Smart Cities, un 'mégatrend', des modèles à inventer
Plus que jamais les villes, à croissance démographique et densification urbaine en constante expansion, sont confrontées à des défis qui impliquent des solutions urgentes et drastiques dans des domaines aussi divers que l’énergie, l’environnement, la connectivité, la mobilité, le logement, la gouvernance et l’implication citoyenne.
Pour répondre à ces challenges, les villes, nous dit-on, devraient devenir « smart », c’est-à-dire mettre en place des solutions intelligentes pour diminuer leur impact environnemental, utiliser davantage les énergies renouvelables, mieux répondre aux besoins essentiels des citoyens et améliorer leur qualité de vie.
Quelques mots-clés permettent de caractériser le fonctionnement d’une ville « intelligente » : collaborer (les administrations doivent fonctionner de manière décloisonnée), économiser (penser en mode durable, économiser l’énergie, les matières premières, l’alimentation, les ressources financières), innover (encourager les citoyens, les entreprises et les administrations à imaginer de nouveaux modes d’organisation, de partage, de communication, de production), intégrer (associer les usagers au développement des projets), et simplifier (des services simples, ce qui n’a rien d’évident, car, à moins de partir d’une page blanche, la smart city est une étape de plus dans le développement de la ville, qui a vu s’accumuler des réglementations, des structures, des habitudes bien ancrées).
Pour réussir leur transition vers un modèle de « smart city », les villes doivent être capables de mobiliser l’ensemble des parties prenantes, écosystèmes d’acteurs parfois très complexes : les pouvoirs publics, les acteurs du tissu économique, les citoyens, les concepteurs et promoteurs immobiliers, etc.
Le politique joue souvent le rôle d’initiateur : les autorités locales sont au centre du projet et doivent mettre en place les conditions nécessaires pour supporter la dynamique « smart ». La participation citoyenne permet un processus de co-création et d’implication, nécessaire pour assurer la mise en œuvre efficiente des projets. L’intégration des universités et hautes écoles n’est pas à négliger : les recherches académiques et les travaux réalisés par les étudiants peuvent être des sources d’inspiration et contribuer au succès des smart cities. Le monde de l’entreprise joue également un rôle-clé en apportant une expertise, une vision économique et une vision de terrain.
Un aspect important de la ville intelligente est par ailleurs l’intégration des TIC (technologies de l’information et de la communication) dans les fonctions urbaines. Dans un souci d’efficacité et d’immédiateté, les ressources des technologies numériques apparaissent primordiales à la structuration du vivre ensemble. Ou la poursuite (utopique pour certains, cauchemardesque pour les autres) d’un monde du tout connecté.
Si des villes comme Amsterdam, Barcelone, Londres ou
Singapour apparaissent comme pionnières dans certains domaines, à un autre
niveau, en Belgique, plusieurs communes ont pris le problème à bras-le-corps
afin d’obtenir des résultats concrets qui s’inscrivent dans une démarche de
long terme. Bruxelles, Liège, Anvers, Gand, Herstal, La Hulpe, Lierre, Malines,
Deinze, Ostende, Seraing ou Charleroi, par exemple, se distinguent par les
efforts engagés pour rationaliser leur fonctionnement
intelligent/efficient/connecté/durable. C’est également dans ce contexte
prometteur en termes de création d’activités et donc d’emplois qu’un Smart City
Institute a vu le jour à Liège. Entièrement dédié à la stimulation de la
recherche, la formation, l’innovation et l’entrepreneuriat dans le domaine de
la ville intelligente, son ambition de rayonnement dépasse de loin les
frontières liégeoises. Enfin, quelques start-ups belges participent du mouvement,
que ce soit SmartNodes (éclairage urbain adaptatif), TagTagCity, BetterStreet
(interactions avec les communes via téléphone mobile), WikiPower.be (achats
groupés d’énergie) ou NextRide (transports en commun), parmi bien d'autres.
Ville connectée, ville zéro carbone, ville efficiente,
ville résiliente… le visage de la smart city est multiple. La question est
posée de savoir si cette tendance répond à un besoin d’attractivité (soigner,
moderniser, vendre l’image d’une ville) ou à un réel souci de résoudre les
problèmes auxquels font face les centres urbains, aujourd’hui. Une chose est
sûre, la smart city passe pour un « mégatrend », un hypertendance, c’est-à-dire une tendance sociétale qui affectera tous les
domaines de notre vie dans les années à venir. La ville est-elle condamnée à
devenir « intelligente » pour survivre, comme le prétendent les
experts, cabinets de consultance ou équipementiers en nouvelles
technologies ? Si tel était le cas, comment assurer la dimension
collective de cette intelligence de sorte qu’elle serve les intérêts de tous,
en répondant aux aspirations de chacun ?
Sébastien Biset
article écrit pour la rubrique Veille du magazine Détours de l'automne 2016