boogie Town Festival.
L’idée de remonter un événement, mais en mieux, est revenue peu après la nomination de Fred en tant que directeur du Centre culturel René Magritte à Lessines (Wallonie picarde). Le Roots & Roses est désormais un festival d’importance moyenne – autour de 4000 personnes, venues aussi bien des Flandres toutes proches et de Wallonie, que de France, d’Allemagne et même d’Angleterre. Un camping gratuit est d’ailleurs mis à leur disposition dès la veille du festival. « On a encore une petite marge de progression, sinon, on doit changer notre manière de faire, mais on a vraiment fidélisé un public, qui déjà achète ses places dès que les tickets sont en vente, avant même d’avoir annoncé un seul nom ! » remarque Fred.
Pas mal pour un paysage festivalier belge hyper-dense, varié, et où la concurrence intra et extra-frontalière est rude, où il faut s’y prendre de très bonne heure pour espérer boucler une affiche qui tienne la route et fasse envie. « On commence à préparer le festival de plus en plus tôt. Là, on a déjà fait les premières offres pour l’édition 2020. L’affiche complète a été annoncée dès janvier (2019) ! » constate l’organisateur
Line-up
Treize noms répartis sur deux scènes nommées Roots et Roses (…) pour une fête du travail plutôt bien saturée côté décibels donc, entre franches ruades électrifiées et relatives éclaircies acoustiques, mais toujours fondamentalement reliés au dispositif iconique rock/blues/folk de base : guitare(s)/basse/batterie…
Ce sont les Louviérois de Dr Voy qui essuieront les plâtres avec un bon vieux rock’n'roll pur et dur ! Ils seront suivis d’Everyone Is Guilty, un trio liégeois qui pratique une americana roots sans frontière ! Une exclusivité pour suivre avec The Goon Mat & Lord Benardo, un binôme constitué d’un homme-orchestre accompagné d’un harmoniciste fou. Blues boogie retors vs. garage primitif au menu, avec en primeur pour le public déjà présent l’hymne Roots & Roses composé par Fred Lani. Un second duo brésilo-danois ensuite avec The Courettes et son rock garage tout aussi enlevé. On vire au Canada le temps d’un bon country-rock avec The Sadies, avant de revenir sur le vieux continent le temps d’un supergroupe italien basé à Milan Calibro 35, qui pratique un rock psyché & groovy mâtiné de funk et de clins d’œil cinématographiques. Ne vous fiez pas à leur nom mais The Devil Makes Three sont bel et bien un duo, façon bluegrass/old time blues/ragtime de Baltimore. Autres Américains, Endless Boogie mouline un heavy rock têtu & psyché sur des titres aux chronos très libres ! Tête d’affiche de l’édition 2015, Woven Hand est forcément de la fête pour la 10ème ! Autre habitué du lieu et champion en nombre de visites, Jon Spencer, après les Blues Explosion (2012) et Heavy Trash (2016), vient présenter ses HITmakers, aux relents déconstructivistes ! À l’opposé, Kitty, Daisy & Lewis joue davantage sur les charmes d’une musique désuète et qui aime à remuer les cœurs brisés. Déjà programmés à leur débuts Black Box Revelation est la preuve vivante qu’il ne faut pas être plus de deux pour balancer un rock burné, mélodique mas sans (trop de) traces de gras. Enfin le Roots & Roses se terminera avec C.W. Stoneking et son blues 100% vintage !
Malbouffe ?!
S’il fallait une seconde définition pour ce festival, qui n’est finalement que celui où les organisateurs auraient toujours voulu aller, avec du confort, de l’espace et une vraie proposition de restauration de qualité, tant du point de vue solide que liquide, ce serait celle-ci :
Un festival d’artisans fait par des gens. — Fred Maréchal
Depuis le début, le festival travaille avec des fournisseurs et produits locaux de qualité, de la région (même le riz !), et/ou bio. Et tout est fabriqué par des cuisiniers maison (une cinquantaine !) constate Fred, qui note un changement de mentalité chez les aficionados du R&R. Il y a 10 ans, le rockeur de base n’aurait pas trop compris la démarche mais il était déjà prêt à payer pour une nourriture de qualité et de bonnes vraies bières locales. Et ça marche, avec ses cinq stands « bouffe » mondialisés (Japon, Cambodge, Italie, Japon, île Maurice et Belgique), le R&R consomme 60% de nourriture en plus qu’un festival similaire !
Et Fred d’insister : « On est dans un projet Interreg appelé DEMO qui regroupe 11 opérateurs culturels qui réfléchissent à comment améliorer en matière d’évènements culturels les performances en écologie et développement durable, accueil des personnes à mobilité réduite avec des itinéraires balisés, etc. »
La culture comme vecteur de développement.
Morceau de choix dans la programmation actuelle du Centre culturel René Magritte, le Roots & Roses a pourtant presque débuté par hasard ! Alors qu’aujourd’hui, la seule cellule musique occupe l'équivalent de deux temps pleins et demi sur les onze que compte le C.C., mais tout le monde est sur le pont de l’organisation au moment du festival !
À noter que sur l’agenda du Centre culturel René Magritte sont inscrits pas moins de trois festivals par an ! Outre le R&R le 1er mai, le C.C. organise les Sons intensifs, un festival de musique de chambre et de gastronomie, sis dans le cadre majestueux de l’Hôpital Notre-Dame à la Rose en août, et un festival d’art de la rue en septembre !
Pour une petite ville qui a bien souffert de la désertification industrielle, Lessines a clairement aujourd’hui opté pour une reconversion avec le tourisme et la culture comme vecteurs de développement. Outre l’Hôpital Notre-Dame à la Rose, l’ex-cité des carrières mise sur un centre culturel fort, et qui vient d’ailleurs de se doter d’une nouvelle salle de concert polyvalente de 450 places et d'un théâtre de 200 places assises !
Yannick Hustache
photo du bandeau : Jon Spencer & the HITmakers (photo de presse)