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Before Time Began - 65000 ans hors du temps

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Depuis le Temps du Rêve, le temps en dehors du temps, les aborigènes d’Australie représentent le monde et l’expliquent à travers des peintures rituelles extraordinairement complexes, souvent réalisées collectivement. Aujourd’hui célébrées par le monde de l’art contemporain, ces œuvres cherchent toutefois à préserver leur signification traditionnelle et à poursuivre leur vocation narrative, didactique et religieuse. Le musée Art et Histoire retrace le parcours difficile de l’art aborigène, depuis ses origines jusqu’à sa quasi destruction par la colonisation et sa renaissance récente depuis les années 1950.

Les Karatgurk et les sept sœurs, le cycle des Tingari, l’affrontement entre les Wati kutjara et l’homme de la lune, le serpent Arc-en-ciel, le lézard à la langue bleue, les mythes fondateurs des aborigènes d’Australie sont innombrables. Certains sont locaux et récents, d’autres sont extrêmement anciens et répandus sous une forme ou l’autre à travers l’ensemble des 900 peuples du continent. Ces histoires ont en commun de se dérouler dans le Temps du Rêve, un temps hors du temps, à la fois passé, présent et futur. Elles ont également comme particularité d’être transmises par le biais de représentations graphiques très codifiées, quasiment abstraites pour des regards non-initiés. Traditionnellement figurées sur des objets, sacrés comme profanes, sous forme de peintures rupestres, sur des supports d’écorces ou bien tracées, temporairement, à même le sable, ces interprétations des histoires tirées de la mythologie aborigènes utilisent plusieurs éléments graphiques minimalistes – traits, points, lignes pointillées – démultipliés à l’infini pour raconter les liens insécables entre les histoires du quotidien et le temps universel du Rêve.

Après avoir été menacée de disparition par la dispersion des populations vers les territoires arides du nord et du centre du continent, et leur assimilation forcée à la culture occidentale et à la religion chrétienne, la culture aborigène connait aujourd’hui un regain d’intérêt au sein de sa propre population comme auprès des amateurs d’art contemporain. Comme le montrait l’exposition Aboriginalités, XXXX présentée l’an dernier par les Musées Royaux des Beaux-Arts, une nouvelle génération d’artistes aborigènes s’est plongée dans les techniques, les codes et les mythes des anciennes représentations pour les poursuivre parfois selon la démarche traditionnelle d’un art collectif, anonyme, et parfois pour d’autres en adoptant la vision occidentale d’un art subjectif, basé sur la vie de l’artiste, ou sur des rêves initiatiques personnels.

La plupart des œuvres concernent des lieux et leurs habitants - animaux, humains, figures archétypales - et mettent en scène des cartographies mythiques reliant le « temps du rêve » au monde actuel. Depuis les peintures rupestres jusqu’aux œuvres contemporaines, en passant par les motifs ornant boomerangs, lances et pagaies, l’art aborigène possède une continuité visuelle très forte, mêlant une abstraction codifiée à un sens profond du récit. Plusieurs des travaux récents constituant cette nouvelle exposition proviennent des centres artistiques des Terres APY (Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara), les zones d’administration attribuées aux tribus aborigènes locales depuis 1981. Ces centres, souvent autogérés, rassemblent aujourd’hui près de 500 artistes, et soutiennent leur travail en facilitant leur accès au marché de l’art. Ce travail est souvent collaboratif, comme le montre les films présentés dans l’exposition qui retracent la réalisation de plusieurs des pièces exposées.

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C’est dans le contexte de ces centres artistiques qu’est notamment né l’installation Kulata Tjuta (Beaucoup de lances), créée par un groupe d’artistes de tous âges, qui est le point central de l’exposition Before Time Began. Constitué de mille cinq cent lances, elle évoque un kupi kupi, un tourbillon de poussière en forme d’entonnoir comme ceux qui surviennent dans les régions désertiques. Cette pièce impressionnante, riche de significations, aux embranchements multiples, est à la fois représentation concrète d’une géographie, souvenir d’une tradition, illustration du passage violent de l’histoire et évocation du passé ancestral, mais aussi métaphore de la société Anangu actuelle, prise elle-aussi dans le tourbillon du changement.

L’exposition débute avec une sélection d’outils et d’armes anciennes, des boucliers, des boomerangs, des propulseurs, ainsi que des artefacts rituels, masques, poteaux funéraires, et se termine par une série de photographies de l’artiste Michael Cook, intitulée Civilised, composée de portraits d’Aborigènes vêtus de costumes historiques des puissances européennes qui colonisèrent l’Australie.

A travers une sélection très diverse d’œuvres tour à tour artistiques ou rituelles, à la fois contemporaines et anciennes, sacrées et profanes, l’exposition démontre que l’art aborigène a une place particulière dans l’esthétique artistique contemporaine et peut être apprécié pour ses simples – et grandes – qualités picturales, mais gagne à être perçu dans la dimension plus profonde de ses origines cosmogoniques et mythologiques.

Benoit Deuxant

exposition à voir jusqu'au dimanche 29 mai 2022 au Musée Art & Histoire

10 parc du Cinquantenaire - 1000 Bruxelles

info@mrah.be

(illustration en bannière: "La loi des femmes est vivantes sur nos terres", toile géante réalisée collectivement par une vingtaine de femmes aborigènes)

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