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Anvers au cinéma

Meeuwen sterven in de haven - Rik Kuypers, Ivo Michiels et Roland Verhavert, 1955

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publié le par Anne-Sophie De Sutter

Ville portuaire majeure depuis le moyen-âge, point de départ de toutes les aventures et lieu d'arrivée de tous les trafics, Anvers est une cité ou se côtoient le commerce et l'art (ancien comme contemporain), la condition de la classe ouvrière et le luxe de la bourgeoisie. Son architecture industrielle, son chantier naval, ses docks, en font un décor idéal de films noirs, de thrillers fantastiques. Mais c'est avant tout une ville complexe, qui a bien plus mystérieux à offrir qu'une visite au Zoo.

Sommaire

Jan Fabre – Beyond the Artist (Giulio Boato, 2014)

Le film s’intéresse à la fois aux multiples facettes du bouillonnant Jan Fabre, l’homme et l’artiste – plasticien, performeur, metteur en scène, scénographe, chorégraphe… – et à son antre, situé dans sa ville natale. L’homme se considère avant tout comme un Anversois : « Je suis né ici et je parle très bien le dialecte. Le langage vous sculpte physiquement et mentalement. Le langage vous définit. » Il était donc évident pour lui d’installer Troubleyn dans le quartier de son enfance… Un bâtiment complètement refait, brut. L’idée architecturale (dessinée par Jan Dekeyser) était de réaliser plusieurs niveaux, avec des pièces ou des salles reliées entre elles par des fenêtres, des passerelles et des ponts, de manière à pouvoir ouvrir les espaces au maximum. À la fois lieu de travail de l’artiste et de ses équipes – Angelos pour les arts plastiques et Troubleyn pour les créations théâtrales –, laboratoire, lieu d’échanges, de formations et d’exposition, Troubleyn a été pensé pour accueillir toutes les disciplines susceptibles d’être appréhendées par l’insatiable Jan Fabre, en quête systématique de dépassement des genres artistiques.  [MR]


Diamant noir (Arthur Harari, 2016)

Avec ce polar à la fois dense et d’une grande fluidité, le réalisateur nous emmène dans le monde des diamantaires anversois. Le cadre de cette ville portuaire se prête à merveille au film qui mêle habilement dimension émotionnelle et psychologique, le romanesque à une vision plus réaliste voire documentaire du milieu. Arthur Harari joue subtilement avec les ambiances et les références classiques pour proposer un film aussi haletant qu’original.  [MA]


Linkeroever / Left Bank (Pieter Van Hees, 2008)

Marie, jeune athlète, doit interrompre son entraînement pour cause d'anémie. Elle rencontre Bobby, un jeune homme aux airs de bad boy mais aussi vendeur de voitures et archer, et décide d'emménager chez lui, dans son appartement situé sur la rive gauche de l'Escaut. Elle apprend que la précédente locataire a disparu sans laisser de traces et elle commence une enquête qui va la mener dans les méandres de l'histoire et des croyances anciennes: Linkeroever a toujours été un lieu spécial, où la ville envoyait les malades et les fous. Son état de santé se dégrade et son corps se transforme… C'est une image loin des clichés habituels d'Anvers que Pieter Van Hees nous montre. Il filme en cinémascope le fleuve et le port, en arrière-plan, ainsi que le côté non urbanisé de la rive gauche et il crée des ambiances mélancoliques et sombres, préfigurant un dénouement mystérieux.  [ASDS]


Any Way the Wind Blows (Tom Barman, 2003)

Film choral avec pour décor de fond un vendredi de fin d’été à Anvers, Any Way the Wind Blows suit les trajectoires parfois sécantes de huit personnages sans lien apparent, mais relevant tous, d’une certaine façon ou l’autre, du pan culturel internationaliste de la ville. S’y croisent un disquaire, un projectionniste dj, un duo de clubbers, un galeriste, un écrivain, et un étrange personnage « éponge»… Plus qu’un récit fracturé, ce film est une sorte de déambulation allégorique, une série d’instantanées (warholiens ?) chorégraphiés à sept temps, où l’étrange peut surgir au coin de la rue et le hasard servir de seule justification à un final où tous les personnages se retrouvent en un seul et même lieu !  [YH]


De zaak Alzheimer / La Mémoire du tueur (Eric Van Looy, 2003)

Gros succès lors de sa sortie cinéma en Flandre, La Mémoire du tueur révèlera Erik Van Looy (qui réalisera par la suite Loft, autre énorme succès au box-office) en tant que réalisateur. Avec son casting de choix, Jan Decleir en tête, ce polar à l’esthétique bien marquée, lorgnant du côté de Memento, donne à ses personnages substance et profondeur. Quelques années plus tard, Jan Verheyen adaptera un autre roman de Jef Geeraerts se déroulant lui aussi à Anvers, Dossier K.  [MA]


The Antwerp Killer (Luc Veldeman, 1983) - soundtrack Eric Feremans (Finders Keepers, 2015)

Le prestigieux label anglais Finders Keepers a remis en lumière en 2015 une incroyable bande originale d'un improbable film belge sorti initialement en 1983. Réalisé en toute indépendance avec un budget dérisoire par le cinéaste anversois Luc Veldeman alors seulement âgé de dix-huit ans, ce long métrage s'apparente à un slasher movie de seconde zone qui fut pourtant présenté à l'époque en grande pompe au Festival international du Cinéma de Knokke-Heist. Le compositeur de cette bande son (Eric Feremans) a commencé dès l'âge de seize ans à construire lui-même ses propres modulateurs et autres synthétiseurs. Il deviendra au fil de temps une véritable référence incontournable dans le milieu des amateurs de nouvelles technologies façon do it yourself. C'est à cette même époque qu'il rencontra le jeune réalisateur qui lui proposa d'écrire la musique de son « ambitieux » projet de série B policière. Au final tout le monde est unanime pour dire que le film est mal joué, mal filmé et mal monté mais sa bande-son n'a elle rien à envier aux thèmes électroniques chers à John Carpenter. Un véritable tour de force qui fonctionne à merveille sur les nombreuses images filmées par Veldeman de l'Anvers de 1983.  [DM]


Pour le meilleur et pour le pire voici donc le film dans sa version intégrale :


Meeuwen sterven in de haven (Verhavert, Michiels & Kuypers, 1955)

De 1953 à 1955, neuf des douze longs métrages belges sont des films anversois, une production presque entièrement dévolue aux comédies en dialecte local d’Edith Kiel et de quelques épigones tentés de copier une recette qui fait mouche au niveau commercial. Dans ce contexte, la sortie du film Les Mouettes meurent au port tourné par un trio de cinéastes débutants (deux critiques cinématographiques, l’un dans la presse écrite, l’autre à la toute jeune télévision et un cinéaste amateur, n’ayant tourné jusque-là que des courts métrages) fait l’effet d’un séisme. Comme si le cinéma belge proposait – hors des courts métrages, des documentaires et des films de commande – un premier long métrage adulte. Inspiré par Le Troisième homme (1949) et Jeux interdits (1952) mais aussi formellement par les clairs obscurs du cinéma expressionniste et les compositions géométriques du cinéma muet soviétique, le film tourne le dos à la comédie et aborde de manière sombre – presque existentialiste – le destin d’un fugitif anonyme (incarné par Julien Schoenaerts, futur père de Matthias Schoenaerts) marqué par les spectres de la Seconde Guerre mondiale. À côté des acteurs et actrices du cru, souvent issus de la troupe du Koninklijke Nederlandse Schouwburg, la ville d’Anvers elle-même, filmée presque toujours en mouvement (travellings, caméra qui s’élève sur la Grand-Place et petit-à-petit dévoile le port, etc.) fait figure de personnage important du film : des pavés mouillés des quartiers historiques aux infrastructures du port (déserté par une grève des dockers au moment du tournage), des sculptures modernes du parc Middelheim aux toutes nouvelles barres d’habitations de l’architecte moderniste Renaat Braem au Kiel…  [PD]

À propos de la musique du film, lire la notice sur Jack Sels de notre playlist Anvers en musiques.


Dédée d'Anvers (Yves Allégret, 1947)

Dans l’enceinte portuaire d’Anvers, Dédée, une prostituée française est attachée au Big Moon, un tripot fréquenté essentiellement par des marins en passage et quelques travailleurs du coin. Presque indifférente quant à son sort dans l’existence, elle change brusquement après sa rencontre avec un officier de cargo italien, Francesco.  Bien que tourné en studio dans des décors reconstitués et s’inscrivant dans une veine cinématographique qui associe un certain réalisme pictural attendu (la brume, des clients bourrés, les navires sur le départ…) et une espèce de fatalisme tragique (l’amour impossible entre deux êtres que tout sépare), Dédée d’Anvers surprend toujours par une certaine dureté dans le traitement et l’écriture de ses personnages et la prestation impeccable  de Simone Signoret dans son premier grand rôle. (YH)


Red Star Line (Daniel Cattier – Fabio Wuytack, 2013)

Ce documentaire raconte l'histoire de la Red Star Line, compagnie maritime née à la fin du 19e siècle et opérant jusque dans les années 1930. Elle a eu un grand rôle dans le transport des émigrants européens vers l'Amérique, emmenant un dixième de ceux-ci vers le nouveau continent. Conçu en trois épisodes, le film explique les différentes étapes du voyage: les motivations du départ et la route parfois longue pour atteindre Anvers, l'embarquement et le voyage ainsi que l'arrivée à New York et le début d'une nouvelle vie. Documents d'archives et témoignages d'émigrants (ou de leur descendance) apportent un éclairage très intéressant sur le sujet.  [ASDS]


Pour en savoir plus sur le musée du même nom :


Zoologie (André Cauvin – Alfred Machin, 1910-1960)

Cela se passe à Anvers comme ça pourrait se passer dans n’importe quelle ville. Le zoo est une tentative de faire monde, une synthèse forcée autant que faussée de mondes par nature irréductibles, par nature étrangers les uns aux autres. Et comme dans toutes les prisons, il y a un dedans et un dehors. Le dehors, la ville d’Anvers, ne figure ici qu’en tant que foule, masse humaine grouillant dans les allées du parc, se pressant contre les grilles, multitude indistincte contrastant avec l’évidente solitude des individus captifs. Dans le livret, Harry Schram, directeur de l’EAZA (European Association of Zoos and Aquaria), tente d’aller au-devant du malaise que ne manquera pas d’éprouver le spectateur sensibilisé à la cause animale au fil de cette anthologie d’images extraites des archives audiovisuelle du zoo d’Anvers. « Il est toujours risqué de juger des conditions d’autrefois à l’aide de normes contemporaines », finit par conclure cet homme dont le métier est de s’assurer que les zoos deviennent des endroits favorables à une rencontre interespèce, comme si la chose était possible. Certes, la violence dont ces documents font état contraste avec les commentaires d’alors, violence exercée contre les animaux en toute bonne conscience, relayée par un discours lénifiant, paternaliste et dénué de la moindre empathie. Qu’il s’agisse de capture, de transport ou de commerce d’animaux sauvages, qu’il s’agisse de ce que l’on impose à un animal arraché de son milieu (qu’il soit naturel ou artificiel, un autre zoo par exemple), par conséquent condamné à vivre comme l’ombre de lui-même sous la contrainte d’une exhibition, d’une alimentation, d’un climat, d’une sexualité et d’une inactivité que sa psyché et physiologie réprouvent, puis, à hauteur des maux engendrés par ce mode de vie délétère, soumis à des soins vécus comme autant d’agressions: gavage forcé, administration douloureuse de médicaments, aspersion régulière d’insecticides hautement toxiques, actes chirurgicaux délivrés sans anesthésie, etc. C’est un tableau éclatant de l’exploitation, un calvaire infligé au grand jour, un supplice érigé en spectacle. Précieuses pour ce qu’elles révèlent sans le vouloir et presque malgré elles, ces images (de propagande donc, absolument pas militantes) sont un matériau indispensable pour tous ceux qui considèrent que les zoos sont des endroits magnifiques où il fait bon d’emmener les enfants.  [CDP]

Anvers DVD Zoologie

Anvers, une ville en images (divers réalisateurs, 1897-1970)

Une sélection de 22 courts films documentaires tirés d’archives publiques ou plus rarement de collections privées, qui offrent, du début du XXème siècle au début des années 1970, un large éventail d’images (surtout) en noir et blanc de la ville d’Anvers et de son port, de ses habitants, de leurs traditions, et des événements exceptionnels qui s’y sont déroulés. Plutôt destinés à montrer une cité sous ses meilleurs attributs, ces documents se font tout autant le témoin des manifestations collectives à caractère officiel (processions et défilés, visite royale, jeux olympiques de 1920, image de l’occupation et de la libération, d’ouverture de tronçon d’autoroute, etc. ), que l’écho de la vitalité économique de ce grand port européen (image de bateaux faisant escale, de chantier naval au travail, d’inauguration d’entreprises) , ou encore, de la vie au quotidien des diverses franges de sa population (promenades au parc pour les uns, problèmes de logements insalubres pour les autres). La religion semble encore rythmer la vie d’une ville ouverte sur le monde qui n’en oublie cependant pas ses origines ouvrières.  [YH]


Rubens – La Gloire de la chair (Alain Jaubert, 1995)

En 1630, Pierre-Paul Rubens a 53 ans. Il est au sommet de sa gloire. Veuf, il se remarie avec une toute jeune femme de seize ans, Hélène Fourment. Dans les deux portraits du Louvre (« Hélène Fourment au carrosse », « Hélène Fourment avec ses enfants »), elle apparaît superbement vêtue et dans toute la splendeur de sa chair quelque peu débordante. Ces deux portraits « prétextes » permettent à Alain Jaubert, auteur et réalisateur des films courts de la série Palettes, de découvrir quelques secrets de l’œuvre du grand maître, les techniques utilisées, ou les éléments et personnages mis en scène dans certains tableaux. Cette « enquête » documentaire amène également l’auteur à s’intéresser au contexte (historique et politique) qui a vu naître ces peintures, ou certains motifs dont s’est inspiré le peintre, comme dans une courte séquence montrant quelques éléments architecturaux de la ville d’Anvers.  [MR]

Maison Rubens


Une playlist de PointCulture

coordonnée par Anne-Sophie De Sutter

et réalisée par Michael AveniaPhilippe DelvosalleCatherine De PoortereAnne-Sophie De SutterYannick Hustache et Marc Roesems

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