Gand - URBNClassique #12
Pour nous qui regardons l’histoire à rebours, il est difficile d’approcher Jacob Obrecht sans devoir contourner la figure rayonnante de Josquin des Prés, qui le suit de si peu. Ce dernier, en effet, a su, dès l’aube du siècle du madrigalisme, anticiper l’union de la musique et de la poésie. Mais au détour de ce buisson fleuri et généreux, l’œuvre de Jacob Obrecht se dresse telle un temple de la musique du 15ème siècle, avec ses faux-bourdons envoûtants, ses proportions sacrées, ses imitations, sa verticale ferveur. On y devine encore les ombres de Dufay, de Busnois, d’Ockeghem. Comme Josquin des Prés, Jacob Obrecht séjourne en Italie, mais la passion du verbe poétique qui s’y répand jamais ne parvient, chez le compositeur gantois, à fléchir la vigueur d’un art musical qui ne veut obéir qu’à ses propres lois. C’est par lui seul qu’Obrecht articule l’émotion, non sans jouer parfois sur les nombres de façon presqu’algorithmique, mais avec une clarté, une évidence qui dispense de toute référence textuelle. Nul besoin dès lors de motets savants, même s’il en a composé une trentaine, l’ordinaire de la messe suffit. Dans ses chansons profanes seulement, lorsqu’il ouvre grand le portail de la cathédrale sur le monde, sa musique peut se faire peinture. Jacques Ledune