Soigner à en devenir malade!
Le stress n’épargne personne : de l’infirmière au chirurgien en passant par l’anesthésiste. Et ce n’est pas de voir la souffrance de l’autre qui en est la cause, mais bien le système qui est pointé du doigt. Le plus difficile à supporter ? L’absence d’humanité qui s’immisce dans leur quotidien. Eux qui savaient pourtant en embrassant cette carrière que le travail serait âpre. Eux qui certes, s’étaient forgés une carapace professionnelle pour pouvoir accomplir les actes techniques propres à leur discipline, n’acceptent plus le manque de respect de la hiérarchie, l’égo surdimensionné de certains, les cadences insoutenables, dictées par la direction guidée elle, par les investisseurs. La perte de sens du fondement même de la médecine qui les a fait choisir un jour cette profession, leur fait perdre pied.
Le burn-out peut toucher tout le monde mais comme le fait remarquer dans
son livre, Pascal Chabot [1], philosophe,
« avant d’être un problème individuel, le burn-out est d’abord une
pathologie de civilisation. Marquée par l’accélération du temps, la soif de
rentabilité, les tensions entre le dispositif technique et des humains
déboussolés, la postmodernité est devenue un piège pour certaines personnes
trop dévouées à un système dont elles cherchent en vain la
reconnaissance. »
Le burn-out est par excellence une pathologie de civilisation. Comme l’était la mélancolie au XIXème siècle, la neurasthénie au début du XXème, puis un peu plus tard la paranoïa. Le point commun de ces états mentaux est la condamnation du système. « C’est une maladie de la relation entre l’individu et la société, dont la responsabilité ne peut être totalement attribuée ni à l’un ni à l’autre. Elles sont globales et se nourrissent autant de petits faits que d’une atmosphère générale. » [2]
Dans le documentaire de Le Maire, certains vont lâcher prise. D’autres vont tenter de faire face en trouvant des solutions – qui semblent anecdotiques au premier abord- mais qui leur redonneront espoir pour qu’ils continuent à avancer, à soigner sans y laisser leur peau !
Car comme poursuit Pascal Chabot, « ce piège n’est pas une fatalité. Face aux exigences de la civilisation postmoderne, on peut se demander comment transformer l’œuvre au noir du burn-out afin qu’il devienne le théâtre d’une métamorphose, et que naisse de son expérience un être moins fidèle au système, mais en accord avec ses paysages intérieurs. »
Ce qui fera dire à Jean-Michel Longneaux, philosophe également, qu’en fait, la souffrance des soignants et des médecins n’existe pas [3] « parce qu’en dernier ressort, cette fameuse souffrance des soignants est davantage liée à notre condition humaine, plutôt qu’à une profession. Du jour de notre naissance à celui de notre mort, nous sommes et nous resterons inévitablement déchirés entre nos idéaux et notre réalité qui n’est jamais à la hauteur. Ce que l’on appelle la souffrance du soignant n’est rien d’autre que la mise en scène de notre condition dans un univers particulier, celui des soins. (…) Mais on ne peut se garder d’améliorer tout ce qui, dans une institution doit l’être : horaire, convivialité, salaire, etc. Car en améliorant ainsi les conditions de travail, en développant ses compétences, on joue concrètement le jeu de la vie : ne jamais se résigner, faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre toutes formes de souffrances. Simplement, on n’attendra plus de telles améliorations qu’elles nous sauvent de nous-mêmes. »
Christel Depierreux
Burning Out
film documentaire de Jérôme Le Maire
Vendredi 17 février 2017 à 20h30
Avant-première
en présence du réalisateur, de Luc Jabon (cinéaste) et de Pascal Chabot
(philosophe).
en clôture des
9emes rencontres Images mentales
http://www.lavenerie.be/?activityid=6B629EDC-90A9-7F12-1875-CF92937D7D35
3 rue Gratès1170 Bruxelles
[1] Pascal Chabot, est l’auteur de Global Burn-out et a participé à la réflexion autour de cette réalisation.
[2] "Une pathologie de civilisation", Pascal Chabot, p. 57 in Le Cercle psy, n°16, mars, avril, mai 2015
[3] "La souffrance des soignants et des médecins n’existe pas", Jean-Michel Longneaux, philosophe, chargé de cours aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur) et conseiller en éthique à la FIH-W, Belgique. Texte paru dans Ethica clinica n°35 « La souffrance des médecins et des soignants », 2004, pp. 24-33.