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Buenos Aires en musiques

Buenos Aires - hommes dansant le tango
Un portrait de Buenos Aires en une douzaine de disques, n'éludant bien sûr pas le tango mais soulignant aussi l'hybridation récente des musiques au contact de l'électronique et les échanges avec le reste du continent sud-américain, l'Europe (en particulier l'Allemagne) et l'Afrique...

Sommaire

Le tango (classique et renouvelé)

Carlos Gardel – le tango classique

L'âge d'or du tango – des années 1930 à 1950 – ne pourrait être évoqué sans mettre en avant le rôle du grand chanteur Carlos Gardel (1890-1935), artiste qui fait encore aujourd'hui l'objet d'un véritable culte. Enfant des rues, immigrant et bâtard, il est devenu le symbole de la réussite, charmant le monde entier avec sa personnalité rayonnante et la magie de sa voix. Jusque dans les années 20, le tango était une musique de danse essentiellement instrumentale mais Gardel rendra sa version chantée très populaire, contant des histoires souvent mélancoliques et pessimistes. Il contribue à définir le répertoire classique avec des pièces comme « Cumparsita » (1927) et « Adios Muchachos » (1928) et chante également Buenos Aires dans des morceaux comme « Mi Buenos Aires querido ».  [ASDS]


Astor Piazzolla – le renouveau du tango

Bien qu'il ait commencé sa carrière avec le chanteur de tango classique Carlos Gardel, Astor Piazzolla (1921-1992) transformera profondément le style. Il étudie les traditions mais aussi la composition classique, notamment avec Nadia Boulanger à Paris et commence dès les années 1950 à expérimenter avec le son du tango, cherchant de nouvelles manières d'interpréter ce style caractéristique des bas-fonds de Buenos Aires et tentant de conquérir de nouveaux publics – plus sérieux peut-être. Il ajoute des sonorités avant-gardistes, parfois jazz ou rock, qui ne seront pas toujours appréciées par les puristes argentins. Beaucoup considèrent son album Tango: Zero hour comme le meilleur de sa carrière. Edité en 1986 par le label American Clavé, il rassemble Piazzolla au bandonéon et le Quinteto Tango Nuevo dans des compositions originales inspirées par « l'heure zéro », ce moment sombre et mystérieux entre minuit et l'aube.  [ASDS]


Deux compositeurs modernes

Alberto Ginastera : un arbre fécond aux racines apparentes

Comme Carlos Chavez au Mexique, Celso Garrido Lecca au Pérou ou même Heitor Villa-Lobos au Brésil, Alberto Ginastera (1916-1983) traverse les révolutions musicales du 20ème siècle sans vraiment  quitter l’orbite de sa planète natale. Partant de modèles nationaux reconnaissables (Panambí – 1937), il finit en effet par s’inventer un folklore argentin imaginaire (Las horas de una estancia – 1943) pour ensuite, influencé par le dodécaphonisme, intensifier la dissonance. Mais cette dernière n’a rien perdu du pouvoir que lui conféraient les madrigalistes de la Renaissance, celui de traduire un affect, une tension. Ginastera qualifie lui-même ce style de néo-expressionniste et quand, en phase avec le modernisme, il bouscule les équilibres rythmiques et mélodiques (Cantata para América Mágica – 1960), c’est,  à l’instar de ses confrères sud-américains, pour retrouver la matière brute des fondements précolombiens. L’impact de Ginastera sur le paysage musical argentin et même sud-américain n’a rien perdu de son actualité. Ne devait-il pas, dès 1937, enseigner la composition à un certain Astor Piazzola ?  [JL]


Mauricio Kagel : tout est musique

Bruits, sons instrumentaux et vocaux non formatés, cris figurent parmi les ingrédients de la cantate Anagrama que Kagel compose à Cologne en 1957, à peine débarqué de Buenos Aires. L’œuvre place d’emblée Kagel dans le peloton de tête de l’avant-garde et prend le contre-pied des cours dispensés alors à Darmstadt. Ouvert sur le monde, Kagel ne peut en effet s’accommoder d’un système sériel fondé sur les seuls paramètres auditifs et fonctionnant en vase clos. Fondateur de la Cinémathèque argentine et directeur du Théâtre Colon de Buenos Aires, Kagel connait le pouvoir dramatique du visuel, de  l’espace et de la gestuelle par lesquels il va élargir et même redéfinir l’expérience musicale. Depuis le geste de l’instrumentiste qui change la perception auditive (Sur Scène, théâtre musical de chambre en un acte – 1959-60, Match pour 3 interprètes – 1960) au jeu des forte, piano, crescendo et decrescendo qui dramatisent l’espace (Marches pour manquer la victoire – 1978-79), sans oublier l’emploi d’instruments improbables (Der Schall – 1968 avec tuyau d’arrosage, Acustica – 1968-70) ou multimédia avant la lettre (Diaphonie III pour chœur et projecteurs de diapositives – 1964), il ne néglige rien de ce qui participe à la théâtralité instrumentale. Baptisé précisément théâtre instrumental dès les années soixante et combiné avec celui de théâtre musical, ce concept ouvre un champ d’inventivité aux limites du faisable et où toute forme définie, reconnaissable, qu’il s’agisse de musique ou de société, est appelée à rencontrer son antithèse. (Staatstheater, composition scénique – 1971).  [JL]


Hybridations électroniques

Elektronische Musik aus Buenos Aires (1999)

À la fin des années 1990, le centre créatif mondial des musiques électroniques est ancré en Allemagne, en particulier à Berlin et à Cologne. Le reste de l’Europe, l’Angleterre, les États-Unis, le Japon sont en retrait. Et « le reste du reste du monde » ? Le public, même les afficionados d’electronica et de clicks ‘n cuts n’en sait trop rien. C’est pour parer à ce vide, qu’en 1999, Jacqueline Klein et Riley Reinhold du label de Cologne Traum sortent une compilation documentant l’état de la scène électronique argentine des années 1990. En 14 morceaux entrainants, mélancoliques ou délicats signés Gustavo Lamas, Yuxtapose ou Ocio, l’auditeur y découvre les cousins éloignés de Mouse On Mars, Thomas Brinkmann ou Wolfgang Voigt. Un partage d’influences, une filiation entre l’Europe (germanique) et l’Amérique du Sud y apparaît de manière indubitable mais avec à chaque fois un je-ne-sais-quoi de local et de personnel. Comme l’a écrit l’essayiste – et musicien – Jorge Haro dans son article « Techno argentina de los noventa », on peut y voir comme des « fotocopias borroneadas y enriquecidas » : des photocopies, mais floues… et enrichies.  [PhD]



Juana Molina, strange bird


La musique de Juana Molina est à l’image de son parcours : surprenante. Cette chanteuse quinquagénaire débute en tant qu’actrice comique à la télévision argentine. À trente ans, elle décide de tout plaquer pour se réorienter vers sa véritable passion. Son premier album est apprécié ce qui lui permet, par la suite, de signer chez Domino Records en Angleterre et chez les Bruxellois de Crammed Discs. Comme le dit le proverbe : « nul n’est prophète dans son pays », c’est donc d’abord à l’étranger qu’elle reçoit le meilleur accueil.

Et pour cause, l’univers de cette artiste est étrange, hypnotique, déjanté. Les mélodies nous prennent par la main et nous emmènent en balade. La part d’onirisme est prégnante, tant dans les clips vidéos que dans les sonorités produites. Cela fait probablement écho à sa manière de créer. Tard dans la nuit, à moitié éveillée dans son studio d’enregistrement, Juana Molina trouve l’inspiration. Sa voix suave, le mélange des cordes avec la batterie, le synthé et les samples participent à la construction d’un son oscillant entre la folk, l’électro-pop et la musique expérimentale. Les disques de Juana Molina sont de ceux qu’il faut écouter à plusieurs reprises. À la première écoute ils attisent notre curiosité, à la seconde écoute ils questionnent notre oreille et enfin, ils parviennent à nous apprivoiser et vice versa. La musique de Juana Molina se mérite, simplement.  [AHD]




De la cumbia à la 'cumbia digital'

En fin de soirée, dans toutes les fêtes, tous les milieux sociaux, on écoute la cumbia. Qu'on soit dans un ghetto de Buenos Aires ou au mariage de jeunes pleins aux as, on écoute de la cumbia. Tout le monde danse sur de la cumbia en fin de soirée! — Grant C. Dull - directeur de ZZK Records

Du global au global en passant par le local: ainsi on pourrait décrire l'évolution de cette musique hybride qu‘est la cumbia. C’est d’abord en Colombie que les trois éléments mondiaux principaux se sont croisés, à savoir les influences des esclaves noirs, des amérindiens et des européens. La cumbia doit à l’Afrique notamment sa richesse rhytmique; les mélodies claires et répétitives de flûtes parviennent des tribus indigènes d‘Amérique. C‘est eux aussi qui agrémentent les rhytmes par des hochets remplis de graines - les maracas. Les textes en vers ainsi que des instruments supplémentaires comme la guitare et l’accordéon viennent d‘Europe.

Peu après sa naissance la cumbia s’exporte dans tous les pays d’Amérique latine et dans certaines parties d’Amérique du Nord où chacun ajoute ses couleurs et saveurs locales. Même s'il existait de nombreuses formes hybrides dans d'autres pays, c'est l'Argentine qui a placé ce nouveau style de musique sur la carte internationale. Ici, une nouvelle génération de musiciens, DJs et producteurs, expérimente les anciens sons du folklore avec les nouvelles technologies pour créer ce mouvement nommé cumbia digitale, regroupant plusieurs sous-genres dont la folktronica, la musique latino expérimentale et beaucoup d’autres musiques sud-américaines contemporaines bâtissant des ponts entre les expressions folkloriques de tout un continent et le reste du monde. Cette évolution récente engendre un changement très important car auparavant la cumbia était considérée comme la musique des pauvres : « les classes sociales moyennes et élevée méprisaient ouvertement cette musique. Heureusement au fil des années la stigmatisation disparaît » explique le musicien Pedro Canale dans le reportage Dig it! - Cumbia Digitale, Arte TV. Un catalyseur non-négligeable de la scène cumbia digitale à Buenos Aires est sans aucun doute le label ZZK Records jaillissant des soirées au Zizek Club. Créé en 2008 le label reprend actuellement une vingtaine d’artistes, dont Chancha Via Circuito, La Yegros, Nicola Cruz, Dat Garcia… Une richesse musicale à découvrir absolument !  [RC]









Sources (sur la cumbia) : Dig it! - Cumbia digitale (Arte Creative) - zzkrecords.com - article d'Anne-Sophie De Sutter



une playlist collective de PointCulture signée :

Anne-Sophie De Sutter, Roxana Černický, Alicia Hernandez-Dispaux, Jacques Ledune et Philippe Delvosalle.

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