Sacred Bones Records un label à se flinguer les oreilles !
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Fondé en 2007 à Brooklyn (New York) par le dénommé Caleb Braaten, disquaire de son état, Sacred Bones (littéralement os sacrés) est sans aucun doute l’un des labels qui a fait le plus parler de lui ces dernières années au sein du paysage rock indé. Il est plutôt rare de constater que le très pointu mensuel musical anglais The Wire et le plus pragmatique hebdo américain Billboard (magazine consacré à l’industrie du disque U.S.) ont, pour une fois adopté une position commune en 2011 en lui reconnaissant le titre de « meilleur label ». Titre qui en son temps a échu à des labels tels que Factory, Touch & Go, 4AD, modèles de réussite artistique avoués pour Braaten. La petite société emploie aujourd’hui huit personnes (patron inclus) et fait feu de tout bois en sortant aussi bien des 7 inches (45 tours), des EP que des CD et LP d’artistes en activité, que de rééditions d’albums devenus introuvables. Dernièrement, SB, a profité de l’aubaine d’un remix de Zola Jesus (distribué en Europe via un autre label) par David Lynch pour obtenir l’autorisation de republier la B.O. de son premier film Eraserhead. Et au menu des productions un peu à part figure une compil des travaux de The Cultural Decay, premier groupe du Belge Luc Van Acker (futur Revolting Cocks, Anna Domino…) !
Sans l’imposer aux groupes et artistes qui travaillent avec lui, le label a adopté une charte graphique immédiatement identifiable et commune à la plupart de ses sorties. En haut à gauche, le logo/symbole représentant un serpent/dragon qui se mange la queue, la tête tournée vers la droite, enroulé autour d’un triangle équilatéral ou d’une pyramide. Au niveau symbolique, ce signe est le plus souvent associé à l’image d’une nature qui perpétue son cycle indéfiniment. Le triangle présentant une infinité de significations symboliques parfois contradictoires selon les cultures, on pourrait faire l’hypothèse que c’est dans une lecture en tant qu’élément de stabilité qu’on cherchera, sans trop insister, le (bon) sens. Et de là tirer la conclusion logique d’une triple association intitulé/serpent/triangle qui reflète en quelque sorte la philosophie maison: perpétuer l’esprit d’un certain rock pas encore tout à fait prêt à disparaître ! Dans le coin supérieur droit s’affiche le nom du groupe en caractères gras, Juste en dessous, le titre du disque dans une police légèrement moins grande, et placé encore en-dessous, l’année de sortie dudit album. Ces quelques infos, placées dans le quart supérieur des pochettes sont à chaque fois bien séparées des motifs graphiques choisis (photo, dessins…), motifs qui semblent préférer le noir et blanc aux couleurs. Enfin, remarquable de sobriété, le dos reprend en petits caractères ces même renseignements, le logo du label, augmentés des titres des morceaux et du matricule commercial, consigné dans une étroite bande verticale.
Le label est distribué exclusivement par le cartel Secretly Canadian (dont Here We go Magic est la récente et remarquable dernière sortie) sur le sol américain et une partie de ses artistes sort en Europe via d’autres labels. A ce titre, Zola Jesus, dont les deux derniers disques constituent les deux plus gros tirages de S.B. aux U.S.A. paraît chez Souterrain Transmissions, fondé par d’anciens employés de chez Touch & Go…
Sacred Bones propose évidement un catalogue varié et sans doublon notable, mais on peut sans trop d’efforts de mémoire tirer quelques grandes lignes de forces qui immanquablement conduisent à quelques marottes musicales : The Velvet Underground, The Birthday Party (1er groupe notoire d’un certain Nick Cave), Suicide, Spacemen 3, Joy Division, Sonic Youth Hüsker Dü… Du psyché, du garage ténébreux, du post-punk, du shoegaze, du blues hanté, des synthés bricolés et contrariés, du gothique « vintage », les sous-genres s’y côtoient, s’y bousculent et s’hybrident souvent pour le meilleur, même si l’écurie ne semble pas encore avoir déniché la perle qui marquerait le début de quelque chose, (le nouvel Animal Collective par ex), les prémices d’une ère musicale nouvelle (qui n’existe peut-être pas), pour se « contenter » d’un catalogue de fortes personnalités et au pedigree certes lisible mais parfaitement raccords à l’époque où ils vivent. L’érudition classieuse en lieu et place de la nostalgie, c’est presque un péché de nos jours…
YH.