Buenos Aires (2) - URBNclassique #7
Bruits, sons instrumentaux et vocaux non formatés, cris figurent parmi les ingrédients de la cantate Anagrama que Kagel compose à Cologne en 1957, à peine débarqué de Buenos Aires. L’œuvre place d’emblée Kagel dans le peloton de tête de l’avant-garde et prend le contre-pied des cours dispensés alors à Darmstadt. Ouvert sur le monde, Kagel ne peut en effet s’accommoder d’un système sériel fondé sur les seuls paramètres auditifs et fonctionnant en vase clos. Fondateur de la Cinémathèque argentine et directeur du Théâtre Colon de Buenos Aires, Kagel connait le pouvoir dramatique du visuel, de l’espace et de la gestuelle par lesquels il va élargir et même redéfinir l’expérience musicale. Depuis le geste de l’instrumentiste qui change la perception auditive (Sur Scène, théâtre musical de chambre en un acte 1959-60, Match pour 3 interprètes 1960) au jeu des forte, piano, crescendo et decrescendo qui dramatisent l’espace (Marches pour manquer la victoire 1978-79), sans oublier l’emploi d’instruments improbables (Der Schall 1968 avec tuyau d’arrosage, Acustica 1968-70) ou multimédia avant la lettre (Diaphonie III pour chœur et projecteurs de diapositives 1964), il ne néglige rien de ce qui participe à la théâtralité instrumentale. Baptisé précisément théâtre instrumental dès les années soixante et combiné avec celui de théâtre musical, ce concept ouvre un champ d’inventivité aux limites du faisable et où toute forme définie, reconnaissable, qu’il s’agisse de musique ou de société, est appelée à rencontrer son antithèse. (Staatstheater, composition scénique 1971).
Jacques Ledune