Some Arguments Later, exposition du collectif Messidor à l’Iselp
![Mirador - (c) Pieter Geenen](https://static.pointculture.be/media/images/Mirador.b077ebb9.fill-1000x500-c100.jpg)
D’entrée de jeu le regard est attiré
par l’image projetée au loin dans l’espace d’exposition. Avant d’y arriver,
nous sommes invités à découvrir des photographies du même artiste, Pieter Geenen, et des
extraits de conversations tirées du film Mirador et soigneusement
affichées sur l’un des murs. Le plan fixe presque hypnotique continue de nous
appeler. Une fois face à l’écran, on distingue une vue panoramique sur une
étendue d’eau de laquelle émerge un morceau de terre tantôt clairement
perceptible, tantôt mystifié par un flux de nuages. Assis sur le banc qui nous
pousse à une observation prolongée, nous sommes instantanément immergés dans
cette immensité qui s’étend devant nous, mesurant sa grandeur par les groupes
d’oiseaux qui survolent la mer et les bateaux perceptibles au loin, lorsqu’ils
ne sont pas enveloppés par la brume. Le ciel se confond avec la mer, la
tranquillité nous envahit, on s’y croirait presque. Le casque posé sur les
oreilles, c’est alors dans une nouvelle dimension
que nous nous engouffrons. Bruits d’hélicoptère, de vent, de mer et de voix.
Nous comprenons que nous nous trouvons dans un endroit touristique par le
nombre de langues parlées et les sujets des conversations retranscrites en
anglais à l’aide de sous-titres. L’œuvre résonne avec les textes que nous avons
pu lire sans trop comprendre en début d’exposition. Ceux-ci prennent une autre
tournure lorsqu’ils sont remis dans leur contexte d’origine.
Quel est donc ce paysage que nous observons ? Notre cheminement vers la compréhension de l’œuvre avance progressivement. La légende indique Mirador, un film tourné au Mirador del Estrecho, lieu touristique espagnol proposant une vue impressionnante sur le détroit de Gibraltar et la côte africaine. Le bout de terre qui nous donnait cette sensation de sérénité change de visage une fois identifié. Dans le détroit de Gibraltar, carrefour de cultures reliant une importante route migratoire, des africains essaient inlassablement d'atteindre les côtes espagnoles à bord d'embarcations gonflables. Cette zone est connue comme étant l’une des plus dangereuses pour rejoindre l’Europe. Ces hommes risquent leur vie pour rejoindre une soi-disant terre promise.
Mirador (du verbe « mirar », regarder en espagnol), nous parle de regards. Il pointe celui du touriste qui fait face à celui du migrant, celui de la caméra et celui qui se trouve derrière celle-ci pour enfin nous ramener au nôtre, celui du spectateur comme témoin indirect de ce spectacle qui oscille entre sublime et tragique. Car en somme, l’objet de ce plan fixe n’est plus tellement le paysage que nous observons mais bien l’autre dans un schéma de réciprocité.
La réflexion est profonde et les œuvres exposées correspondent à la représentation habituelle que l’on se fait sur l’art contemporain. Elles sont conceptuelles, intellectuelles et leur lecture, pour le public non-initié, n’est envisageable qu’à l’aide d’outils de médiations et/ou guides, nécessaires pour leur compréhension et que l’Iselp ne manque pas de mettre à notre disposition. Aussi, la série d’évènements associés à l’exposition sont pensés pour l’éclairer. Certes, pour les plus curieux d’entre nous, cette proposition artistique mérite le détour du simple fait qu’elle questionne et par la qualité des œuvres présentées. Cependant, l’exposition reste difficile d’accès sans l’accompagnement et les activités gravitant autour d’elle et qui, s’ils sont décrits comme un prolongement par l’Iselp, relèvent davantage de l’indispensable.
Alicia Hernandez-Dispaux
Some Arguments Later
Exposition du collectif Messidor
Jusqu'au dimanche 19 mars
Du mardi au dimanche de 11h à 18h
Iselp31 Boulevard de Waterloo
1000 Bruxelles