Nature Culture : 3 questions à Pierre Hemptinne
- Pendant plusieurs mois, PointCulture va chercher à sensibiliser le plus largement possible aux relations entre nature et culture. Quel est le mobile de cette thématique, y a-t-il une urgence et est-ce que cela intéresse tout le monde ?
L’idée que la vie humaine sur Terre ne tient plus qu’à un fil n’est plus contestée. Il peut y avoir divergence sur l’échéance de la catastrophe finale, mais son imminence est acquise. Sachant cela, beaucoup s’étonnent du peu d’impact de cette réalité sur les comportements : rien ne change vraiment. Certains disent que la menace est trop abstraite, n’est pas assez ressentie comme proche. Je pense surtout que, dans la société occidentale, celle qui actuellement domine l’économie de marché et la globalisation, le modèle culturel s’est basé sur une exploitation sans vergogne, sans soin, de la nature. Et qu’on continue à croire que la solution viendra toute seule, que la nature trouvera par elle-même à se régénérer et à tenir à notre disposition ses biens inépuisables.
- La culture est-elle vraiment un moteur de changement ?
L’organisation de nos sociétés, ses régimes de valeurs et de priorités, repose sur des modèles culturels, des représentations du monde, des animaux, des environnements. Nous subissons encore, globalement, ce formatage mental où l’homme doit être le maître de la nature, à travers d’innombrables inculcations culturelles, véhiculées par nos modes de vie. C’est cela qu’il faut questionner. La culture est le levier, c’est elle qui active la conscience et l’imagination, en vue de penser d’autres modes de vie tenant compte de la dégradation irréversible de la biosphère. Les industries culturelles ont très bien compris comment elle permettait de façonner les esprits et d’orienter les modes de consommation. Il faut réactiver une culture non marchande comme puissance commune du changement.
- Comment allez-vous vous y prendre ?
Par un programme de prises de conscience partagées, via des événements de proximité où des spécialistes, des militants, des artistes, des citoyens peuvent se rencontrer et échanger. Et cela prendra la forme d’expositions, d’ateliers, de conférences, de projections de films, de débats, etc. Cela implique d’œuvrer avec les nombreuses associations d’éducation permanente, théâtres, centres culturels et de tisser un réseau sensible. Enfin, en organisant des traces réflexives : des éditions et réalisations de vidéos éducatives, ouvrir un espace de mutualisation sur Internet (ce sera la philosophie de notre futur site) puis régulièrement, avec nos partenaires, il faudra remettre la problématique sur le métier. Ce ne sera pas facile, c’est clair.
Cet article fait partie du dossier 3 questions à....
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