Womex 2014: is world music dead ?
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Le titre est un peu provocateur, mais la question a souvent été posée. La grande époque où tout le monde écoutait de la world music est définitivement passée, la mode est révolue. Que reste-t-il donc ? Pas mal de choses en fait, mais surtout une grande difficulté de trouver des publics et de l'argent pour faire voyager les artistes. Les Sept Samouraïs - les programmateurs musicaux de cette année - ont clairement fait le choix de proposer des musiques mélangées, hybrides, qui tendaient plus vers le rock, la soul, le jazz. Mon impression était que pour être sélectionné cette année, il fallait une guitare électrique et une batterie. J'exagère sans doute un peu: il n'est jamais possible de voir tous les concerts, beaucoup se déroulant en même temps et certains durant jusqu'aux petites heures.
Un aperçu de ce que j'ai vu:
Un groupe du Honduras, c'est assez rare. Sauf que Guayo Cedeño propose une musique un peu trop inspirée des Shadows et son groupe y ajoute une couche de jazz peu digeste. Bref, rien d'original. Quand Ester Rada (Israel) est montée sur scène, la taille de son groupe m'a de suite laissée sceptique. Ses chansons sont très soul, avec une touche éthiopienne bien trop discrète à mon goût. Je suis restée écouter l'Orkesta Mendoza parce que rien d'autre ne me tentait. Il y a eu quelques bon moments, les morceaux instrumentaux avec steel guitar et ambiances mexicaines, mais les parties chantées ne m'ont pas convaincues. A nouveau, trop d'instruments, trop de tout. Et quand Troker (Mexique) s'est installé avec un DJ, une guitare et des cuivres, je n'ai pas tenu un morceau entier.
D'autres concerts étaient fort "classiques", présentant de la musique traditionnelle sans ajouts divers. Le trio de Driss El Maloumi a enchanté le public avec le jeu entre l'oud et les percussions, de même que Lula Pena qui interprétait des chansons méditérranéennes, capverdiennes ou brésiliennes juste accompagnée de sa guitare. Je n'ai pas eu l'occasion de voir El Gusto Orchestra, mais cela devait être dans le même esprit: de la bonne musique pour un public attentif. J'ai beaucoup apprécié Madeeh, un groupe de Sarawak (la partie de Bornéo appartenant à la Malaisie) mais leur musique peut sembler lassante. Elle est extrêmement répétitive, joué sur un genre de cithare en bambou et des percussions. Les rythmes s'entrelacent pour former un ensemble assez hypnotique. Par contre, Geng Wak Long, venant également de Malaisie, proposait un répertoire certes traditionnel mais surfant à la limite du folklore et de la démonstration.
Un groupe russe peut-être ? Otava Yo joue un folk rock festif: pas de prise de tête, juste de l'amusement et une furieuse envie de danser. De même, pour Tribu Baharu, je n'ai pas réfléchi. Trop de guitare-basse-batterie mais des rythmes colombiens invitant aux mouvements des hanches.
Ilkka Heinonen Trio fait partie de ces nombreux groupes dont les musiciens ont étudié à la Sibelius Academy à Helsinki, en Finlande. Comme toujours, ils jouent bien, trop bien parfois, et ne laissent pas de place à un côté plus spontané. Heinonen joue de la lyre jouhikko, un instrument ancien, et est accompagné d'une contrebasse, d'une batterie et d'électronique. Certains moments étaient excellents, basés sur les traditions, et d'autres tout simplement ennuyeux, partant vers du jazz fusion. Dreamer's Circus est un autre groupe du Nord, réunissant musiciens suédois et danois pour une musique parfois furieusement entraînante, parfois plus calme, entre piano (ou accordéon), violon et cistre. Le public scandinave a apprécié !
Une belle surprise a été Maarja Nuut. Un concert "exotique" disait Andy Cronshaw qui la présentait. Exotique parce que c'est la première fois que le Womex présentait une Estonienne. Seule sur scène, elle maîtrise le violon et l'électronique, créant des loops et des nappes musicales pour accompagner des chansons traditionnelles qu'elle interprète d'une voix cristalline. Sa musique nous emmène très loin, dans un pays encore sauvage et très proche de la nature.
En fin de compte, rien de nouveau dans mon concert favori, mais de la bonne musique. Le groupe Ajinai rassemble des musiciens de Chine et de Mongolie Intérieure (dont un ancien de Hanggai) et propose des chansons traditionnelles (un peu) et des compositions. Chant de gorge et vièle morin khuur sont ponctués de guitare, basse et batterie, créant un rock sans compromis et traduisant bien l'atmosphère urbaine de Beijing.
Bref, pas de coup de coeur cette année. Rendez-vous l'année prochaine pour une nouvelle édition à Budapest !
Anne-Sophie De Sutter, novembre 2014