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Tg STAN | Furies occidentales et fosses communes

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humour, Bruxelles, spectacle, Tanneurs, théatre, bobo, Quoi/Maintenant, Tg STAN, pamphlet

publié le par Jean-Jacques Goffinon

Après une longue tournée flamande et française, Tg STAN (comprenez Stop Thinking About Names) arrive enfin en Belgique francophone avec Quoi/Maintenant. Un spectacle d’équilibristes au-dessus de la vacuité de nos existences pour une destruction pince-sans-rire, fracassante et résolument dingue.

D’ailleurs, il faut être un peu fêlé pour tenter de juxtaposer, en un seul spectacle, le théâtre poétique et minimal du norvégien Jon Fosse à la profusion rageuse et réaliste des écrits de l’allemand Marius von Mayenburg. Un exercice périlleux réussi et hilarant qui accapare son public pour livrer un pamphlet cinglant à l’encontre de la classe moyenne occidentale. Une classe moyenne qui, aussi bobo et bien-pensante qu’elle soit, n’est pas avare de contradiction ubuesque, de préjugés acides et encore moins de racisme vainement dissimulé. Attention, furies.

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Un avant-goût d’éternité

Après nous avoir accueillis sans formalité, les acteurs se demandent comment ils sont arrivés là ? Ils se posent la question de la présence de chacun dans cette salle noire. Un lieu indéfini et sans fenêtre qui tient plus de l’imaginaire que du réel. Sorte de vision d’après la mort où nous allons tous ensemble rester là… Pour toujours ? Sommes-nous donc tous en deuil ?

Par ce purgatoire éternel, aux dialogues absurdes et poétiques, nous sommes d’emblée pris au piège de leur mécanique de jeu et d’humour, prêts à accepter n’importe quelle suggestion. Si la courte pièce de Jon Fosse, Dors mon petit enfant, est là pour nous couper du monde ce n’est, en réalité, que pour nous y plonger ensuite de plus belle.

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Rages

Marius von Mayenburg est réputé pour son écriture méchamment incisive sur les monstres de notre société moderne. Pièce en plastique, comédie de boulevard classique, ne dérogera pas à la règle.

Médecin poussif, fatigué par ses gardes de nuit, Michael n’a pas le temps et guère plus d’ambition. Ulrike, acariâtre et prétentieuse, est l’assistante du célèbre artiste conceptuel Haulupa. Elle est débordée. Ce joli couple, libéral de gauche à la bonne conscience politique et écologique, a un enfant terrible atteint de puberté précoce et une tonne de casseroles sales à récurer. Comme aucun d’eux ne veut sacrifier une once de liberté et d’autonomie dans ce monde plutôt facile, Jessica Schmitt est alors engagée. A l’inverse de ses employeurs, Jessica n’a aucune conscience sociale, aucun préjugé ni trouble obsessionnel compulsif qui la pousserait à faire le ménage en permanence. Non, elle est là et elle a un travail à faire. Une présence neutre qui finalement va mettre en émoi tout ce petit monde jusqu’à l’artiste s’invitant régulièrement, telle une folie furieuse, pour parasiter les certitudes du couple à grand coup de critiques cuisantes et de débordements en tout genre.

Féroce, ce spectacle ne nous épargnera en rien : le mépris de classe d’abord, le racisme latent qui persiste en filigrane des grands discours sur le respect, l’égalité homme femme dans le couple, l’art conceptuel qui n’est plus qu’une boursouflure maladive qui pousse sur la peau de notre société de consommation, la charité mal placée, le mépris des autres pour le souci de soi et tout cela, évidement, entre des dialogues de tolérance qui ressemblent plus à des lapsus bien trop révélateurs. On rit, on s’esclaffe sans retenue et pourtant, on se voit tous dans cette pièce miroir, dans chacun des personnages. On se questionne sur nos absences de cohérence et de vérité. Même si le plaisir nous empare, la lucidité du spectacle reste. Le monde est donc aussi dingue que ça ? Tg STAN, ne tire pas loin de la réalité.

Ô combien jouissif et provocateur, absolument nécessaire et résonnant, Quoi/Maintenant, au-delà de son humour dévastateur, nous remet tous en question. Et si la bien-pensance et le boboïsme latent n’était qu’une hypocrisie devant nos absences de véritable prise de responsabilité ? Amusez-vous à rire de vous, de nous… c’est déjà un bon début.

Jean-Jacques Goffinon

Quoi/Maintenant est au Théâtre Les Tanneurs jusqu’au 06/11

Crédit photo : Koen Gabele

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