Berlin au cinéma
Paris-Berlin, destins croisés (Frédéric Wilner, 2015)
Cette série documentaire en quatre parties montre, à l’aide d’images aériennes, d’images de synthèse, de témoignages d’historiens et d’urbaniste, comment, depuis 1685, Paris et Berlin ont grandi ensemble, dans la fascination, le mépris, le conflit ou la critique, et comment ces jeux d’aller-retour ont modelé la physionomie des deux villes pour donner forme à ce qu’elles sont aujourd’hui. [MR]
Berlin, Symphonie de la grande ville (Walter Ruttmann, 1927)
Dès les premières images, Walter Ruttmann offre au spectateur une succession, frénétique pour l’époque, de séquences s’enchaînant de manière formelle, les parallèles entraînant d’autres parallèles, les diagonales en appelant d’autres. Chaque plan-séquence en appelle un autre, chaque ouverture de porte, de fenêtre, déclenche une autre porte, une autre fenêtre. La ville qui s’éveille est sériée en catégories : formelles, horaires, professionnelles. C’est d’abord l’éveil puis l’arrivée à la gare, puis à l’usine, puis à l’école, puis au bureau, puis au marché. Les mouvements de foule, fourmillement enrégimenté, se dirigeant d’un seul pas vers sa fonction sociale, est bien dans l’esprit du futur chantre du national-socialisme. La rigueur et l’ordre de ces masses humaines répondent au fonctionnement impeccable des trains, des machines-outils, et de la machinerie sociale en général. [BD]
Les Hommes, le dimanche (Robert Siodmak, 1930)
Mis en chantier collectivement (en coopérative) à Berlin, à la toute fin des années 1920, lors d’une des périodes les plus inventives et éblouissantes de l’histoire du cinéma (le cinéma muet juste avant la déferlante sonore), le film a été coréalisé par une sorte de ‘dream team’ de quelques débutants (qui n’étaient plus des « gamins », ils avaient quand même presque trente ans) qui plus tard deviendraient des grands noms du cinéma hollywoodien : les frères Robert et Curt Siodmak, mais aussi Billy Wilder, Edgar G. Ulmer, Fred Zinnemann… Les acteurs et actrices par contre, jouant quasiment leurs propres rôles ne tourneront (presque) plus par la suite. Pique-nique au milieu des joncs trente ans avant Le Déjeuner sur l’herbe (Renoir), « Brigitte et Christl à la plage » cinq décennies avant leur petite-nièce Pauline (Rohmer) … On a beaucoup parlé de film annonciateur du néo-réalisme (voire, par rebonds, de la nouvelle vague) à propos de cette évocation de quelques Berlinois et Berlinoises (chauffeur de taxi, marchand de vin ; vendeuse de disques, figurante au cinéma) en goguette au bord du lac de Wannsee, dans un va-et-vient entre la métropole et son proche poumon vert… [PhD]
Allemagne année zéro (Roberto Rossellini, 1948)
1945-1948, une nouvelle modernité cinématographique – celle du néo-réalisme ; après celle de l’apogée du muet des années 1920 – nait sur les décombres des capitales déchues des puissances de l’Axe : Rome, ville ouverte ; Berlin. Le nazisme a été militairement vaincu, Hitler s’est suicidé dans son bunker, on est loin des impressionnantes et triomphantes démonstrations de masse des Jeux olympiques de Berlin de 1936 (Olympia – Leni Riefenstahl) : l’Allemagne est exsangue et ses grandes villes ont été à peu près rasées par les bombardements alliés. C’est dans ce décor de ruines et dans le contexte de cette réalité de faim et d’abattement – que Marlene Dietrich lui a raconté – que Roberto Rossellini tourne le troisième volet de sa « trilogie de la guerre ». À Berlin, l'été après la capitulation allemande, la famille Köhler est obligée de partager avec quatre autres locataires un appartement trop exigu. Mais c’est avant tout l'histoire d'un personnage, le petit Edmund (12 ans), écartelé entre l’enseignement nazi qu’il a reçu et la nouvelle réalité, que veut raconter Rossellini. [PhD]
Berlin 56 (série télévisée - Sven Bohse, 2016)
À l’ombre des séries américaines et anglaises qui envahissent nos écrans, l’Allemagne produit depuis quelques années des programmes de qualité. Preuve en est avec ce magnifique Berlin 56 (Ku’Damm 56) qui revient sur le passé pas si lointain de la capitale allemande. Au sortir de la guerre – et avant la construction du mur – la RFA connut son miracle économique, une période faste calquée sur le modèle américain. À travers le destin ordinaire de trois sœurs, la série dépeint magnifiquement ce moment charnière de la capitale allemande. [MA]
Un Mur à Berlin (Patrick Rotman, 2009)
De la chute du nazisme en 1945 à ce qui annonce la chute du communisme, Patrick Rotman s’intéresse au symbole à la fois de la division de l’Europe, de l’affrontement de deux blocs, et de la tragédie allemande. À partir d’archives rares – comme celle qui ouvre le film, montrant une évasion en ULM – et d’entretiens avec des témoins et des acteurs politiques, le film évoque les deux Allemagne, les raisons de la construction du mur, la vie quotidienne, les évasions et les morts, les craquements de l’Europe de l’Est jusqu’à l’année 1989, l’effondrement final. [MR]
One,
Two, Three (Billy Wilder, 1961)
Trente ans après Les Hommes le dimanche [cf. ci-dessus], dans la foulée des succès de Certains l’aiment chaud [Some Like it Hot, 1959] et La Garçonnière [The Appartment, 1960], Billy Wilder revient à Berlin [et en studio à Munich] pour tourner en pleine guerre froide une comédie satirique hollywoodienne sur la ville divisée et les rapports difficiles entre les deux blocs. Briguant la présidence de Coca-Cola Europe, McNamara, le directeur de la firme pour l'Allemagne (interprété par james Cagney) tente à tout prix d'implanter la boisson dans la partie Est de la ville et du pays… Pendant le tournage du film (qui sortira en décembre 1961 aux États-Unis et en Allemagne – de l’Ouest), le 13 août 1961 les Allemands de l’Est commencent la construction du Mur, obligeant Wilder à coller à l’actualité et à inclure cette nouvelle donne dans la séquence d’introduction de sa pétaradante farce moqueuse. [PhD]
Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… (Uli Edel, 1981)
Sorti en 1981, le film dont le titre allemand Wir Kinder vom Bahnhof Zoo signifie « Nous, les enfants de la station Zoo », est tiré de la biographie de la jeune Christiane Felscherinow, écrite par les journalistes Kai Hermann et Horst Rieck. Publié à l’origine sous la forme d’un reportage pour le magazine Stern, avant de devenir un livre en 1979, l’histoire vraie de cette adolescente de 15 ans qui se prostitue pour subvenir à ses besoins quotidiens en héroïne a fait l’effet d’une bombe dans une époque assez naïve et ignorante de la condition de la jeunesse, et surtout de ses relations à la drogue. Le film suit la chute de Christiane F. depuis ses premiers contacts avec les stupéfiants, tout d’abord comme échappatoire à l’ennui, et pour imiter ses amis les plus branchés, jusqu’à sa plongée dans l’héroïne. Dans le décor glauque de la station Zoo, une gare connue comme lieu de trafic et de racolage, on assiste à sa déchéance progressive, ponctuée par la mort par overdose de ses proches. Tourné sur les lieux mêmes, ce film-choc tirera une partie de son succès de la présence de David Bowie (une scène de concert) et de sa participation à la bande-son (notamment avec « Helden », la version allemande du morceau « Heroes »). [BD]
Les Ailes du désir (Wim Wenders, 1987)
De retour en Allemagne après une parenthèse américaine, Wim Wenders revient sur ses terres natales pour y tourner Les Ailes du désir, fable poétique et mélancolique sur la ville de Berlin. Réalisé peu de temps avant la chute du Mur, le film nous expose une ville au carrefour du présent et du passé, passant en revue la diversité de l’architecture berlinoise, entre ruines (tristes souvenirs de la guerre), modernité (la bibliothèque d’État de Berlin) et vestiges de temps révolus (la colonne de la victoire). [MA]
Good Bye Lenin ! (Wolfgang Becker, 2003)
Berlin, 1989. Après avoir passé plusieurs mois dans le coma, une mère de famille se réveille enfin. Mais pour éviter de choquer cette ardente partisane du régime communiste, ses enfants se voient obligés de maintenir l’illusion d’une RDA toujours existante. Gros succès commercial lors de sa sortie, Good Bye Lenin ! revient avec humour et un rien de cynisme sur la chute du mur de Berlin et l’invasion libérale qui s’en est suivi. En abordant ce sujet historique par le biais d’un récit familial certes peu banal, le film évite de verser dans une quelconque revendication politique et déroule une palette de sentiments variés sur ce passé récent. [MA]
Berlin Babylon (Hubertus Siegert, 2000)
Attentif à toutes les fonctions symboliques prêtées à une ville au passé historique aussi lourd que l'ancienne capitale du IIIème Reich, le réalisateur focalise son regard sur le cas emblématique de la Potsdamer Platz. Pendant quatre années, il a accompagné des responsables (architectes, urbanistes, hommes politiques, promoteurs, etc.) de ce qui fut considéré comme le plus grand chantier d'Europe : la reconstruction du no man's land libéré par la destruction du mur entre les deux Berlin lors de la réunification allemande. [MR]
Berlin Calling (Hannes Stöhr, 2008)
Sorti en 2008, la fiction Berlin Calling nous emmène dans la vie nocturne berlinoise rythmée aux sons de musiques électroniques. Dans le rôle principal, celui de DJ Ickarus, on retrouve Paul Kalkbrenner, artiste et producteur bien connu de la scène électro allemande. En suivant ce personnage en perdition, le film nous emmène également à travers une capitale placée sous le signe de l’internationalisation, de la fête mais aussi – et surtout – d’excès en tous genres. C’est aussi l’occasion de visiter quelques lieux majeurs de la nuit berlinoise comme le Bar 25 et le Maria am Ufer. [MA]
L’Allemagne de … [série L’Europe des écrivains] (Olivier Morel, 2014)
Tiré de la série L’Europe
des écrivains, cet épisode laisse la parole à quatre auteurs majeurs de la
littérature contemporaine allemande. Grâce à leurs écrits et leurs témoignages
recueillis dans des lieux emblématiques – trois d’entre eux vivent à Berlin –
le film montre comment l’œuvre de chacun d’eux s'est ancrée dans les multiples
dimensions historiques d'un pays transfiguré en quarante-cinq ans par la fin du
nazisme, la séparation traumatique en deux camps et les soubresauts d'une
réunification soudaine.
Ainsi, comme le montre l’extrait, Christoph Hein qui, habité par le poids de
l’héritage, ne cesse de combattre ceux qui veulent épurer l’histoire allemande. [MR]
une playlist de PointCulture cordonnée par Michaël Avenia et Marc Roesems
(avec l'aide de Benoit Deuxant et Philippe Delvosalle)
photo de bannière:
Moi, Christiane F. 13 ans, droguée, prostituée [Christiane F. - Wir Kinder von Banhof Zoo], Uli Edel, 1981