Cinémenteurs, faussaires et manipulateurs
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Adam McKay : Don’t look up (2021)
Deux astronomes (joués par Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio) découvrent qu'une météorite détruira bientôt la Terre. Alarmés, ils tentent de prévenir le monde, en se lançant dans une tournée médiatique pour prévenir l'humanité de la probable et inévitable fin du monde, mais leurs avertissements sont ridiculisés par les médias et ignorés par la population. Le film se présente comme une satire ironique et mordante du contexte actuel, critiquant l'aveuglement face aux crises environnementales et l'inaction politique. Adam McKay explore avec finesse les conséquences des fake news et de la désinformation, en montrant comment les médias, internet et le jeu politique l’emportent sur les faits scientifiques. Sur le ton d’une comédie acide, le film démontre l'incapacité de la masse à prendre au sérieux les avertissements d’une catastrophe imminente, préférant s’enfermer dans le déni face à l'effondrement global. La prouesse du film est de réussir avec habileté, intelligence et équilibre à créer une comédie aussi acerbe que crédible. (IK)
Nikita Mikhalkov : 12 (2007)
Douze membres d’un jury sont confinés pour débattre du destin d’un jeune homme. Les avis sont unanimes à l’exception de l’un d’entre eux qui, peu à peu, fera changer les points de vue. Ce remake de 12 hommes en colère de Sidney Lumet respecte le synopsis original en le transposant dans la Russie des années 2000. Le film révèle différentes couches sociales de l’ex-URSS, les dysfonctionnements d’un pays en faillite et met en exergue le coupable idéal en la personne d’un jeune Tchétchène accusé d’avoir assassiné son père adoptif, un officier de l’armée russe.
Si le film contient certaines maladresses, comme les profils caricaturaux qui composent le jury, son intention résonne dans nos sociétés occidentales qui, derrière la représentation de la démocratie, se reposent souvent sur le coupable idéal. L’Arabe en Europe est ce Tchétchène que tout accuse, potentiellement délinquant, islamiste, voire les deux à la fois. Ce sont, aussi, les images stéréotypées par nos sociétés qui créent la fausse information. (HG)
Richard Brouillette : L'encerclement (2009)
L’encerclement, malgré son titre, n’est pas le patient décorticage explicatif d’un complot ourdi en coulisse à des fins de domination du monde, mais bien la description du lent cheminement d’une pensée depuis les lieux obscurs de sa formulation dans l’immédiat après-guerre (Société du Mont-Pèlerin), jusqu’à sa complète interpénétration du réel, au point d’être confondu avec lui. C’est aussi le premier jalon d’une réfutation idéologique qui a bien du mal à se faire entendre ! Choix du noir et blanc, tournage en 16 mm, l’austère parti pris formel adopté par le Québécois Richard Brouillette reflète son désir de demeurer rivé au texte. L’idée maîtresse de ce film, énoncée tel un postulat démonté et démontré en dix chapitres, est de montrer comment l’idéologie néolibérale, de simple discours philosophico-économique, s’est érigée en une pensée unique à visée globale, dégagée des contextes socio-économiques particuliers. À travers l’exemple des think tanks à l’œuvre dans les écoles/universités canadiennes et des interventions (ubuesques) de deux sommités libertariennes locales mises à mal par une kyrielle d’intervenants (Chomsky, (feu) Bernard Maris…), le film souligne de façon inquiétante l’absence d’une pensée alternative. (YH)
Margarethe von Trotta : Hannah Arendt (2012)
C’est autant la femme d’âge mûr que la controverse qui entoura son concept le plus audacieux, la banalité du mal, qui structurent le portrait de cette figure pionnière de la réflexion sur le totalitarisme. Emaillé de brefs retours en arrière, le film se concentre sur la publication d’un ensemble de cinq articles que la philosophe rescapée des camps fit paraître en 1963. Ces textes, rédigés après le procès d’Eichmann auquel elle assista en personne, renvoient du criminel de guerre nazi l’image d’un homme médiocre, tortionnaire par devoir, simple rouage d’une bureaucratie dépourvue de conscience. Au scandale soulevé par cette thèse rapportée au principal responsable de la solution finale s’ajouta le violent rejet suscité par la mention du rôle actif que prirent certains Juifs dans les camps à l’encontre des leurs. Ces débats qui agitèrent l’époque, le film se met en défaut de les restituer équitablement en prenant de manière significative le parti du personnage d’Hannah Arendt incarnée par la grande actrice allemande Barbara Sukowa. (CDP)
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Emilio Pacull : Hollywood Pentagone, 2 : Opération Hollywood (2004) / John Huston : Let there be light (1946)
Opération Hollywood radiographie plus de soixante ans de cinéma de guerre américain et décrypte la façon dont le Pentagone façonne notre regard sur la représentation des militaires et sur l’histoire de l’Amérique à travers des productions aux budgets colossaux et à la trame narrative très souvent simpliste. « Les Américains adorent les films de guerre, parce qu’ils opposent les bons et les méchants. Et parce que les bons gagnent à la fin. ». Après la guerre du Vietnam, des voix s’élèvent pour dénoncer l’impérialisme américain et certains réalisateurs courageux s’en font l’écho en refusant d’en changer le scénario afin de conserver leur intégrité artistique. Ponctué de nombreux extraits et de témoignages édifiants, le film est de facture classique, mais son intérêt réside dans son complément, une pépite filmée en 1946 par John Huston – Let there be light – censuré pendant trente-cinq ans aux États-Unis. Et pour cause, il évoque les traumatismes psychologiques provoqués par la guerre sur les rescapés... Poignant et passionnant, loin de toute manipulation. (MB)
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Henri Verneuil : I comme Icare (1979)
Exemple parfait du film de complot à la française, ce long métrage détourne des événements réels pour suggérer une vérité bien plus dérangeante. Calquée sur les enquêtes, officielles ou non, autour de l’assassinat du président Kennedy, l’histoire révèle progressivement une machination plus complexe qu’il n’y parait. Située dans un pays imaginaire, elle raconte les investigations du procureur Volney, seul à ne pas croire à la thèse du tueur solitaire et voulant prouver l’existence d’une conspiration organisée, ne laissant aucun témoin derrière elle. Classique du genre à plus d’un titre, on retrouve ici tous les éléments de ce type d’intrigue, au cinéma comme dans la réalité : le héros est seul, ou presque, contre tous, l’ennemi est puissant et infiltré à tous les niveaux de l’État, les apparences sont trompeuses, la version officielle est trop commode. Le film est également notable pour sa représentation à l’écran de l’expérience de Stanley Milgram sur le conditionnement et l’obéissance à l’autorité. (BD)
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Jim McBride : Le journal de David Holzman (1967)
Présenté comme le premier documenteur de l’histoire, Le journal de David Holzman est bien plus que cela. En mettant en exergue la célèbre phrase de Jean-Luc Godard (« Le cinéma, c’est la vérité 24 fois par seconde »), McBride dévoile l’objet de son discours : quelle est la part de réel et de vérité dans ce qui est montré par le cinéma ?
Réalisé en 1967, il apparaît comme le parfait contrepoint au cinéma direct alors en plein essor. Pour la plupart des spectateurs qui ont vu le film à sa sortie, il était difficile de savoir s’il s’agissait d’un documentaire ou d’une fiction. Comme pour renforcer ce sentiment, McBride débute son métrage en présentant son matériel (caméra, enregistreur…), ce filtre qui convertit le réel en fiction. Et s’il est vrai qu’il prend un malin plaisir à déconstruire les convictions des cinéastes qui se réclament du cinéma direct, ce n’est que pour lui apporter une dimension nouvelle : le cinéma direct ne se pose plus uniquement en miroir de la vérité, mais devient également un objet de réflexion sur le cinéma. Un travail qui n’est pas sans rappeler celui de Peter Watkins. (MA)
Michael Radford : 1984 (1984)
Cette deuxième adaptation du célèbre roman de George Orwell nous immerge dans une dystopie où trois super-États (Océania, Eurasia et Estasia) sont en guerre perpétuelle. Winston Smith, employé du Ministère de la Vérité d'Océania, réécrit l'Histoire pour servir les intérêts du régime totalitaire dirigé par Big Brother. Alors qu'il tente de conserver un semblant d'individualité en écrivant un journal secret et en redécouvrant l'amour, sa rébellion intérieure est inévitablement écrasée par la police secrète.
Michael Radford réussit à capturer l'atmosphère oppressante du roman en misant sur une esthétique visuelle sombre et monochrome, qui reflète l'aliénation psychologique de Winston. Mais au-delà de l'aspect visuel, le film aborde des thématiques telles que la manipulation de la vérité, le saccage du langage, ainsi que la déconnexion entre réalité et perception, révélant l'hypocrisie du pouvoir et la montée des "méga-États" où la technologie répressive domine un individu impuissant. Une « novlangue » est utilisée pour restreindre les limites de la pensée et pour tarir la source même de la dissidence dans le langage, dissidence qui devient dès lors impensable. (DBF)
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Sidney Lumet : Network (1976)
À l’heure où les fake news sur les réseaux sociaux inquiètent, voici un film qui, en 1976, dénonce les chaines de télévision qui ne s’embarrassent pas de scrupules moraux au profit de l’argent. En permettant à l’un de ses présentateurs pris de dépression d’exprimer sa colère à l’antenne, la chaine UBS voit son audimat grimper en flèche. Malgré la parodie commerciale de son émission, ce dernier dévoile des vérités généralement dissimulées dans les médias, devenant ainsi un gourou de la révolution. Dans une mise en scène qui impressionnera le présentateur pris de folie, le grand patron de la chaine le convainc de transformer son discours en propagande capitaliste.
Chaque film de Sidney Lumet place les protagonistes face à leurs responsabilités morales ; dans Network, c’est la moralité de tout un système médiatique qui est questionné. Une moralité qui n’a pas changé en quarante-huit ans. Ce sont les avancées technologiques qui ont donné plus de moyens à la désinformation. (HG)
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Dan Gilroy : Night Call (2014)
Les chaines de télévision américaines sont adeptes des images choc qui remplacent l’esprit critique par un sentiment d’insécurité. Génériques épiques et faits divers scabreux attirent le chaland et la gravité du ton permet d’oublier les vrais problèmes de société. Le héros de Night call est un de ces journalistes à l’affût d’images crues qu’il pourra vendre à prix d’or : accidents de la route, cambriolages, braquages, tout y passe.
Au-delà de l’excellence du film grâce à l’image, la musique et la performance de Jake Gyllenhaal, l’histoire fait écho à un phénomène davantage présent dans une société de communication où les médias ont de moins en moins de scrupules. Tout en développant une censure aussi sévère que mal placée, les réseaux sociaux regorgent d’images choc sous forme de photomontages humoristiques, remettant en question des luttes qui, depuis plusieurs années, cherchent à faire évoluer les modes de pensée. Des images fabriquées que l’on partage en un clic parce qu’elles nous font rire ou réveillent l’une ou l’autre peur. (HG)
Gilles Balbastre & Yannick Kergoat : Les nouveaux chiens de garde (2012)
Adapté d’un essai de Serge Halimi, longtemps directeur du Monde Diplomatique, ce film documentaire soulève la question de l’indépendance de la presse française dans un contexte de concentration des médias aux mains d’une poignée de milliardaires. Tout comme, en son temps, le philosophe Paul Nizan dénonçait la propension des intellectuels à perpétuer l’idéologie bourgeoise, le film de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat expose la collusion – quand il ne s’agit pas d’obséquiosité – entre le personnel politique, la classe industrielle et les journalistes vedettes des journaux et autres chaînes de grand chemin. Sa ligne directrice consiste à mettre au jour les conflits d’intérêt qui compromettent ces derniers eu égard à leur mission d’information objective des masses. Assez ironiquement, et ce à l’image du ton employé par le narrateur en voix off, le travail de montage réalisé sur base d’images d’archives retourne le médium télévisuel contre lui-même et ébranle considérablement le mythe de la pluralité d’opinion au sein de l’écosystème médiatique. (SD)
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William Karel : Opération Lune (2002)
On prétend souvent que les images ne mentent pas, contrairement aux mots. Pour cette raison, les photographies et les films sont souvent présentés comme des preuves irréfutables. William Karel, qui se décrit lui-même comme un « documenteur », donne la démonstration du contraire. À partir d’images et de témoignages authentiques, il construit avec ce reportage une histoire édifiante, qui devient de plus en plus incroyable au fil de ses 52 minutes. Il expose une théorie complotiste fort répandue : les images des premiers pas de l’homme sur la Lune sont des faux, tournés en studio. Sur base de documents d’époque et d’interviews, Karel nous présente la thèse séduisante et effrayante à la fois d’un énorme mensonge orchestré en haut lieu. Il le démontre en dévoilant une machination complexe qui relie le président Nixon, l’ingénieur Werner Von Braun et le cinéaste Stanley Kubrick. Mais le doute s’insinue progressivement dans son propre propos et des failles commencent à apparaitre dans l’exposé. (BD)
Béatrice Pignède : Propagande de guerre, propagande de paix (2004)
Ce film documentaire présente des extraits d’émissions et de journaux télévisés sur les interventions en Irak, de 1991 et de 2003, et explore la manipulation médiatique dont est victime le public tout en la comparant à celle présente dans d’autres conflits (Deuxième Guerre mondiale, Afghanistan, Kosovo…). Sous le regard croisé d’intellectuels européens (dont Anne Morelli et Jean Bricmont) et américains, les contradictions, les dissimulations, les arguments absurdes et cyniques avancés par le pouvoir dans les médias pour justifier les combats armés sont mis à jour de façon claire et pédagogique, à l’aide d’un montage efficace et bien rythmé. Propagande de guerre, propagande de paix ou comment une propagande complexe et répétée désinforme l’opinion, fait le jeu des pouvoirs et finit par fausser tout débat critique. Un outil de décryptage puissant de la propagande dans ses méthodes et objectifs, malheureusement toujours d’une actualité brûlante. (MB)
Marc Levin : Les protocoles de la rumeur (2005)
Les attaques contre les tours du World Trade Center à New York et contre le Pentagone à Washington le 11 septembre 2001 ont rallumé les braises d’un antisémitisme résilient et protéiforme que la sortie du dernier film de Mel Gibson - La Passion du Christ – en 2004 n’a guère apaisé. Juif américain new-yorkais, Marc Levin, après avoir mené sa petite enquête sur les rumeurs imputant aux Juifs/Israéliens la responsabilité des attentats, part à la rencontre de la nébuleuse étrange réunissant adeptes de la théorie d’un complot « juif mondial » : musulmans US, suprémacistes blancs, et dans une certaine mesure, chrétiens catholiques et évangéliques, qui tous véhiculent mythes et légendes, rendant compte d’une volonté de mainmise mondiale (et secrète) dans le chef des « Fils d’Israël ». Comment ? En s’appuyant sur le livre Les Protocoles des Sages de Sion, un faux plagiaire assemblé à l’aube du XXe siècle par les services secrets du Tsar, discrédité dès les années 1920 mais qui continue d’être imprimé dans toutes les langues. Un sujet hélas toujours d’actualité, mais qui ne parvient pas à faire perdre mesure et humour à cet anti Michael Moore qu’est Marc Levin. (YH)
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Peter Watkins : Punishment Park (1971)
Punishment Park relève d’une uchronie, la possible déclaration d’un état d’urgence par le président. Elle permettrait l’arrestation de tout individu soupçonné d’atteinte à la sûreté de l’État. Un tribunal civil est réuni pour le procès d’un groupe de « révolutionnaires ». Pendant ce temps, d’autres accusés participent à un « jeu », alternative à l’incarcération : ils ont trois jours pour échapper aux forces de police lancées à leur poursuite pour atteindre un drapeau américain situé à plus de 80 km. Ce film puise sa force dans l’hypocrisie évidente qui peut sévir aux États-Unis chez une frange de la population bien-pensante et garante de la moralité. Le cinéaste opte pour une forme documentaire. Passant des séances de tribunal aux scènes de course-poursuite, il saisit avec frénésie et fureur cette tyrannie arbitraire. Car c’est là le paradoxe de ce pouvoir réactionnaire, c’est en prenant des mesures tyranniques qu’il se voit générateur d’un chaos plus important que celui qu’il tenait à éviter. (MA)
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Rodney Ascher : Room 237 (2012)
Quand il décide d’adapter le livre Shining de Stephen King, Stanley Kubrick a déjà derrière lui une filmographie qui impose le respect. Sa réputation de créateur méticuleux et perfectionniste couplée au rendu tant labyrinthique que foisonnant de l’adaptation ont fait naître autour du film une kyrielle d’interprétations parfois pertinentes mais souvent délirantes. C’est autour de quatre visions de « Shinologists » que Rodney Ascher construit son documentaire. Ce n’est pas tant la valeur congrue de ces interprétations qui importe ici, mais bien ce qu’elles dévoilent. Elles agissent ici comme un révélateur non pas du film mais du Cinéma en tant que forme artistique. Ce documentaire est construit comme un assemblage de séquences du film entrecoupées d’extraits d’autres œuvres cinématographiques, principalement de Kubrick. Ce que le réalisateur nous propose est avant tout une plongée dans l’inconscient créatif du cinéaste. Et peut-être est-ce là la volonté du cinéaste : questionner la réalité perçue et stimuler les perceptions. (MA)
Alison Klayman : Steve Bannon, le grand manipulateur (2019)
Le visage marqué et rougeaud, une silhouette arrondie de comptable grisonnant porté sur les plaisirs de la table, le regard insistant, une garde-robe terne, « le discret » Steve Bannon a fait irruption au sein de l’actualité internationale suite à son limogeage de son poste de conseiller à la Maison-Blanche en 2017. Ce catholique conservateur et populiste, éminence grise des Républicains et faiseur d’opinion (via les médias du groupe d’information d’extrême droite Breitbart), est un ancien de la banque Goldman Sachs rallié depuis à l’idée du nationalisme économique. Il tentera en 2018 de fédérer, via The Movement, l’ensemble des partis de droite radicale (et certains conservateurs) en vue des élections européennes de 2019. Mais en ces temps de post-Brexit et malgré les apparences, Bannon, orateur moyen et connu pour ses accès de colère, garde le contrôle tout au long du reportage mais échoue à trouver une ligne directrice tant politique qu’économique entre eurosceptiques/souverainistes (UKIP, PVV) et « eurofrileux » (FN, Vlaams Belang, Lega et feu le groupuscule Parti Populaire de Mischaël Modrikamen…). Un reportage in situ, glaçant. (YH)
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Paul Verhoeven : Total Recall (1990)
Loin du sérieux attendu d’une filmographie marquée par la Deuxième Guerre mondiale, le cinéaste, dont la carrière internationale court aujourd’hui sur plus d’un demi-siècle, use de l’ironie et du kitsch pour dépeindre un monde possédé par les images. Un parti pris qui, adossé au refus du politiquement correct, fut souvent mal perçu, le public étant peu enclin à apprécier le second degré sur des thèmes aussi sensibles que la violence féminine (Basic Instinct), le viol (Elle), ou la foi (Benedetta). Moins polémique que les précédents mais tout aussi ambigu, Total Recall est l’adaptation d’une nouvelle de Philip K. Dick, génial auteur de science-fiction américain dont les récits paranoïaques ne cessent d’alimenter la banque à scénarios hollywoodienne. Multipliant les pistes narratives et les hypothèses d’interprétation, le récit ne délivre aucune clé quant au statut, réel ou fantasmé, de ce que vit le héros. Cette irrésolution conduit à une mise en doute de l’expérience telle que le cinéma la produit dans sa matérialité même, ici avec un art consommé de l’artifice qui ne doit rien au numérique. (CDP)
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Dennis Gansel : La vague (2008)
Librement inspiré de « La Troisième Vague », une expérience du professeur d’histoire Ron Jones avec ses élèves, ce film allemand montre comment un enseignant veut expliquer le fonctionnement d'un régime totalitaire à sa classe en leur imposant des règles strictes, démontrant ainsi la facilité avec laquelle les individus peuvent suivre aveuglément un leader charismatique. D’abord sceptiques, les élèves se laissent peu à peu séduire par le sentiment de puissance et d'appartenance que procure la communauté "La Vague", qui va rapidement se muer en un véritable parti politique avec son salut, son symbole, son uniforme… Ce qui n'était initialement qu'un jeu de rôle va échapper à tout contrôle, car les élèves perdent progressivement leur sens critique et leur autonomie en se fondant dans le collectif, ce qui les conduit à une perte de jugement individuel et à des comportements violents. Certains d’entre eux deviennent ingérables et leur brutalité va même s’exprimer à l’extérieur du lycée. Ce film nous rappelle combien la démocratie peut être fragile face à des idéologies autoritaires. (PB)
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Adam McKay : Vice (2018)
11 septembre 2001, dans la salle de crise de la Maison-Blanche. Le tumulte règne. Les images effroyables défilent sur les écrans de télévision. La peur se lit sur tous les visages. Excepté sur celui de Dick Cheney. Il est en pleine réflexion. Le tri s’effectue. Le puzzle mental se met en place. Comment transformer cet événement dramatique en opportunité, en ressource ? Les mots-clés prennent forme : désinformation, manipulation, endoctrinement, déstabilisation. Ceux-ci deviendront son courant de pensée durant ses années de vice-présidence. C’est une des scènes initiales de Vice. Une mise en scène originale réalisée durant le mandat de Donald Trump avec qui il est difficile de ne pas faire de parallèle. Elle propage son humour courroucé de manière effroyable et ahurissante. À l’image de cet homme, politiquement habile et fourbe, n’hésitant pas à travers toute sa carrière à fabriquer, propager et manœuvrer tout ce qui était possible au service de son ambition et de son enrichissement personnel. (StS)
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Alex Gibney : We steal secrets : La vérité sur WikiLeaks (2013)
Ce film documentaire analyse l’émergence de WikiLeaks par le prisme de son fondateur controversé. Malgré le concours d’intervenants de poids tels que Daniel Domscheit-Berg – ancien numéro 2 de l’organisation –, la focale se resserre inéluctablement autour de la personnalité de Julian Assange, vedette du film d’Alex Gibney, comme celle de bon nombre de citoyens adeptes de liberté d’expression et de transparence d’État. En cela, le cinéaste ne contribue pas particulièrement à découpler le créateur de sa créature, démarche documentaire dont l’intérêt n’aurait pas été démenti tant WikiLeaks se borne déjà, dans l’imaginaire collectif, à la figure totem de Julian Assange. Mais qu’y a-t-il de si étonnant à ce qu’un objet cinématographique soit non pas le reflet de la complexité d’une organisation dont le core business semble hermétique au commun des mortels, mais bien plutôt d’une société profondément entravée par un phénomène de starification dont l’effet principal est de déléguer la compréhension d’enjeux cruciaux à un individu à la stature messianique ? (SD)
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Une médiagraphie réalisée par PointCulture en association avec le B3, Centre de ressources et de créativité de la Province de Liège.
Par Michaël Avenia, Pierre Baps, Dany Ben Félix, Manu Bollen, Simon Delwart, Catherine De Poortere, Benoit Deuxant, Henri Gonay, Yannick Hustache, Igor Karagozian et Stanis Starzinski.
Photo de bannière: © Vojtěch Kučera de Pixabay
Cet article fait partie du dossier Médiagraphies | 2022-24.
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