Bastogne - et l'Ardenne - au cinéma
Sommaire
La bataille des Ardennes au cinéma
Bastogne (William A. Wellman, 1949)
Réalisé en noir et blanc seulement quelques années après le conflit, Bastogne est construit autour d’une escouade de la 101 aéroportée initialement en permission et déroutée vers Bastogne, petite ville ardennaise et surtout nœud routier essentiel alors que les enfants lancent leur dernière et désespérée offensive d’envergure visant le port d’Anvers. Se déroulant pour l’essentiel sous les couverts boisés entourant la ville, à l’exception des quelques scènes « chez Denise », une habitante de la cité belge qui les héberge à leur arrivée, le film s’attache au quotidien morne et anxiogène d’une poignée d’hommes en ces ultimes journées de 1944. Au froid, à la neige, au brouillard, aux tirs à l’aveugle (amis comme ennemis) et aux privations liées au siège de la ville, s’ajoutent la confusion apportée par des soldats Allemands infiltrés sous l’uniforme américain, le sentiment d’éloignement et les inévitables questionnements sur l’absurdité de la guerre ! [YH]
Attack (Robert Aldrich, 1956)
Dans ce film de 1956 au casting impressionnant – Jack Palance, Lee Marvin… – inspiré d'une pièce de théâtre, et censé se dérouler en Belgique mais dont l’action se déroule de fait en des lieux imaginaires, Aldrich dresse sans complaisance le portrait d’officiers Américains portés au cœur des combats ! D’un côté, l’épris de gloire et de médailles capitaine Conney mais qui se révèle rapidement aussi lâche que veule et surtout responsable de la mort de G.I.’s envoyés en mission sans soutiens. De l’autre, son subalterne Costa, excellent soldat de métier, que la lâcheté de son officier supérieur conduira dans une spirale de folie vengeresse ! Et en allié indirect de Cooney, l’attentiste Lieutenant-colonel Clyde Bartlett qui refuse de voir la réalité en face pour des motifs politiques électoralistes. Film de guerre atypique superbement réalisé, bien peu suspect de réalisme, Attaque montre que ce ne sont pas toujours les valeurs de courage, de réalisme et de responsabilité qui sous-tendent l’action des hommes en guerre ! [YH]
The Big Red One [Au-delà de la gloire] (Samuel Fuller, 1980)
Une nuit, von Rundstedt nous a attaqués. Nous ne savions pas que c’était le début de la ‘Bulge’ . Vous avez entendu parler de ça ? La Battle of the Bulge, la Bataille « du saillant » ou Bataille des Ardennes ? Malmedy, Monschau, Bastogne. C’était affreux. Un tas de soldats « américains » qui étaient, en fait, des soldats allemands infiltrés. Ils sont arrivés avec des tanks. Ils mangeaient avec nous. Ils dormaient avec nous. Et ils nous tuaient. On devenait très soupçonneux devant chaque nouveau visage. (…) Après Bastogne, nous sommes allés en Tchécoslovaquie, dans les Monts Sudètes, là où tout avait commencé pour Hitler. La boucle était bouclée. Mais nous ne savions pas encore que ça serait la dernière bataille officielle – notre fin de la guerre – la libération d’un camp de concentration. — Samuel Fuller
S’exprimant ainsi dans la série d’interviews fleuves avec Jean Narboni et Noël Simsolo qui en 1986 donneront l’excellent livre de souvenirs Il était une fois… Samuel Fuller, le cinéaste-conteur revient sur ce passage-clé de sa vie où engagé dans la Première division d’infanterie américaine, la « Big Red One », il débarquera trois fois (en Afrique du Nord, en Sicile et à « Omaha Beach » en Normandie) et finira, au bout de l’horreur, par libérer et filmer le camp de Falkenau. En 1980, Fuller avait fini par réussir à filmer, avec Lee Marvin et Mark Hamill, la version fictionnelle, crue et lyrique à la fois – sorte de danse macabre – de son autobiographie. Dans la partie belge du film, Fuller inverse – se venge par la fiction ? – l’idée des Allemands infiltrés en tant que soldats américains : Stéphane Audran y incarne une résistante belge cachée parmi les fous d’un hôpital psychiatrique où les Allemands se sont retranchés et qui, au son d’un phonographe, les amadoue par la danse et les poignarde un à un pour faciliter la prise du lieu par les GI’s… [PD]
Band of Brothers (Frères
d’armes) épisode
6:
Bastogne (série télévisée, 2001)
Inspiré de faits réels, cet épisode de Band of Brothers suit les foulées d’un medic, un de ces infirmiers/médecins de première ligne, qui au péril de leur vie, tente d’apporter les premiers soins et/ou du réconfort aux blessés et mourants. Mais pour Eugene Rose de l’Easy Company, investi comme tous ses copains de la 101 Airborne dans la défense d’un secteur enneigé de forêt qui barre la route de Bastogne encerclée aux Allemands, le désespoir n’est plus très loin. Entre le matériel de première nécessité et le ravitaillement (bandages, sulfamides, pénicilline...) qui viennent à manquer cruellement, la mort qui frappe sans distinction, les engelures des uns et le moral chancelant des autres, les « espions » qui tentent de s’infiltrer dans les lignes et les attaques perpétuelles d’un ennemi toujours redoutable, il est bien difficile de ne pas flancher à son tour. Dans une église reconvertie en hôpital, le soldat fait la connaissance de Renée une infirmière du cru. Mais la ville sinistrée n’est pas quitte des bombardements qui la frappent au hasard… [YH]
Les Grandes Batailles de la seconde guerre mondiale, Vol.1 : G.I. dans la bataille des Ardennes (Laurence E. Mascott, 1991)
Construit autour de documents d’archive et de témoignages d’anciens G.I.’s, ce documentaire rend hommage, parfois au prix d’une certaine clarté du propos, au courage de ses soldats théoriquement stationnées dans le secteur calme des Ardennes et soudain plongés dans l’enfer de la une contre-offensive allemande de la dernière chance. Certains craquent (deux régiments de la 106ème division d’infanterie se rendent aux Allemands) d’autres sont fusillés froidement sur place (au carrefour de Baugnez) mais les G.I.’s, bien que pour la plupart inexpérimentés, vont faire preuve – une fois la surprise passée – tant individuellement (un homme capture seul une batterie entière à Foy !) que collectivement d’une ténacité qui sera pour beaucoup dans l’échec de l’offensive von Rundstedt, du nom du maréchal allemand qui la commandait. [YH]
Les Grandes Batailles : la bataille d’Allemagne (J-L. Guillaud, H. de Turenne et D. Costelle, 1994)
Dans la grande tradition française du récit historique à destination du plus grand nombre, ce documentaire basé sur des images d’archives des deux camps et les témoignages (en français) des acteurs d’époque replacés sur les différents lieux de leurs interventions. Didactique, travaillé par un souci constant de clarté et sans jamais se perdre dans le dédale des faits et trajectoires individuelles, il procède par allers et retours entre les plans stratégiques et tactiques et leurs traductions au quotidien, aussi bien pour les belligérants que pour les populations civiles prises sous le feu. Une excellente synthèse qui s’ouvre sur une remise en perspective globale (l’Allemagne au bord du gouffre fin 1944), fait part du sentiment de stupeur générale (personne n’attendait une attaque d’envergure dans ce secteur calme du front), puis montre le sang-froid Américain dans leur réponse rapide et graduelle à cette menace inattendue. Enfin il lie l’action de « Wacht am Rhein» – le nom de code allemand de l’opération – à l’offensive de diversion opérée en Alsace et censée fixer les forces américaines en France. [YH]
La Chute du 3ème Reich (1943-1945, Vol.2. Les Alliés envahissent l'Allemagne
Présenté sous la bannière « pour la première fois en couleurs » ce documentaire reprend l’architecture explicative (images d’archive, témoignages d’époque, cartes des opérations et commentaires en voix off, etc. ) presque usée des documents historiques audiovisuels à vocation grand public. Mais un peu trop confiant dans son dispositif/procédé qui consiste à affirmer que l’histoire parait plus attractive quand les images sont colorisées, il en oublie la relative banalité de sa ligne éditoriale qui ne fait aucun cas des recherches historiques plus récentes, et des trop nombreuses images couleurs provenant d’autres champs d’opérations que celui de la bataille des Ardennes, ou – plus préoccupant – filmées bien des années avant l’offensive von Rundstedt de 1944. Un brin tape à l’œil, mai qui a le souci de la concision quand on n’est pas trop regardant… [YH]
Les séries belges se mettent au vert
Sorties coup sur coup, La Trêve et Ennemi public, deux séries produites par la RTBF, ont su trouver
leur public. Et pour cause, ces deux créations originales ont réussi à imposer
un ton et des ambiances particulières qui donnaient à ces enquêtes policières
une touche d’onirisme bienvenue. Outre la qualité des scénarios et de la mise
en scène, l’un des éléments primordiaux, commun aux deux séries, est le choix
du lieu de tournage, la luxuriante forêt ardennaise.
Énigmatique et troublante dans La Trêve, elle se veut plus sauvage et cruelle dans Ennemi public. Ainsi ces vastes étendues boisées sombres, labyrinthiques ou juste intrigantes imposent tout leur mystère à des récits tout aussi troubles. Le cadre narratif trouve un écho pertinent sous les sous cimes feuillues de nos forêts où se croisent réalité et illusions, où la raison s’efface devant la nature indomptée et rebelle. [MA]
Une playlist de PointCulture
coordonnée par Anne-Sophie De Sutter
et réalisée par Michael Avenia, Philippe Delvosalle et Yannick Hustache