Sommes-nous égaux face au climat ?
Catherine Larrère (dir.), Les Inégalités environnementales, Paris, Puf-Vie des idées, 2017, 104 p.
On pourrait croire que le changement climatique, le dérèglement de phénomènes naturels ou une pollution environnementale frappent tout le monde de manière égale. Il n’en est rien. On sait que les pays riches et que les modes de vie des populations les plus aisées contribuent plus que les autres à la destruction de notre milieu, en exportant si possible les effets négatifs ailleurs, plus au Sud ou dans des quartiers moins agréables à vivre. Mais de manière bien plus globale, il faut corréler « inégalité sociale » et « inégalité environnementale ». Un petit ouvrage bien pensé, clair et précis, vient faire le point sur les concepts qui permettent de rendre visibles, donc de les intégrer dans une politique citoyenne, « les inégalités environnementales ». Le livre réunit des contributions de plusieurs expert-e-s dont les champs d’investigation, complémentaires, construisent une vision transversale, pluridisciplinaire : philosophie, sociologie, économie, science politique, aménagement et urbanisme… En introduction, Catherine Larrère, propose une définition de référence : « On peut ainsi définir les inégalités environnementales comme les inégalités d’exposition aux risques environnementaux, exposition qui est jugée « disproportionnée » quand certains groupes sociaux ou certaines catégories sociales en souffrent plus que d’autres de façon significative. » (p.7)
Santé, environnement, injustice
Ce qu’il importe d’analyser et de faire ressortir, ce sont les interactions entre « déterminants sociaux de la santé » et les « déterminants environnementaux de la santé ». En termes d’objectivation, certaines études et statistiques établissent des faits difficiles à ignorer. Pris ensemble, les déterminants environnementaux pèsent « pour 80% dans la constitution des inégalités de santé, soit directement, soit indirectement par leur influence sur les facteurs comportementaux. » « France, Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, 2013) Eloi Laurent précise la problématique avec des chiffres de l’OMS : « Selon les dernières estimations publiées en mars 2016, 12,6 millions de personnes sont décédées en 2012 du fait d’avoir vécu ou travaillé dans un environnement insalubre (les enfants et les personnes âgées étant les plus exposées aux risques environnementaux. »
La dynamique est relativement simple : la hauteur des revenus permet de choisir, ou pas, d’habiter dans des environnements de qualité, avec nature préservée, en bénéficiant de logements construits avec des matériaux les moins nocifs possibles où l’air respirable intégrera moins de polluants. La nature de certains métiers expose plus que d’autres aux « perturbateurs endocriniens », le « choix » de ces professions est déterminé aussi par des facteurs sociaux.
L’exemple de la pollution de l’air est explicite. « L’Agence environnementale européenne indique que l’exposition aux particules fines serait responsable de près de 450.000 décès prématuré sur le continent. » Toutes les études révèlent « les inégalités territoriales attachées à cette exposition ». En effet, « habiter à proximité du trafic routier augmente sensiblement la morbidité attribuable à la pollution atmosphérique (à proximité de voies à forte densité de trafic automobile, on constate une augmentation de 15 à 30% des nouveaux cas d’asthmes chez l’enfant et des pathologies chroniques respiratoires et cardiovasculaires chez les adultes âgés de 65 ans et plus). (p.38) Ces impacts différenciés selon le lieu de résidence, et l’on peut raisonnablement imaginer qu’une proportion importante des logements situés près des trafics automobiles les plus denses ne correspondent pas au parc immobilier le plus valorisé socialement. Cette inégalité d’exposition à la pollution de l’air a des effets « de classe » sur le long terme : « Un enfant né dans un quartier de Marseille à proximité immédiate d’un axe de transport est victime d’une inégalité environnementale socialement injuste et qui peut l’affecter durablement. » Sans parler des répercussions périnatales.
Pour l’auteur, « reconnaître l’existence d’inégalités
environnementales, c’est informer politiquement l’écologie » et il appelle
à une « métamorphose de notre État providence en un État social-écologique,
calibré pour le XXIème siècle. »
Autres chapitres et ressources
Le livre traite de manière plus large de l’injustice environnementale. Voici le titre des autres chapitres : « Quelle égalité pour l’écologie politique ? », » Jusqu’où l’économie écologique pense-t-elle l’inégalité environnementale ? », « La fabrique territoriale des inégalités ».
En outre, les auteurs déploient leurs idées en proposant de précieuses ressources d’information, qu’ils synthétisent une courte bibliographie efficace. Publié chez PUF, le livre provient de « la vie des idées.fr ». Une « coopérative intellectuelle et un lieu de débats » en ligne, sous la forme d’une revue. De cette production d’idées pour le site, des ouvrages voient le jour en édition papier, proposant des trajectoires transversales entre les savoirs, suggérant des bifurcations dans les manières de penser les problématiques sociétales.Pierre Hemptinne
Catherine Larrère (dir.), Les Inégalités environnementales
(ed. Puf-Vie des idées, 2017, 104 p.)