Summertime | Lunettes noires pour insolation salvatrice
Eblouissant et primesautier
C’est avec beaucoup d’aisance et d’harmonie que se déploie ce sacre du soleil. Pour Thierry Smits, il n’est pas question, comme il l’a fait dans Toumaï, de faire l’analyse de nos vécus claustrophobes et de notre effondrement pandémique, mais bien de sortir de l’ornière dépressive pour retrouver la lumière et la bienveillance des autres. Pour une heure à peine, le chorégraphe nous propose de retrouver l’insouciance comme si rien ne s’était passé. Il s’agit donc d’une œuvre généreuse à l’effet vitaminé pour soigner nos plaies encore trop vives. Mélangeant la musique live, baroque et indocile, du quintet The WIG Society Chamber Music Ensemble aux compositions contemporaines de Jean-François Lejeune, c’est avec simplicité et sans autre discours que la danse prend corps. Une danse qui enivre et fait virevolter danseuses et danseurs. Ils se croisent, se rencontrent, se caressent ou s’embrassent. Ils se séparent. Une danse fraîche et primesautière sous un travail chromatique impressionnant. La complexité réside donc dans l’esthétique.
Prismes
Comment donner dans une salle obscure l’impression d’un monumental coup de soleil, d’un été sans fin ? C’est en jouant avec la blancheur du sol de son plateau nu et un travail de lumière particulièrement soigné que le chorégraphe arrive à recréer sur scène l’idée d’un soleil omniprésent, parfois éblouissant, parfois crépusculaire. Ainsi, il s’amuse à décomposer la lumière. L’ombre se subdivise au sol devenant à la fois rouge, verte et bleue alors que l’ensemble de la scène prend les couleurs orangées d’un couché. A d’autres instants, la lumière devient jaune, étincelante, trop chaude aussi, pareille à une insolation. Une insolation qui fait du bien.
« Summertime » est une œuvre charitable dans ce que le mot a de plus noble. L’envie réussie de Thierry Smits est le partage louable d’un instant de bonheur sans suite. Un ballet de corps enivrés de chaleur, guidés par l’insouciance dans une esthétique magnifiée. Une figuration ô combien salvatrice. Les quelques 50 minutes de spectacle offrent une pause dans nos vies, un instant emporté. Simplement. Et c’est déjà beaucoup.
Jean-Jacques Goffinon
Au Théâtre Varia du 24 mars au 16 avril
Un spectacle de la Cie Thor