Berlin (2)- URBNclassique #3
L’Allemagne passe pour avoir contourné les révolutions et obtenu par la culture les changements de société acquis ailleurs au prix du sang. Ce tracé à la fois historique et culturel, appelé aussi « Sonderweg », chemin particulier, trouverait son origine dans une entente entre bourgeoisie et aristocratie terrienne, le tout chapeauté par des princes éclairés, cultivés, presque progressistes et souvent artistes. Le règne de Frédéric II de Prusse confirme cette particularité quand, des sphères de la musique savante, surgit un genre populaire s’il en est : le lied strophique. Théorisée dans le traité « De la poésie musicale » (1752) de Christian Gottfried Krause, cette alliance entre musique et poésie dite anacréontique (élégante, légère voire érotique) marque la première Ecole Berlinoise du lied et ouvre la voie vers le lied romantique. Clarté du texte, forme strophique, mélodies simples et expression naturelle des émotions supplantent l’aria italien, la basse continue et les sophistications baroques. L’esprit de l’Empfindsamkeit (style sensible) est au rendez-vous pour cette aventure naissante du lied strophique ; son représentant notoire Carl Philipp Emanuel Bach s’y distingue au côté de Johann Joachim Quantz, Carl Heinrich Graun et de l’injustement oublié directeur de la Cathédrale de Berlin, Johann Philipp Sack. Un tirage généreux de leurs lieder saura parachever une accessibilité stylistique au plus grand nombre.
Jacques Ledune