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Séries Mania 2021 : quand la fiction nous regarde

We Are Lady Parts
Pour sa troisième édition lilloise, le festival Séries Mania, entièrement dédié aux séries, a proposé à son public 120 projections gratuites de plus de 60 séries. Le concept est simple et attrayant : visionner ensemble, en salle, des épisodes inédits de séries venues du monde entier. Rencontres, ateliers et conférences viennent enrichir la programmation.

Sommaire

Du côté des séries

L’offre est foisonnante, impossible de tout voir en une semaine : il a donc fallu faire des choix. Cette année, Séries Mania proposait un focus sur le stand up, mais la programmation était globalement variée, avec des séries de différents formats, des productions à succès (La Casa de Papel, Les Petits meurtres d’Agatha Christie, dont de nouveaux épisodes encore inédits étaient proposés en avant-première) aux premières séries.

La comédie était l’invitée, mais les autres genres n’étaient pas en reste : du côté francophone, on retiendra notamment Bête Noire, une série québécoise qui traite du délicat sujet des tueries de masse dans les établissements scolaires en adoptant cette fois le point de vue de la famille du tueur. Furia, thriller germano-norvégien, s’intéresse pour sa part à la radicalisation d’extrême droite : malgré une réalisation et des personnages parfois un peu convenus, l’excellente maîtrise du suspense et le sujet traité en font une série dont on attend avec impatience la suite.

Mon coup de cœur est sans aucun doute We are Lady Parts, une série britannique qui suit un groupe de punk féminin, dont les protagonistes jonglent entre la musique, leur foi, leur vie professionnelle et amoureuse. La série ne manque pas d’humour et la bande originale est décapante : on est pile dans ce que l’on pourrait qualifier de série feel good et intelligente. De manière générale, les séries proposées font la part belle aux rôles féminins forts : l’un des meilleurs exemples de cette édition est probablement la série danoise Kamikaze, portée par son actrice principale, Marie Reuther, qui interprète Julie, une adolescente de 18 ans influente et populaire, dont toute la famille meurt dans un crash d’avion. À elle seule, Marie Reuther porte la série, qui parle de mort, de deuil, de solitude sur fond d’images pop et sans jamais sombrer dans le mélo. Les annonces faites lors du Forum concernant les séries belges récemment sorties ou en cours de production vont dans ce sens : plusieurs séries donnent aux personnages féminins mais aussi aux autrices la possibilité de s’exprimer (Attraction, en cours de production et Pandore, déjà disponible, sont par exemple des projets menés majoritairement par des femmes).

Kamikaze - profile pictures

Marie Reuther dans Kamikaze - (c) Profile Pictures

Les conférences

Au-delà des séries, l’intérêt du festival est qu’il propose à son public de nombreuses activités qui enrichissent l’expérience de visionnage : rencontres, dédicaces, ateliers et surtout, le plus intéressant à mon sens, conférences.

Ce sont sans conteste les conférences de Tania de Montaigne et de Delphine Horvilleur qui ont le plus apporté à mon expérience du festival : dans sa conférence intitulée “La diversité est-elle soluble dans les séries françaises”, la journaliste et femme de lettres Tania de Montaigne a questionné avec l’aide du public, la notion de diversité, ce qu’elle comprend, ce qu’elle recouvre et ce qu’elle peine finalement à définir. Extraits à l’appui, elle a retracé en l’espace d’une heure et demi l’histoire et les évolutions de la représentation des personnes noires, handicapées, etc. à l’écran, de Bonne Nuit les petits à Special, offrant un regard critique et des outils pour mieux comprendre comment, dans les séries, nous représentons et percevons l’altérité.

Le lendemain, c’est la rabbine Delphine Horvilleur qui a embarqué avec elle pendant une heure son public. À la question “La Bible, le meilleur des scénarios ?”, elle commence à répondre à partir des conseils donnés aux jeunes scénaristes trouvés au cours de ses lectures, pour poursuivre avec des exemples d’épisodes bibliques dont les mécanismes narratifs se rapprochent sans équivoque de ceux des séries : Le sacrifice d’Isaac pourrait alors être vus comme un “cliffhanger”, et les plaies d’Égypte comme une impressionnante cascade d’effets spéciaux. C’est probablement la conclusion de cette conférence qui donne le plus à réfléchir : pour Delphine Horvilleur, la similitude principale entre la Bible et le monde du cinéma et des séries, c’est l’éclipse du féminin qui hante le scénario.

Avec pédagogie et humour, Tania de Montaigne et Delphine Horvilleur ont donc apporté un éclairage nouveau sur des thématiques transversales à bon nombre de séries présentées lors de cette édition de Series Mania. — -

C’est probablement cet apport critique que j’ai trouvé le plus intéressant, enrichissant et original dans le cadre d’un festival de séries destiné au grand public.

L’offre éducative

Autre point fort du festival : son offre éducative. Tout au long du festival, divers ateliers tout-public courts ou longs, avec ou sans inscription, sont proposés gratuitement. Cette année, il était par exemple possible de créer un diorama autour de l’univers d’une série, de s’initier à la stop motion ou au doublage, mais aussi de faire un détournement de série ou de s’essayer à l’écriture de scénario.

series mania ateliers - photo Gael Leitao

un atelier de Séries Mania - photo Gael Leitao

Au-delà du temps du festival, le pôle de l’action éducative propose toute l’année des actions pédagogiques à propos des séries : projection-débat autour de séries telles que Parlement ou l’excellente série québécoise M’entends-tu ? ateliers pratiques, conférences, expositions itinérantes. Sur le temps du festival, il est possible pour les enseignant.e.s d’emmener leur classe au festival, d’assister à des projections, de rencontrer des professionnel.les de l’univers des séries. La diversité de ces propositions donne l’occasion aux enseignant.e.s et éducateur.ices d’aborder l’éducation à l’image à partir de l’univers des séries, qui rencontre un large succès et est aisément accessible à tou.te.s.

Des formats originaux

Malheureusement beaucoup moins mises en avant, deux catégories de programme disponibles en ligne sur la plateforme digitale du festival ont retenu mon attention : les formats courts et les séries audios.

Du côté des formats courts (qui regroupe des séries dont les épisodes durent moins de 15 minutes), on retiendra notamment Happiness, la prochaine série d’Arte à suivre, qui suit le roadtrip de 4 jeunes à travers l’Iran.

Pour les audiophiles, la sélection était variée et attrayante : on y retrouvait par exemple les productions de France Culture Projet Orloff et Les disparus de Bas-Vourlans, mais aussi Dianké, une fiction produite par rfi qui suit l’entrée en politique d’une jeune femme ou, dans un registre totalement différent, Les chemins de Désir, produite par ArteRadio, qui explore les chemins du désir féminin, en partant des avancées technologiques (Internet, les forums, etc.).

La quasi-totalité des podcasts présentés sur la plateforme du festival sont encore disponible via les applications de podcast ou les sites des différentes radios qui les ont produits. On salue en tout cas l’ouverture à ces formats audio qui font de plus en plus d’adeptes. — -

Habituellement programmé au printemps (exception faite de cette édition 2021, décalée en raison de la crise sanitaire), le festival Séries Mania reprendra dès 2022 son rythme habituel : la prochaine édition aura donc lieu en Mars 2022.

https://seriesmania.com/

Marion De Ruyter

Photo de bannière : We Are Lady Parts (c) Peacock Originals

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